Devoir de Philosophie

La Cité grecque chez Aristote

Publié le 02/03/2014

Extrait du document

aristote

La Cité grecque chez Aristote 

 

La politique platonicienne fut tellement en rupture avec la représentation grecque de la Cité qu’elle ne suscita guère d’engouement et fut l’objet de nombreuses critiques. Aristote considèra ainsi que l’incapacité de Platon à convaincre Denys de Syracuse, dont il fut le conseiller, témoigne de l’échec de sa philosophie. Il reprocha notamment à Platon d’avoir voulu attribuer le pouvoir, à titre définitif, à une partie du corps social, sans que rien ne le limite. La philosophie politique d’Aristote se soucie ainsi, à l’encontre de la République platonicienne, de la prise en compte de faits et pas seulement de perspectives idéales. Aristote ne croit d’ailleurs pas à l’existence d’un monde immuable des « Idées « qui, comme le pensait Platon, serait supérieur au « monde sensible « des hommes et de la nature. La pensée aristotélicienne est ainsi une pensée « positive « ou réaliste dans la mesure où elle cherche à comprendre le monde par le biais de l’observation et de la comparaison. 

Aristote est surtout le premier à lier de façon inextricable anthropologie et politique en affirmant d’emblée dans son traité, Politique, qu’« il est évident que la Cité est une réalité naturelle et que l’homme est par nature un être destiné à vivre en Cité, un animal politique «. Si la Cité existe « par nature « c’est parce que celle-ci n’est pas un simple rassemblement volontaire d’hommes mais qu’elle est un ordre immanent qui poursuivrait une finalité naturelle. La Cité est ainsi antérieure à la famille et à chacun de nous « car le tout est nécessairement antérieur à la partie «. Aristote développe ainsi une conception « organiciste « de la Cité présentée comme un ordre social spontané, fonctionnant à la manière d’un organisme vivant. 

Dans cette conception organique de l’ordre social, l’homme ne se réalise pleinement que dans l’ensemble social auquel il appartient. La « nature politique « de l’homme s’enracine ainsi dans les propriétés « naturelles « de l’être humain et en particulier le logos, la parole douée de raison, qui lui permet de distinguer le bien du mal. Ainsi en dehors de la société politique, l’homme n’est qu’une abstraction : « Mais l’homme qui est dans l’incapacité d’être membre d’une communauté, ou qui n’en éprouve nullement le besoin parce qu’il se suffit à lui-même, ne fait en rien partie d’une cité, et par conséquent est une brute ou un dieu «. (La politique, I, chap. 2, 9-12). La Cité apparaît par conséquent comme une nécessité s’imposant aux individus, ne dépendant pas de leur volonté, à l’encontre de ce que le contractualisme affirmera par la suite. 

C’est à partir de cette définition de la Cité comme visant un « certain bien «, où morale et politique sont inextricablement liées, qu’Aristote va pouvoir définir les différentes sortes de pouvoir, en distinguant leur forme droite (ou légitimes) de leur forme déviée. D’une façon générale, Aristote considère comme légitimes toutes les formes de gouvernement qui exercent le pouvoir en vue de l’avantage commun de tous les citoyens et illégitime celles dans lesquelles les gouvernants n’agissent qu’en vue de leur propre avantage. Ainsi le « vivre-bien « de la communauté politique est de principe de toute légitimation «. 

Aristote va établir ses réflexions à l’encontre de Platon à qui il reproche d’avoir voulu réduire à l’égalité arithmétique des êtres différents et d’appliquer autoritairement à l’ordre social une proportionnalité géométrique. Aristote exalte, à l’inverse, l’idéal réaliste de la Cité, qui fait de la liberté des citoyens le préalable à toute politique juste. Il n’exclue pour autant pas l’idée d’une division du travail reposant sur les différentes capacités des individus, et notamment à partir de la hiérarchie naturelle qui distingue les hommes des femmes et celle entre hommes libres et esclaves. S’établit alors parmi les hommes libres une division des fonctions selon les capacités développées par les individus au cours de leur apprentissage. D’une façon générale, la distinction entre les vertus « en puissance « (c'est-à-dire des potentialités) et « en acte « permet à Aristote, comme le souligne P. Corcuff, de donner davantage de place à l’acquis par rapport à l’inné (Corcuff P., Les grands penseurs de la politique, p.20). 

Reprise par Saint Thomas d’Aquin, la théorie de la société et de la politique d’Aristote a connu une très grande postérité en Occident, notamment par le rôle de l’Église catholique dont Aristote servira de référence. Ses thèses ont connu une nouvelle actualité aux États-unis au cours des années quatre-vingt par le biais d’auteurs comme MacIntyre ou Charles Taylor pour lesquels le « retour à Aristote «, qui s’oppose au « retour à Kant « défendu par J. Habermas, s’apparente à une défense du caractère « naturel « de la sociabilité humaine.

Liens utiles