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si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice

Publié le 23/03/2015

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Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur.

La puissance de juger ne doit pas être donnée à un sénat permanent, mais exercée par des personnes tirées du corps du peuple, dans certains temps de l'année, de la manière prescrite par la loi, pour former un tribunal qui ne dure qu'autant que la nécessité le requiert.

De cette façon, la puissance de juger, si terrible parmi les hommes, n'étant attachée ni à un certain état, ni à une certaine profession, devient, pour ainsi dire, invisible et nulle. On n'a point continuellement des juges devant les yeux ; et l'on craint la magistrature, non les magistrats.

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Mais, si les tribunaux ne doivent pas être fixes, les jugements doivent l'être à un tel point, qu'ils ne soient jamais qu'un texte précis de la loi. S'ils étaient une opinion particulière du juge, on vivrait dans la société, sans savoir précisément les engagements que l'on y contracte...

(E.L. XI, 6)

« Textes commentés 45 À raison de sa formation juridique et de sa profession de magistrat, Montesquieu a toujours attaché beaucoup d'importance à la notion de justice.

Philosophiquement considérée, la justice, estime-t-il à l'époque des Lettres persanes (L.P., 83), est «un rapport de convenance entre deux choses».

Comme telle, elle est immanente à l'ordre du monde.

De même que Cicéron, Montesquieu la dit éternelle et immuable et, à l'inverse de Hobbes, il pense qu'elle« ne dépend pas des conventions humaines».

Seulement, les hommes ne voient pas toujours ce qui est juste ; parfois même, ils voient ce qui est juste, mais s'en éloignent.

Par conséquent, l'idéalisme moral est insuffisant.

Il faut aménager la justice, c'est-à-dire l'institutionnaliser.

La justice est donc l'affaire des juges dans le prétoire.

Si l'idée paraît simple et quasiment évidente, elle implique néanmoins, dès lors que la sûreté et la liberté sont considérées comme l'enjeu le plus grave de la vie politique, qu'on la rapporte à l'organisation constitutionnelle de l'État.

Sans doute pourrait-on dire que ce qui est juste est établi par la juridiction du pouvoir judiciaire.

En vérité, Montesquieu est beaucoup plus précis.

La « puissance de juger » -plutôt que le « pouvoir » judiciaire -doit répondre, dit-il, à un impératif constitutionnel absolu : il faut qu'elle soit «séparée» (c'est le seul contexte dans lequel Montesquieu parle de « séparation » à propos des organes étatiques) de la puissance législative et de l'exécutrice.

L'indépendance de la justice est la condition sine qua non de la liberté : si le juge était législateur ou si sa juridiction était jointe au pouvoir exécutif, l'institution judiciaire serait arbitraire et oppressive.

Il faut aussi que la justice, « si terrible parmi les hommes », soit « invisible et nulle».

Comprenons qu'elle ne doit pas être une menace que feraient sans cesse peser des juges sur les citoyens et, qu'en conséquence, elle doit être exercée non pas par une instance fixe et permanente qui risque d'être tyrannique (Montesquieu pense probablement au Conseil du Roi et ne cache pas sa défiance envers les Parlements dont, pourtant, il faisait partie), mais par une juridiction temporaire, c'est-à-dire par un tribunal formé, pour le temps d'une espèce, par des citoyens eux-mêmes qui ne seront, en l'affaire, que la « bouche de la loi » - la loi devant être scrupuleusement appliquée.. »

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