Devoir de Philosophie

sciences qui ne servent à rien !

Publié le 22/10/2012

Extrait du document

sciences qui ne servent à rien ! Ce qui compte, si difficile qu'il soit d'y croire, c'est qu'en de telles études il y a chez chacun un organe de l'âme qui se voit purifié et ranimé, organe que les autres occupations avaient abîmé et aveuglé et dont la préservation vaut mieux que celle de milliers d'yeux, car c'est le seul qui permette de voir la vérité. Ceux qui en tombent d'accord partageront ton point de vue sans réserve, mais tous ceux qui ne se sont jamais rendu compte de cela estimeront que tu ne dis rien qui vaille... — S. Maintenant que tu as blâmé l'inconvenance de mon éloge de l'astronomie, je vais la louer en entrant dans tes vues : qu'elle force l'âme à regarder vers le haut et qu'elle la conduise des choses d'ici-bas à celles de là-bas, voilà, je crois, ce qui est évident pour tous. — G. Sans doute pour tous, sauf moi, car tel n'est pas mon avis. — S. Comment cela ? — G. Traitée comme elle l'est de nos jours par ceux qui engagent à philosopher, c'est tout à fait vers le bas qu'elle fait tourner le regard. — S. Que veux-tu dire ? — G. Je crois que tu y vas fort dans ta manière personnelle de concevoir ce qu'est la science des choses d'en haut ; car tu as l'air d'estimer qu'il suffit que quelqu'un acquière quelque connaissance en levant la tête et en regardant le décor d'un plafond pour qu'il contemple en pensée et non de ses yeux. Peut-être ton point de vue est-il bon, et le mien celui d'un sot, mais pour ma part je ne puis concevoir d'autre science qui amène l'âme à regarder en haut que celle qui a pour objet l'être et l'invisible ; si l'on prétend acquérir la connaissance de quelque chose de sensible, que ce soit en regardant vers le haut bouche ouverte ou vers le bas bouche fermée, je nie qu'on ait jamais acquis connaissance ainsi, car de telles choses il n'y a aucune science et je dis que ce n'est pas en haut mais en bas que l'âme regarde en ce cas, lors même qu'on s'instruit en faisant la planche sur terre ou en mer. — S. J'ai ce que je mérite et c'est à bon droit que tu m'as vitupéré. Mais comment disais-tu qu'il faut apprendre l'astronomie, autrement qu'on ne l'apprend de nos jours, pour que son étude serve à notre des- sein ? — G. Voici : considérer le décor céleste, dans la mesure même où c'est un décor visible, comme ce qu'il y a de plus beau et de plus exact dans le genre, mais aussi comme très inférieur au décor véritable : des mouvements dont la vitesse réelle et la lenteur réelle se meuvent entre elles et meuvent ce qui s'y trouve dans le nombre vrai et toutes les vraies figures, toutes réalités que peuvent saisir la raison et la pensée, mais non pas le sens de la vue. Es-tu d'un autre avis ? — S. Nullement. — G. Ainsi pour connaître de telles réalités, il faut faire des apparences célestes autant de paradigmes, exactement comme si on trouvait des dessins tracés et élaborés de manière achevée par Dédale ou quelque autre artiste ou peintre : en les voyant, quelqu'un d'expert en géométrie estimerait qu'ils sont d'une très belle exécution, mais trouverait ridicule de les scruter attentivement en vue d'y surprendre la vérité de l'égal, du double ou de quelque autre proportion. — S. Comment ne pas juger la chose ridicule ? — G. Ne crois-tu pas que l'astronome digne de ce nom partagera cette conviction en regardant les mouvements des astres ? Il pensera que le démiurge qui a fait le ciel et ce qu'il contient leur a donné la disposition la plus belle qui puisse convenir à de telles œuvres ; mais le rapport de la nuit au jour, leur rapport au mois, et le rapport des autres astres entre eux aussi bien qu'à tout cela, il jugera absurde de croire que tout cela se produit toujours exactement en même façon sans jamais subir la moindre variation, alors que c'est corporel et visible, et de chercher à toute force d'y trouver la vérité. — S. A t'écouter, c'est bien ce qui me semble. — G. C'est donc en traitant de problème, exactement comme en géométrie, que nous pratiquerons l'astronomie et nous laisserons de côté ce qui se passe au ciel, si nous voulons que la vraie manière de comprendre l'astronomie tire partie de ce qui dans notre âme est naturellement intelligent au lieu de le laisser sans emploi. — S. Tu assignes à l'astronomie une tâche bien plus compliquée que celle à laquelle elle se livre de nos jours. — G. Je crois, pour ma part, qu'il faut en user de même à l'égard des autres disciplines pour que notre législation ait quelque utilité. République VII, 527d-528a et 528e-530c d) La science de l'harmonie. [SOCRATE-GLAUCON] — S. Je pense que le mouvement comporte non pas une seule espèce, mais plusieurs. Sans doute un savant serait-il à même de les citer toutes, mais deux d'entre elles sont évidentes même pour nous. — G. Lesquelles ? — S. Outre la précédente, une autre lui fait pendant. — G. Laquelle ? — S. Il est probable que de même que l'astronomie a été assignée aux yeux, de même le mouvement harmonique l'a été aux oreilles, et que ces sciences sont soeurs, comme le prétendent les Pythagoriciens et comme nous l'admettrons avec eux, sauf si tu es d'un autre avis. — G. Nullement. — S. Ainsi, comme ce n'est pas une mince affaire, nous leur emprunterons des informations là-dessus et sur autre chose, le cas échéant, sans pour cela perdre de vue ce dont nous avons fait notre principe. — G. Lequel ? — S. Que ceux dont nous prenons l'éducation en charge aillent jusqu'au bout des études que nous leur faisons entreprendre et parviennent à la fin où tout doit aboutir, comme nous venons de l'exposer dans le cas de l'astronomie. Car sais-tu que l'harmonie n'est pas mieux traitée ? Tout comme les astronomes, les savants y perdent aussi leur temps à mesurer les uns par les autres les accords et les sons que l'oreille perçoit. — G. Il est de fait, pardieu, qu'ils se ridiculisent à dénommer je ne sais quelles trilles et à tendre l'oreille comme s'ils guettaient la conversation des voisins ; les uns prétendent qu'ils entendent encore un son entre deux autres et que c'est là le plus petit intervalle qui doit servir de mesure, les autres le contestent et disent qu'il est semblable aux précédents, les uns comme les autres faisant passer l'oreille avant l'esprit. — S. Ah ! toi tu parles de ces

« L'ÉDUCATION («PAIDEIA)o 73 sein ? - G.

Voici : considérer le décor céleste, dans la mesure même où c'est un décor visible, comme ce qu'il y a de plus beau et de plus exact dans le genre, mais aussi comme très inférieur au décor véritable : des mouvements dont la vitesse réelle et la lenteur réelle se meuvent entre elles et meuvent ce qui s'y trouve dans le nombre vrai et toutes les vraies figures, toutes réalités que peuvent saisir la raison et la pensée, mais non pas le sens de la vue.

Es-tu d'un autre avis? -S.

Nullement.- G.

Ainsi pour connaître de telles réalités, il faut faire des apparences célestes autant de paradigmes, exactement comme si on trouvait des dessins tracés et élaborés de manière achevée par Dédale ou quelque autre artiste ou peintre : en les voyant, quelqu'un d'expert en géométrie estimerait qu'ils sont d'une très belle exécution, mais trouverait ridicule de les scruter attentivement en vue d'y sur­ prendre la vérité de l'égal, du double ou de quelque autre proportion.

-S.

Comment ne pas juger la chose ridicule?- G.

Ne crois-tu pas que l'astronome digne de ce nom partagera cette conviction en regar­ dant les mouvements des astres ? Il pensera que le démiurge qui a fait le ciel et ce qu'il contient leur a donné la disposition la plus belle qui puisse convenir à de telles œuvres ; mais le rapport de la nuit au jour, leur rapport au mois, et le rapport des autres astres entre eux aussi bien qu'à tout cela, il jugera absurde de croire que tout cela se produit toujours exactement en même façon sans jamais subir la moindre variation, alors que c'est corporel et visible, et de chercher à toute force d'y trouver la vérité.

- S.

A t'écouter, c'est bien ce qui me semble.

-G.

C'est donc en traitant de problème, exactement comme en géomé­ trie, que nous pratiquerons l'astronomie et nous lais­ serons de côté ce qui se passe au ciel, si nous voulons que la vraie manière de comprendre l'astronomie tire partie de ce qui dans notre âme est naturellement intelligent au lieu de le laisser sans emploi.

- S.

Tu assignes à l'astronomie une tâche bien plus compli­ quée que celle à laquelle elle se livre de nos jours.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles