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ROI SANS DIVERTISSEMENT (Un) deJean Giono

Publié le 18/11/2018

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ROI SANS DIVERTISSEMENT (Un)

Jean Giono. Roman, 1947.

 

D’étranges événements troublent la vie du petit village de Trièves que l’hiver et la neige coupent du reste du monde; des villageois disparaissent, un animal est retrouvé tailladé. Le capitaine de gendarmerie Langlois,

chargé de l’enquête, ne tarde pas à suspecter «un homme comme les autres », Monsieur V, mais à la surprise générale, l’abat en toute hâte, avant même d’avoir éclairci le mystère. Langlois a découvert la secrète beauté de la violence et il subira désormais la troublante fascination du crime de Monsieur V. Il finira par se détruire pour échapper à cette étrange passion.

giono

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)L'ennui et le divertissement dans Un Roi sans Divertissement de Giono Le titre, emprunté à une des Pensées de Pascal, et complété dans la dernière phrase du roman — « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères.

» (p.

244) —, met immédiatement le lecteur sur la voie d'une interprétation morale et philosophique de l'oeuvre.

Mais s'agit-il encore du divertissement au sens pascalien — se détourner de la conscience des vicissitudes de la conditionhumaine — et pour lutter contre quelles formes de l'ennui ? I.

Un ennui inhérent aux conditions de vie L'hiver L'ennui décrit dans le roman n'est pas d'ordre existentiel, du moins dans un premier temps : il est dû avant tout au cadre de vie despersonnages.

Les villages de montagne où se déroule l'action sont, une grande partie de l'année, ensevelis sous la neige qui tombesans interruption, les jours sont courts, obscurcis souvent par le brouillard et les nuages qui limitent le champ de vision.

« Une heure,deux heures, trois heures; la neige continue à tomber.

Quatre heures; la nuit; on allume les âtres; il neige.

Cinq heures.

Six, sept; onallume les lampes ; il neige.

Dehors, il n'y a plus ni terre ni ciel, ni village, ni montagne; il n'y a plus que les amas croulants de cetteépaisse poussière glacée d'un monde qui a dû éclater.

» (p.

15) Ces conditions renforcent l'isolement des villages ainsi que la peur etla solitude de leurs habitants qui vivent, à cause du froid, confinés dans leurs maisons, les déplacements étant d'ailleurs renduspresque impossibles par la neige.

Les activités agricoles sont réduites, le bétail restant également enfermé dans les étables, or ce sontles principales occupations des villageois. La monotonie de l'existence Mais les conditions climatiques ne sont pas les seuls facteurs d'ennui.

L'existence semble avoir perdu de son intérêt pour beaucoup depersonnages, comme Delphin-Jules, du fait de son mariage : « À côté d'elle, Delphin-Jules dont la dernière joie, depuis qu'il avait eul'imprudence d'agripper le petit doigt d'Anselmie, la dernière joie et pour laquelle il avait risqué la mort, était d'aller fumer sa pipe,posé sur le fumier.

» (p.

47), ou Frédéric II, privé de liberté pas la scierie et la famille : « Il pensait à tout ce qu'il ferait s'il n'avait pas femme et enfant.

Il pensait à ce qu'il ferait si c'était à refaire.

Il pensait à ce qu'il devrait faire.

» (p.

59) C'est également le cas de M.V.

qui dut se sentir emprisonné dans le cocon familial, comme le comprend Langlois en rendant visite à sa veuve, : « (En raison desallusions de Langlois je pensai tout de suite à la brodeuse et à cette sorte de garde-meuble dans lequel elle vivait, où l'on pouvaitpasser en revue tout ce avec quoi elle avait dû entourer l'homme au portrait en pied.

» (p.

210) Le loup de la seconde partie du récitparaît lui aussi en proie à l'ennui : « Est-ce que, par hasard, le Monsieur n'attendrait pas tout simplement la mort que nous lui apportons sur un plateau? » (p.

142) Enfin Langlois, malgré son grade de capitaine de gendarmerie, souffre de l'absence de risques et d'aventures de sa nouvelle existence, comparativement aux campagnes militaires menées en Algérie : « Il a fait l'Algérie.

Il était àOran avec Desmichels et à la Macta avec Trézel et il disait que ce n'était pas de la peau de lapin que de se faire foutre la frottée pardes arbis déguisés en femmes.

» (p.

158), et il garde même une nostalgie du pays : « Il y a un village du côté de Mer-el-oued, disaitLanglois, c'est pareil.

— Il n'y a pas de neige? disait-elle.

— Non, mais il y a du soleil, disait Langlois.

» (p.

53) Il.

Des divertissements aux enjeux inégaux Les distractions anodines Pour lutter contre cet ennui, certains ont recours à des divertissements sans conséquence, comme Delphin-Jules qui fume rituellement sa pipe « posé sur le fumier », Frédéric II qui consacre plusieurs heures à réparer une petite horloge, ou les vieux du village qui, chaque jour aux mêmes heures, jouent aux cartes et boivent un verre au Café de la route.

La nature elle-même participe audivertissement à chaque printemps, lorsque la lumière et les couleurs reviennent et que l'horizon s'élargit de nouveau.

Le spectacle duhêtre et de sa parure multicolore, décrite au début du roman, en est l'illustration parfaite.

Il y a également d'autres plaisirs sansgravité, mais plus exaltants, comme la messe de minuit au mois de décembre ou les fêtes à SaintBaudille organisées par Mme Tim,spécialiste du divertissement.

Saucisse, quand elle ne cuisine pas, parle de « la marche du monde » avec Langlois, le Procureur ouMme Tim.

Langlois, lui-même, ruse contre l'ennui avec certains divertissements comme l'élégance de ses tenues vestimentaires, sesparades à cheval, ses cigares ou – déjà plus significatif – son labyrinthe en buis, sans parler du « bongalove » et du mariage, qui sont aussi pour lui des « divertissements ». Les plaisirs cruels « [...] les hommes s'ennuient, ils ont la capacité d'ennui.

De là, la création de tous les vices, de là, la création de tout ce que vouspouvez imaginer, de là, les crimes, parce qu'il n'y a pas de distraction plus grande que de tuer; c'est admirable; la vue du sang estadmirable pour tout le monde.

» affirme Jean Giono dans le 3 e entretien radiophonique accordé en 1953 au cinéaste Jean Amrouche.

Il y a en effet dans le roman des divertissements hors nature, qui relèvent de la pure cruauté puisque la vie humaine y est sacrifiée.Giono fait d'ailleurs référence à plusieurs reprises aux sacrifices humains pratiqués par les Aztèques, à propos de visagesmétamorphosés par les ombres de l'hiver : « Ils ont tous l'air de prêtres d'une sorte de serpent à plumes...

» (p.

15), ou de la naturetransformée par l'arrivée de l'automne : « Chaque soir, désormais, les murailles du ciel seront peintes avec ces enduits qui facilitentl'acceptation de la cruauté et délivrent les sacrificateurs de tout remords.

» (p.

37) Il s'agit bien sûr des meurtres accomplis par M.V.,sans raison aucune, de la battue au loup, avec son cérémonial méticuleux, et du suicide de Langlois dans « un énorme éclaboussementd'or qui éclaira la nuit pendant une seconde.

» (p.

244) Ces morts violentes sont annoncées par le leitmotiv du sang sur la neige, quiplonge ceux qui le contemplent – Bergues, le loup, Langlois – dans une fascination proche de l'hypnose, forme inconsciente dedivertissement.. »

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