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Pourquoi craindre la mort ?

Publié le 04/02/2004

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La question « pourquoi « peut s’entendre de deux manières : lorsque je demande « pourquoi «, je demande quelle est la cause de quelque chose, qu’elle est la raison du fait qu’elle se soit produit. Mais je peux interroger également le but de cette chose, sa fin, l’objet vers quoi elle tend : je demande par exemple « Pourquoi as-tu fait ça ? « lorsque je désire connaître non ce qui a poussé mon interlocuteur à agir, mais ce qu’il a voulu obtenir. Il ya donc un « pourquoi « causal et un « pourquoi « final. La peur de la mort paraît à ce point puissante que nulle activité chez l’homme ne semble à même de la faire disparaître. Nous nous demanderons donc pourquoi nous craignons la mort dans les deux sens de cette interrogation (causal et final) avant de nous interroger sur la possibilité d’une lutte contre cette crainte de la mort. En effet, n’y a-t-il pas lieu de se demander pourquoi craindre la mort, alors que l’un des rôles attribués à la philosophie est précisément de libérer de cette crainte en en dénonçant la vacuité, et alors que l’art peut incarner un moyen adéquat pour cesser de craindre la mort ?

« privé, et de manière définitive, de tout ce qui donne au quotidien sa saveur.

D'où une souffrance morale – sinon lesentiment d'une perte irrémédiable, d'un manque forcément cruel et difficile à supporter : ainsi je n'aurai plus lajouissance de mes plaisirs, si futiles puissent-ils paraître à un autre, je serai privé radicalement de la présence del'être aimé, je ne pourrai plus profiter du soleil, d'une promenade, je serai incapable d'achever ce projet que je tardeà entreprendre ! Le monde sera toujours là, mais ce sera sans moi : je serai donc privé du monde !Contre une telle crainte, il n'est de réplique que métaphysique.

Soit en niant radicalement, selon le modèle épicurien,toute survie de l'âme, pour souligner combien cette anticipation d'une douleur est peu fondée : je ne souffrirai pascar il n'existera plus aucun être – à la place que j'occupe – pour souffrir.

Soit en comprenant la mort comme siintimement liée à la vie elle-même que sa nécessité apparaisse comme nécessaire et privée de signification.

C'est lasolution des stoïciens : l'homme doit être, comme l'épi de blé, « moissonné », et la disparition de l'individu, conçuedans la totalité du monde organisé, n'a aucune importance.

Mieux : elle est à ce point intégrée dans l'ordre dumonde que le sujet lui-même peut en décider (ou plutôt : avoir l'impression qu'il en décide) en mettant simplementfin à ses jours.

Soit encore en considérant qu'au-delà de mon existence, c'est l'humanité qui se prolonge, et qued'une certaine manière je me prolonge dans l'histoire de ses générations futures : Schopenhauer peut même ajouterque c'est bien mon vouloir-vivre qui provoque la douleur, parce qu'il s'attache à une existence qui n'a de sens quecomme totalité, et non comme singularité.

Mais le problème réside quand même en ceci que les raisonnements, siimpressionnants puissent-ils être, ne peuvent guère lutter contre l'affectivité, contre l'angoisse ou la panique quisaisit éventuellement le sujet à l'idée de son devoir-mourir... « Philosopher c'est apprendre à mourir.

» Montaigne, Essais, 1580-1588. Montaigne prône ici la « pré-méditation » de la mort.

Pour combattre la crainte qu'elle suscite en nous, il fautl'apprivoiser, nous faire à son idée, nous habituer à elle : «N'ayons rien si souvent en tête que la mort », dit-il plusloin. « La préméditation de la mort est préméditation de la liberté.

Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.

»Montaigne, Essais, 1580-1588.S'accoutumer à l'idée de notre propre mort, c'est nous libérer de la frayeur qu'elle nous inspire.

Ainsi, apprendre àmourir, c'est proprement nous libérer progressivement de la servitude en laquelle nous tient la crainte de la mort. « Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort; et sa sagesse est une méditation non de la mortmais de la vie.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « On ne cesse de penser à la mort qu'en cessant de penser.

» Marcel Conche, La Mort et la Pensée, 1973. « Que la mort, l'exil et tout ce qui te paraît effrayant soient sous tes yeux chaque jour; mais plus que tout, lamort.

Jamais alors tu ne diras rien de vil, et tu ne désireras rien outre mesure.

» Épictète, Manuel, vers 130 apr. J.-C. « En s'occupant de philosophie comme il convient, on ne fait pas autre chose que de rechercher la mort et l'étatqui la suit.

» Platon, Phédon, Ive s.

av.

J.-C. « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions tranchées qu'ils ont sur les choses; parexemple, la mort n'a rien d'effrayant, [...] mais c'est l'opinion tranchée selon laquelle la mort est effrayante qui estelle-même effrayante.

» Épictète, Manuel, vers 130 apr.

J.-C. « La mort, si nous voulons nommer ainsi cette irréalité, est la chose la plus redoutable.

» Hegel, La Phénoménologie de l'Esprit, 1807. « Ce qui, pour l'homme, est le principe de tous les maux et de sa bassesse d'âme et de sa lâcheté, ce n'est pas lamort, mais bien plutôt la crainte de la mort.

» Épictète, Entretiens, vers 130 apr.

J.-C. « Le courage consiste à ne pas craindre la mort.

Or, comme la mort est la séparation de l'âme d'avec le corps,cette séparation ne saurait effrayer celui qui aime à être seul.

» Plotin, Ennéades, Ille s.

apr.

J.-C. « Ne méprise pas la mort, mais fais-lui bon accueil, comme étant une des choses voulues par la nature.

» Marc- Aurèle, Pensées pour moi-même, IIe s.

apr.

J.-C. « Dès qu'un humain vient à la vie, il est déjà assez vieux pour mourir.

» Heidegger, Être et Temps, 1927.. »

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