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Un être vivant peut-il être assimilé à une machine ?

Publié le 22/02/2012

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• Ambivalence de la question, qu'il faut aussi bien envisager sur le plan épistémologique (problème de l'explication mécaniste de l'être vivant) que sur le plan éthique (peut-on traiter un être vivant comme une machine). • Du point de vue épistémologique, il sera utile de mobiliser quelques éléments de réflexion précis concernant les sciences de la vie et surtout l'évolution des explications qu'elles ont pu produire. (Cf. par exemple l'ouvrage de Canguilhem, La connaissance de la vie, Éditions Vrin.) • La question pose, à travers l'analogie évoquée entre l'être vivant et une machine, un problème plus général qui concerne l'activité de la science : celui des modèles explicatifs, des analogies établies entre réalités distinctes (penser un phénomène à partir d'un autre, dont on connaît bien le fonctionnement, implique une analogie qu'il convient de justifier).

« faire qu'elle marche, qu'elle mange, qu'elle respire, et enfin qu'elle imite toutes celles de nos fonctions qui peuventêtre imaginées procéder de la matière, et ne dépendre que de la disposition des organes.» (Traité de l'homme,édition de la Pléiade, page 807.) L'explication mécaniste du vivant réalise ce paradoxe qu'elle applique à la vie une méthode qui s'était constituée parélimination des projections vitalistes sur la matière.

L'aspect réducteur et simpliste du mécanisme ainsi utilisé, déjàdénoncé par Leibniz (Monadologie, § 65-68), sera surtout mis en évidence par l'impossibilité qui est la sienne derendre compte de phénomènes propres à la vie, comme par exemple la génération. — Les limites du modèle mécaniste et sa critique.

Peut-on expliquer tous les phénomènes de la réalité vivante entermes mécanistes ? Les analyses de Kant tendent à prouver que non, en marquant les limites du modèle mécanistelorsqu'il s'agit de rendre compte des phénomènes spécifiques de la vie (croissance, génération, reproduction). Cf.

Kant, Critique de la faculté de juger, II, § 64 et 65. L'irréductibilité de la croissance organique à des lois mécaniques: « Un arbre se produit aussi lui-même en tant qu'individu.

Nous nommons, il est vrai, seulement croissance cettesorte d'effet; il faut toutefois prendre ceci en un sens tel, que la croissance se distingue entièrement de toutaccroissement suivant des lois mécaniques, et il faut la considérer, bien que sous un autre nom, comme l'équivalentd'une génération» (paragraphe 64 du texte cité, Éditions Vrin, page 190). Critique de la comparaison de l'être vivant avec une montre (cf.

plus haut l'extrait de Descartes).

Le mécanisme n'explique pas la reproduction. « Dans une montre une partie est l'instrument du mouvement des autres, mais un rouage n'est pas la causeefficiente de la production d'un autre rouage; certes une partie existe pour une autre, mais ce n'est pas par cetteautre partie qu'elle existe (...).

C'est pourquoi aussi dans une montre un rouage ne peut en produire un autre etencore moins une montre d'autres montres, en sorte qu'à cet effet elle utiliserait d'autres matières; c'est pourquoielle ne remplace pas d'elle-même les parties, qui lui ont été ôtées, ni ne corrige leurs défauts dans la premièreformation par l'intervention des autres parties, ou se répare elle-même, lorsqu'elle est déréglée : or, tout cela nouspouvons en revanche l'attendre de la nature organisée» (paragraphe 65 du texte cité, Éditions Vrin, page 193). Ce deuxième extrait assigne de façon remarquable les limites de l'explication mécaniste en rappelant les fonctionsspécifiques qu'un organisme peut accomplir, et qu'on ne trouvera jamais dans une machine (autorégénération,autorégulation par prise en charge de ce que des parties altérées ne peuvent accomplir, reproduction, etc.). — La biologie affranchie du mécanisme : la recherche de principes spécifiques d'intelligibilité. Comme le montre Canguilhem [La connaissance de la vie, Éditions Vrin), un progrès décisif a été accompli en biologielorsque le modèle mécaniste a été problématisé et qu'une exigence de spécificité s'est imposée à l'étude du vivant.Le déterminisme complexe à l'œuvre dans les organismes requiert une conception nouvelle de la causalité, ques'attacheront à définir les biologistes modernes.

Cf.

Engels (L.

Feuerbach et la fin de la philosophie classiqueallemande, Études philosophiques, page 30, Éditions Sociales) : « Pour les matérialistes du XVIIIe siècle, l'homme était une machine, tout comme l'animal pour Descartes.

Cetteapplication exclusive du modèle de la mécanique à des phénomènes de nature chimique et organique chez lesquelsles lois mécaniques agissent assurément aussi, mais sont rejetées à l'arrière-plan par des lois d'ordre supérieur,constitue une des étroitesses spécifiques, mais inévitables à cette époque, du matérialisme français classique.». »

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