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Qu'est ce que le divertissement pour Pascal ?

Publié le 28/09/2010

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pascal

 

Pascal donne au mot « divertissement « un sens spécifique en partant de son sens étymologique latine : divertere : « se séparer, se détourner de.. «.

Il rapproche ce mot à celui qu'employait Montaigne : « diversion « en pensant aux ruses que l'homme emploie pour l'oublier de ce qui l'afflige et mieux supporter sa condition humaine.

==> Le divertissement est le concept pascalien par excellence.

 

Le divertissement est une pratique d'esquive, typique de l'existence humaine. Il s'agit de ne plus penser à quelque chose quoi nous afflige, de nous détourner d'une réalité déplaisante.

Cette réalité déplaisante n'est pas un mal circonstanciel, par exemple un deuil, un échec sentimental ou professionnel. C'est un malheur constitutif de notre existence. Notre condition est celle d'un être faible, mortel, exposé à la maladie, aux affres de la solitude, à de multiples soucis et de surcroît, privé du seul être qui pourrait le combler, entendons privé de Dieu. C'est donc celle d'un être « misérable « condamné pour supporter cette misère à tout faire pour n'y point penser.

« Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de n'y point penser « (Fragment 168).

 

L'homme ne peut être heureux ni dans le repos ni dans l'agitation qui fait l'ordinaire de sa vie.

 

→ Pourquoi ne peut-il pas être heureux dans la solitude et l'inaction ?

Il ne peut échapper dans cette situation à la conscience de son insuffisance, de sa misère, de son vide, de sa déréliction : « Rien n'est insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaires, sans divertissements, sans applications. Il sent alors son néant, son insuffisance, son abandon, sa dépendance,  son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir «.

Il faut donc échapper à l'ennui, au désespoir et pour cela tous les moyens sont bons : la chasse, la guerre, le militantisme, le travail, les conquêtes amoureuses, la conversation, l'étude du jeu, les fêtes, etc.

La notion pascalienne de divertissement désigne aussi bien les activités frivoles que les activités sérieuses car quelles qu'elles soient, l'essentiel est de ne pas penser à ce quoi nous affligerait si nous la regardions en face.

 

→ Alors, quelle est la fonction du désir dans l'économie de l'existence humaine ?

S'il est vrai que les hommes s'exposent à des peines, à des tracas, à des périls parce qu'ils sont incapable de rester, sans déplaisir en repos, il n'en demeure pas moins que, s'ils avaient une conscience claire qu'ils se donnent tout ce mal pour cette raison, l'agitation dans laquelle ils sont cesseraient de remplir sa fonction.

 

Exemple : Si le joueur de tennis savait que l'application qu'il met pour bien placer la balle est nécessaire pour le détourner de l'ennui et du désespoir, si le sérieux avec lequel tout professionnel consciencieux exerce son métier apparaissait à celui-ci à ce qu'il est, à savoir un divertissement (c'est à dire au fond un jeu), nul doute que ni le joueur de tennis, ni l'homme de métier ne feraient ce qu'ils font avec autant de sérieux. Et ils y perdraient l'essentiel de l'avantage que ces occupations sont destinées à promouvoir.

 

Ce qui nous sauve de cette lucidité délétère est la magie du désir, son imaginaire, son dynamisme. Il nous projette vers des fins que nous fantasmons comme sources de plaisir, il mobilise notre énergie, notre attention dans l'espoir de les atteindre. Qu'importe que ce ne soit pas le lièvre qui intéresse le chasseur, mais la chasse ; le gain qui intéresse le joueur mais le jeu ; le salaire qui intéresse le travailleur mais le fait que la vie professionnelle lui permet de meubler le vide existentiel, l'important est de l'ignorer.

L'analyse pascalienne du divertissement nous demande donc de pointer à la fois la vanité du désir et son utilité existentielle.

 

→ Comment Pascal juge t-il le divertissement ?

Il en souligne l'ambiguïté.

Car ce qui est problématique dans la vanité humaine, ce n'est pas de se divertir. Heureusement que les hommes peuvent penser à autre chose qu'à ce qui les rendrait malheureux s’ils y pensaient.

Pascal ne condamne pas de manière absolue le divertissement. Au contraire, il en souligne la fonction pragmatique dans la mesure où il protége l’homme du désespoir. 

 

Mais ce qui est problématique, c’est que les hommes se jettent dans le tumulte « comme si la possession des choses qu’ils recherchent les devait rendre véritablement heureux «.

 

Et là, ils se trompent, car donner au chasseur le lièvre, au joueur le gain, condamnez le chasseur ou le joueur à chasser ou à jouer sans qu’ils ne puissent se prendre au jeu c’est-à-dire sans que le jeu ou la chasse ne soient pour eux une affaire sérieuse, vous les rendrez malheureux. Vous prirez aussitôt la chasse, le jeu, les occupations professionnelles de tout leur intérêt.

 

Il s’ensuit que se divertir consiste à vouloir deux choses contradictoires : le jeu et le sérieux.

 

Pascal condamne donc dans le divertissement cette manière de prendre au sérieux ce qui n’est qu’un jeu. Car en investissant son désir sur des objets qui ne peuvent pas le satisfaire, on se détourne du seul être qui pourrait le combler. Or, pour le chrétien Pascal : « Seul Dieu peut combler mon attente « . « Misère de l’homme sans Dieu , felicité de l’homme avec Dieu « écrit-il au début de la deuxième section des Pensées.

« La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement et cependant, c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela, nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher le moyen le plus sûr d’en sortir ? Mais le divertissement nous amuse, et nous fait arriver insensiblement à la mort «.

 

Miserable divertissement donc, qui nous distrait de devoir penser lucidement et de nous préoccuper de notre salut. « L’homme est visiblement fait pour penser ; c’est toute sa dignité et tout son mérite ; et tout son devoir est de penser comme il faut. Or, l’ordre de la pensée est de commencer par soi, et par son auteur et sa fin «.

 

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