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Rabelais fait donner par Gargantua à Pantagruel une éducation encyclopédique : « J'y veux un abîme de science », tandis que Montaigne préfère « une tête bien faite à une tête bien pleine » Vous apprécierez brièvement ces deux systèmes opposés et vous direz ensuite quel vous paraît être l'idéal d'une bonne éducation. ?

Publié le 04/06/2009

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Rabelais et Montaigne, dans des oeuvres d'une conception bien différente, ont proclamé la nécessité de réformer les méthodes d'éducation en usage à leur époque. Ils s'accordent à reconnaître que « c'étaient de bien grands bêtes que les régents du temps jadis «. Toutefois, chacun d'eux prétend substituer à un enseignement qu'il déclare suranné un programme particulier, en harmonie avec l'idéal qu'il entend réaliser chez son disciple. La méthode préconisée par Montaigne semble en réaction directe contre le plan d'études élaboré quelque 40 ans plus tôt par Rabelais. Quelle est la substance de ces deux programmes distincts ? Concevons-nous, actuellement, la possibilité d'admettre sans réserve l'un d'entre eux?
I. Exposé de la méthode de Rabelais
Sources à consulter. — Le livre I de Rabelais (Gargantua, chap. XIV, XV, XXI, XXIII et XXIV) relate les principales phases de l'éducation donnée à Gargantua. En outre, au livre II (le Ier de Pantagruel), Gargantua adresse à son fils Pantagruel une lettre dans laquelle il lui soumet le détail d'un programme plus large et plus élevé. C'est à ce document surtout qu'il convient de se référer. Enoncé du programme. — Pantagruel devra s'appliquer surtout à l'étude des langues anciennes, « premièrement la grecque, secondement la latine et puis l'hébraïque et la chaldaïque et arabique pareillement «. Cette connaissance de ce que nous appellerions aujourd'hui « les humanités « constitue pour Rabelais la base de l'éducation pour tout homme bien né. Vient ensuite l'étude de l'histoire, de la géographie, de la géométrie, arithmétique, musique, astronomie, astrologie et enfin du droit civil dont Pantagruel doit « savoir par coeur les beaux textes «. Quant aux sciences naturelles : géologie, botanique, zoologie, médecine, il les possédera toutes et à fond. En somme, son père entend « voir en lui un abîme de science «. Mais à cela ne se bornera pas son éducation. Il ne doit pas oublier, en effet, que le développement du corps a son importance : il apprendra le maniement des armes, la gymnastique, l'équitation. Enfin qu'il se souvienne de se perfectionner au point de vue moral, par la pratique de la charité, l'amour de Dieu et de son prochain, car « science sans conscience n'est que ruine de l'âme «.



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« Dans ces conditions, la tolérance, fondée sur un doute raisonné, lui apparaîtra comme la meilleure ligne de conduiteà tenir.Ce profit tiré des voyages sera complété par « le commerce des civilisations anciennes ».

Par le moyen deshistoriens et des moralistes, Plutarque, Tite-Live, Sénèque, il « pratiquera les grandes âmes des meilleurs siècles ».Mais là encore il s'attachera à l'esprit plus qu'à la lettre, « retenant moins la date de la ruine de Carthage que lesmoeurs d'Annibal et de Scipion, ni tant où mourut Marcellus que pourquoi il fut indigne de son devoir qu'il mourût là».

Nous comprenons maintenant ce que Montaigne entendait par une tête bien faite : son disciple saura raisonner,juger et se montrer « d'une fréquentation agréable ». III.

Quelle nous paraît être la meilleure méthode d'éducation. De l'exposé qui précède, il résulte que le conflit était déjà ouvert au XVIe siècle entre les partisans des diversesméthodes éducativesLe XVII, le XVIIIe siècle surtout, en particulier avec J.-J.

Rousseau, s'efforceront d'élaborer des plans d'éducationcomplets.

Actuellement encore, les discussions sur la pédagogie sont à l'ordre du jour.De Rabelais procèdent les éducateurs qui mettent au premier plan le culte de la science, et « l'avidité de savoir ».Ils entendent que leurs élèves s'efforcent d'apprendre tout ce que l'humanité a déjà appris ou inventé.

Ils oublienttrop peut-être que les progrès constants de la science et la spécialisation qu'elle exige rendraient actuellementimpossible l'acquisition du savoir encyclopédique aux géants mêmes de Rabelais.

Réaliser le programme tracé àPantagruel serait se condamner à consacrer toute une vie à l'étude, sans prendre le temps de faire oeuvre utile, nimême de vivre.Pour Montaigne, il nous semble avoir par trop simplifié le problème, en cantonnant son disciple dans la seuleconnaissance de l'homme.

La nature exige de plus en plus impérieusement que nous ne la négligions pas, si noustenons à agir sur elle.

D'autre part, Montaigne bannit un des éléments sur lesquels doit se fonder la science del'éducation : la notion d'effort.

Il est séduisant, sans doute, d'apprendre le latin et le grec par manière de jeu,comme il le fit lui-même, et d'amasser des notions sur les sujets les plus variés, à la faveur de voyages et delectures.

Mais, outre que les circonstances et la nature des divers esprits ne se prêtent pas à l'usage d'une telleméthode, c'est mal préparer l'enfant à faire son entrée dans la vie que de ne l'avoir point accoutumé à entremêlerles tâches agréables de travaux plus ardus et exigeant une certaine contention d'esprit.

C'est le priver égalementd'un des plus grands plaisirs qui soit : celui qui naît du contentement de la difficulté vaincue.

Enfin, on ne constatepas que Montaigne se soit préoccupé de faire de son élève un homme de menin compatissant aux souffrances deses semblables, pénétré du désir de se rendre utile à son pays et à l'humanité.

Tout entier occupé à analyser leshommes et à s'analyser lui-même il perdra de vue le but suprême de la vie : agir, et tombera dans cet égoïsmeaimable, fait de doute raisonné, qui caractérise l'auteur des Essais.Si nous nous félicitons que Montaigne, à partir de sa 40e année surtout, ait mené la vie contemplative, par contre,nous concevons mal ce que serait une société dont tous les membres se comporteraient ainsi.Quel devrait donc être l'idéal d'une bonne éducation ? Sans nous flatter de clore ici un débat ouvert depuis silongtemps, nous nous bornerons à indiquer qu'il convient d'emprunter aux deux auteurs les idées relatives audéveloppement parallèle de l'esprit et du corps et la pratique des leçons de choses. En outre, du programme de Rabelais nous retiendrons en premier lieu, l'étude des langues anciennes, maisenvisagées surtout au point de vue de la formation de l'esprit, sans viser à en donner à tous une connaissanceparfaite; ensuite le désir de posséder quelques notions sur les diverses sciences, mais sans essayer de réaliser sonrêve de savoir encyclopédique, quinte à approfondir une branche de ces sciences.De Montaigne, nous retiendrons qu'il est bon de douter parfois, de raisonner toujours, que l'éducation peul se fairesans le concours d'étrivières et ailleurs que dans des geôles et que s'instruire n'est pas nécessairement « sesurcharger l'esprit ».

Expérience directe, voyages, lectures, nous mettrons tout en oeuvre pour former une droiteraison, meubler l'esprit, apprendre à connaître les autres et à nous connaître nous-mêmes.

Mais nous prendronsgarde d'ajouter à ces notions la définition exacte de ce que doit être le rôle social de l'homme.D'ailleurs, la réalisation de cette dernière partie de notre programme sera facilitée du fait qu'actuellement,l'éducation de la presque totalité des enfants est effectuée en commun, et que de bonne heure, ceux-ci font, aucontact de leurs camarades, l'apprentissage de la vie sociale.Tels sont les emprunts très larges que nous pourrons faire aux méthodes d'éducation, cependant différentes,proposées par Montaigne et Rabelais.

Chacun d'eux nous fournit d'utiles indications.

Sachons selon le mot deMontaigne, les « pilloter et en faire notre miel ».Complétées par les enseignements tirés des progrès réalisés depuis le XVIe siècle ces indications, compte tenu desnécessités présentes, nous permettront d'élaborer un programme qui, pour ne pas être à l'abri de toute critique,n'en représentera pas moins la somme des connaissances moyennes que doit actuellement posséder un espritéclairé.. »

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