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Si la vie était belle y aurait-il de l'art ?

Publié le 17/03/2005

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Comment, dès lors, comprendre le rôle de l'art si nous refusons de le considérer comme une activité visant à nous rassurer en nous donnant une vision idéalisée de la vie ?   Pour répondre à ce problème, il nous faut revenir sur la notion de beauté. La beauté est en en effet moins ce qui nous procure un plaisir que ce qui fait sens universellement. Ce qui distingue le beau de la simple sensation agréable est cette portée signifiante et intellectuelle. Dès lors, le rôle de l'art serait moins de suppléer à la difficulté de notre existence que de nous proposer un sens de cette dernière. L'absence de beauté de la vie serait ainsi moins une absence de plaisir qu'une absence de sens dans notre existence quotidienne, absence à laquelle l'art remédierait. En effet, dans notre rapport au monde quotidien se voile souvent notre interrogation face à ce dernier. Notre existence semble marquée par un oubli du sens, oubli que l'art tenterait de dépasser en proposant de dégager du sens dans le monde qui nous entoure. Affirmer que l'art naît dans l'absence de beauté de la vie ne revient donc pas à le considérer comme une activité générant l'illusion rassurante d'un monde idéalisé. Cette affirmation revient au contraire à affirmer que l'art pourvoit du sens, souvent critique, dans notre existence marquée par son oubli.

 

Pour traiter ce sujet, vous devez d'abord remarquer qu'il comporte un présupposé, à savoir que la vie est n'est pas belle.

Pour comprendre cette affirmation, vous devez proposer une définition de la beauté.

La beauté est classiquement définie comme ce qui procure un plaisir sensible tout en étant irréductible à l'ordre du plaisir subjectif. Lorsque nous disons d'une fleur qu'elle est belle, nous n'énonçons pas à son sujet le même type de jugement que lorsque nous disons qu'elle sent bon. Le  beau apparaît donc comme « ce qui plaît universellement sans concept « (Kant). En effet, le jugement esthétique revient à affirmer un plaisir subjectif dans une proposition qui s'universalise.

Or, ce type de jugement ne semble pas réservé au domaine de l'art, au contraire de ce que semble présupposer le sujet. Devant une oeuvre de la nature, ou devant un événement particulier de notre existence, nous prononçons souvent un jugement de ce type.

La question qui revient à se demander si l'absence de beauté dans la vie est la cause de l'existence de l'art semble donc viciée.

Bien au contraire, on pourrait affirmer que l'art vise à imiter la beauté de la nature, à fixer la beauté que nous trouvons parfois dans l'existence.

Cependant, cette conception pose problème et nous permet de revenir sur la justesse de la question posée.

 

En premier lieu, il s'agit de voir que l'art n'est pas une simple copie de la réalité, sa simple imitation mais le lieu d'une représentation particulière et originale de  cette dernière.

De plus, si nous prononçons parfois un jugement esthétique sur notre existence, il apparaît que ce sentiment n'est pas destiné à durer. La lucidité face à la vie nous conduit souvent à ressentir de l'angoisse face à l'absurdité de notre condition.

L'art serait donc effectivement lié à cette absence de sens, et la vision particulière qu'il propose de la vie serait lié au besoin de nous rassurer face à l'absurde de notre condition.

 

Il est cependant réducteur de considérer l'art comme une activité simplement rassurante, source d'illusions. D'ailleurs, de nombreux exemples nous conduiraient à nuancer cette  conception. Ainsi, la peinture baroque, notamment les tableaux que nous nommons « vanités « ne semblent pas destinés rassurer l'homme mais bien plutôt à le rendre lucide sur la précarité de sa condition.

Comment, dès lors, comprendre le rôle de l'art si nous refusons de le considérer comme une activité visant à nous rassurer en nous donnant une vision idéalisée de la vie ?

 

Pour répondre à ce problème, il nous faut revenir sur la notion de beauté. La beauté est en en effet moins ce qui nous procure un plaisir que ce qui fait sens universellement. Ce qui distingue le beau de la simple sensation agréable est cette portée signifiante et intellectuelle.

Dès lors, le rôle de l'art serait moins de suppléer à la difficulté de notre existence que de nous proposer un sens de cette dernière. L'absence de beauté de la vie serait ainsi moins une absence de plaisir qu'une absence de sens dans notre existence quotidienne, absence à laquelle l'art remédierait.

En effet, dans notre rapport au monde quotidien se voile souvent notre interrogation face à ce dernier. Notre existence semble marquée par un oubli du sens, oubli que l'art tenterait de dépasser en proposant de dégager du sens dans le monde qui nous entoure.

Affirmer que l'art naît dans l'absence de beauté de la vie ne revient donc pas à le considérer comme une activité générant l'illusion rassurante d'un monde idéalisé. Cette affirmation revient au contraire à affirmer que l'art pourvoit du sens, souvent critique, dans notre existence marquée par son oubli.

Il serait dès lors possible d'affirmer que si nous pouvons affirmer parfois que notre existence est belle, c'est dans la mesure où nous pouvons avoir un regard artistique sur cette dernière, à savoir un regard attentif au sens que nous pouvons en dégager.

Bien plus il serait justifiable d'affirmer que si certains moments, certains paysages nous apparaissent comme beau, c'est dans la mesure où nous y retrouvons certains traits d'oeuvres d'art consacrées par notre culture, à savoir un sens particulier auquel ces oeuvres nous ont rendus attentifs. Edgar Poe souligne ainsi que le brouillard londonien ne semblerait pas beau à ses contemporains si le peintre Turner n'en avait pas proposé une vision particulière et signifiante dans ses tableaux.

Il apparaît donc que c'est l'art lui-même, comme l'activité d'un regard particulier sur le monde, qui pourvoit du sens dans l'existence, et que sans l'art nous ne parlerions peut-être pas de beauté.

 

« la faculté que nous procure maintenant la science de comprendre l'universel esprit de non-vérité et de mensonge,de comprendre le délire et l'erreur en tant que conditions de l'existence connaissante et sensible.

La probité auraitpour conséquence le dégoût et le suicide ; or, il se trouve que notre probité dispose d'un puissant recours pouréluder pareille conséquence : l'art, en tant que consentement à l'apparence.

Nous n'interdisons pas toujours à notreregard d'arrondir, de finir ce que nous imaginons : et alors ce n'est plus l'éternelle imperfection que nous portonspar-delà le fleuve du devenir, mais nous croyons porter une déesse et nous nous montrons fiers et enfantins en luirendant ce service.

En tant que phénomène esthétique l'existence nous est toujours supportable, et en vertu del'art, l'oeil et la main et avant tout la bonne conscience nous ont été donnés pour pouvoir nous transformer en pareilphénomène.

Il est bon de temps en temps de nous délasser de nous-mêmes à la faveur de l'art qui nous permet denous considérer à distance et, de haut, de rire de nous-mêmes ou de pleurer sur nous : de déceler le héros et nonmoins le bouffon qui se cachent dans notre passion de connaître, de jouir de temps en temps de notre folie pourcontinuer à jouir de notre sagesse 1 -- Et parce que dans le fond nous sommes précisément des esprits graves,ayant plutôt la gravité du poids que celle des hommes, rien ne saurait nous faire autant de bien que le bonnet defou : nous en avons besoin comme d'un remède contre nous-mêmes, - nous avons besoin de tout art pétulant,flottant, dansant, moqueur, puéril et serein, pour ne rien perdre de cette liberté au-dessus des choses qui attendde nous-mêmes notre idéal.

Nietzsche 2) Cependant, la vocation de l'art est moins de nous rassurer que de pourvoir de sens une réalité face à laquelle nous entretenons souvent un rapport utilitaire.

Ce regard particulier qui rendsignifiants des événements ou des objets que nous ne remarquions pas comme tels, est spécifiqueà l'art.

Si l'art supplée donc à notre être-au-monde quotidien, c'est non pas sur le mode du simpleagrément mais sur le mode d'une donation de sens. "A quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui nefrappaient pas explicitement nos sens et notre conscience? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme nele créent certes pas de toutes pièces; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'àun certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui.

Au fur et à mesure qu'ils sous parlent, des nuances d'émotion et depensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraientinvisibles : telle, l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera.

Le poète estce révélateur.

Mais nulle part la fonction de l'artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait laplus large place à l'imitation, je veux dire la peinture.

Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte unecertaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes.

Un Corot, un Turner, pourne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas.

Dira-t-on qu'ilsn'ont pas vu, mais créé, qu'ils nous ont livré les produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventionsparce qu'elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l'image que lesgrands peintres nous en ont tracée? C'est vrai dans une certaine mesure; mais s'il en était uniquement ainsi,pourquoi dirions-nous de certaines oeuvres - celles des maîtres - qu'elles sont vraies?" Bergson "Mais comment a lieu la pro-duction, soit dans la nature, soit dans le métierou dans l'art ? Qu'est-ce que le pro-duire, dans lequel joue le quadruplemode du faire-venir ? Le faire-venir concerne la présence de tout ce quiapparaît au sein du pro-duire.

Le pro-duire fait passer de l'état caché à l'étatnon caché, il présente (bringt vor).

Pro-duire (her-vorbringen) a lieusimplement pour autant que quelque chose de caché arrive dans le non-caché.

Cette arrivée repose, et trouve son élan, dans ce que nous appelonsle dévoilement.

Les Grecs ont pour ce dernier le nom d'Alèthéia, que lesRomains ont traduit par veritas.

Nous autres Allemands disons Wahrheit(vérité) et l'entendons habituellement comme l'exactitude de lareprésentation." Martin HEIDEGGER 3) Il semble donc que la question qui demande si l'absence de beauté dans la vie est la cause de l'art soit à renverser.

Peut-être l'art est-illui-même la cause de la beauté que nous pouvons parfois trouver dansla vie.

Non pas au sens où il nous donnerait une vision idéalisée decette dernière, mais au sens où il rend possible un regard porteur desens sur elle.

« Pour comprendre comment le sentiment du beau comporte lui-même desdegrés, il faudrait le soumettre à une minutieuse analyse.

Peut-être la peinequ'on éprouve à le définir tient-elle surtout à ce que l'on considère les beautés de la nature comme antérieures à celles de l'art : les procédés de l'art ne sont plus alors que des moyenspar lesquels l'artiste exprime le beau, et l'essence du beau demeure mystérieuse.

Mais on pourrait se demander si lanature est belle autrement que par la rencontre heureuse de certains procédés de notre art, et si, en un certainsens, l'art ne précéderait pas la nature.

Sans même aller aussi loin, il semble plus conforme aux règles d'une saineméthode d'étudier d'abord le beau dans les oeuvres où il a été produit par un effort conscient, et de descendreensuite par transitions insensibles de l'art à la nature, qui est artiste à sa manière.

» Bergson. »

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