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Réforme

Publié le 09/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Réforme, mouvement religieux du xvie siècle dans l’Église chrétienne d’Occident, qui a mis fin à la suprématie ecclésiastique de la papauté romaine et a abouti à la création des Églises protestantes.

Bien que la Réforme date du début du xvie siècle, notamment du moment où Martin Luther a pour la première fois défié l’autorité de l’Église, les conditions qui ont conduit à son éclosion s’étalent sur plusieurs siècles, mêlant des éléments politiques, doctrinaux, économiques et culturels.

2   ORIGINES DE LA RÉFORME PROTESTANTE

Dès avant la Réforme proprement dite au xvie siècle, des mouvements dissidents au sein de l’Église médiévale se sont élevés contre la corruption des clercs et ont critiqué plusieurs des enseignements catholiques fondamentaux : au xiie siècle, les vaudois pratiquent un christianisme simple et non corrompu, inspiré de l’Église primitive (essentiellement en France et en Italie) ; vers 1380, en Angleterre, les lollards (mouvement inspiré par le théologien John Wycliffe) rejettent l’autorité des prélats corrompus, ainsi que divers enseignements catholiques traditionnels ; au début du xve siècle, Jan Hus et les hussites réforment l’Église de Bohême.

D’une manière générale, depuis le xiiie siècle, la papauté s’est affaiblie en raison de l’avidité, de l’immoralité et de l’ignorance de beaucoup d’ecclésiastiques à tous les niveaux de la hiérarchie. Le vaste domaine foncier de l’Église — exempt d’impôt et représentant entre un cinquième et un tiers des terres européennes — suscite convoitise et colère des paysans. L’installation provisoire des papes en Avignon au xive siècle, puis le Grand Schisme d’Occident divisant la communauté des fidèles entre partisans de l’un ou l’autre pape, ont aussi porté un coup sévère à l’autorité de l’Église. Le clergé reconnaît alors la nécessité d’une réforme. Au concile de Constance (1414-1418), qui met un terme au Grand Schisme, des programmes ambitieux de réorganisation de toute l’Église sont débattus, mais aucun n’obtient le soutien d’une majorité des évêques, de sorte qu’aucun changement radical ne peut être mis en œuvre.

Parallèlement, l’humanisme, le renouveau des études classiques et le développement de la recherche amorcés par la Renaissance italienne au xve siècle ôtent à la scolastique sa place éminente dans la philosophie européenne, et aux chefs de l’Église leur monopole sur l’enseignement. Des laïcs entreprennent l’étude des textes anciens ; des humanistes érudits, comme l’Italien Lorenzo Valla, livrent une critique savante des traductions de la Bible et de tous les textes fondant les dogmes et les traditions de l’Église. La mise au point de l’imprimerie permet de considérablement développer la circulation des livres, et contribue à répandre les idées nouvelles dans toute l’Europe. Hors d’Italie, des humanistes — comme Érasme aux Pays-Bas, Thomas More en Angleterre, Johannes Reuchlin en Allemagne ou Jacques Lefèvre d’Étaples en France — utilisent cette érudition nouvelle pour évaluer la pratique des clercs et parvenir à une connaissance plus précise des Écritures saintes. Leurs recherches savantes jettent ainsi les bases sur lesquelles Martin Luther, puis Jean Calvin et d’autres réformateurs vont s’appuyer pour affirmer que la Bible (et non l’Église) est la source unique de toute autorité religieuse.

3   LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RÉFORME
3.1   Le luthéranisme
3.1.1   La Réforme luthérienne dans les États allemands
3.1.1.1   La rupture entre Martin Luther et l’Église romaine

La réforme protestante est lancée le 31 octobre 1517 dans les États allemands, lorsque le théologien Martin Luther publie « 95 thèses « dénonçant la pratique de la vente d’indulgences (rémission des peines temporelles des péchés en échange d’un paiement) qui permet à la papauté de financer la construction de la basilique Saint-Pierre à Rome. Lorsque l’autorité pontificale ordonne au théologien rebelle de se rétracter, celui-ci réclame une réforme, s’attaque à divers sacrements, et préconise une religion fondée sur la foi individuelle guidée par les enseignements de la Bible. Excommunié par le pape en janvier 1521, Martin Luther est également convoqué par l’empereur Charles Quint, lequel, au cours de la diète de Worms (avril 1521), lui exhorte à son tour de se rétracter. Refusant de se soumettre, Martin Luther est déclaré hors la loi. Pendant près d’une année, il se cache au château de Wartburg, rédigeant des libelles exposant ses principes, et traduisant en allemand le Nouveau Testament. Bien que ses écrits soient interdits par décret impérial, ils continuent d’être vendus ouvertement et contribuent ainsi à faire des grandes villes allemandes des centres du luthéranisme.

3.1.1.2   La crise religieuse dans les États allemands

Le mouvement de réforme se propage rapidement parmi le peuple et, quand Martin Luther retourne à Wittenberg, il fait déjà figure de chef théologique. Les États allemands sont alors divisés. Ceux qui ont le plus intérêt à maintenir l’ordre établi — c’est-à-dire l’empereur, la plupart des princes et le haut clergé — défendent l’Église catholique romaine. Le luthéranisme est en revanche soutenu par les princes allemands du Nord, le bas clergé, les marchands et de larges fractions de la paysannerie, qui voient dans la Réforme un moyen d’acquérir une plus grande indépendance religieuse et économique. La guerre ouverte entre les deux factions s’installe en 1524 lorsqu’éclate la guerre des paysans. Inspirée des enseignements de Martin Luther et formulée en termes religieux, la principale revendication des paysans révoltés est l’abolition des corvées, traditionnellement imposées par les seigneurs cléricaux ou laïques. S’il désapprouve ces appels à la réforme religieuse pour légitimer un changement du système économique, Martin Luther exhorte les seigneurs à satisfaire certaines revendications des paysans en vue d’aboutir à un règlement pacifique du conflit. Puis en 1525, il se retourne brutalement contre les paysans, condamnant sévèrement leurs recours à la violence dans un pamphlet intitulé Wider die mördischen und räubischen Rotten der Bauern (« Contre les hordes criminelles et pillardes des paysans «).

La révolte est matée en 1525, mais la fracture entre luthériens et catholiques romains s’accroît. Une forme de compromis est trouvée lors de la première diète de Spire, en 1526 : on convient alors que les princes allemands le souhaitant seront libres de pratiquer le luthéranisme. Mais, lors d’une seconde diète de Spire réunie trois ans plus tard, la majorité catholique abroge cet accord ; les protestations de la minorité luthérienne valent à ces princes le nom de « protestants «. Les premiers protestants sont donc des luthériens, le terme ayant été par la suite étendu à toutes les sectes chrétiennes qui voient le jour à partir de la révolte contre Rome.

3.1.1.3   Melanchthon et la mise en place du credo luthérien

En 1530, l’érudit et réformateur allemand Melanchthon rédige une proclamation modérée des dogmes du luthéranisme intitulée la Confession d’Augsbourg, et qui est soumise à l’empereur Charles Quint et à la faction catholique. Si elle ne réussit pas à réconcilier catholiques et luthériens, elle n’en devient pas moins la base de la nouvelle Église et du nouveau credo luthérien. Au cours des années suivantes, une série de guerres avec la France et les Turcs ottomans empêche Charles Quint d’employer ses forces militaires contre les luthériens. Puis en 1546, libre de tout engagement international, l’empereur s’allie au pape pour entreprendre une guerre contre la ligue de Smalkalde, une alliance militaire de princes luthériens allemands. La guerre de religion en Allemagne prend fin avec la paix d’Augsbourg, signée en 1555. Elle donne à chacun des quelque trois cents princes allemands la possibilité de choisir entre le catholicisme et le luthéranisme, et d’imposer son choix à ses sujets. C’est ainsi que le luthéranisme — confession de près de la moitié de la population allemande — est officiellement reconnu, et que disparaît le principe de l’unité religieuse de l’Europe occidentale sous l’autorité suprême du pape.

3.1.2   La propagation du luthéranisme dans les Pays-Bas espagnols

Dans les Pays-Bas espagnols (aujourd’hui les Pays-Bas et la Belgique), l’influente bourgeoisie éclairée qui s’est formée au cours du Moyen Âge fait bon accueil au protestantisme. Mais l’empereur Charles Quint, dont la puissance militaire est mieux établie sur ce territoire que dans les États allemands, tente d’en arrêter la progression en faisant brûler publiquement les livres de Martin Luther et en installant l’Inquisition en 1522.

Ces mesures sont pourtant sans effet et, vers le milieu du xvie siècle, le protestantisme s’est imposé dans toutes les provinces du Nord (aujourd’hui les Pays-Bas), les provinces du Sud (aujourd’hui la Belgique) restant pour leur part essentiellement catholiques. La majorité des Hollandais embrasse le calvinisme, qui constitue un lien idéologique puissant dans la lutte nationale engagée contre les souverains catholiques espagnols. Ils se révoltent en 1566, et la guerre se poursuit jusqu’en 1648, date à laquelle l’Espagne renonce à toute prétention sur le pays par suite de la paix de Westphalie. Les Pays-Bas, jusque-là espagnols, deviennent ainsi un État protestant indépendant.

3.1.3   La propagation du luthéranisme en Scandinavie

Dans les pays scandinaves, la Réforme s’impose pacifiquement, à mesure que le luthéranisme se propage vers le nord de l’Europe. Les monarchies suédoise et danoise soutiennent la Réforme et rompent tout lien avec la papauté.

En Suède, les frères Olaus et Laurentius Petri prennent la tête d’un mouvement pour l’adoption du luthéranisme comme religion d’État. L’adoption est effective en 1527, sur décision de la Diète suédoise et avec le soutien du roi Gustave Ier Vasa, qui annexe les terres de l’Église catholique.

Au Danemark, en 1536, une assemblée nationale réunie à Copenhague abolit l’autorité des évêques catholiques dans tout le royaume, ainsi que dans les territoires de Norvège et d’Islande qui lui sont soumis ; le roi Christian III invite le réformateur allemand Johann Bugenhagen (un ami de Martin Luther) à organiser au Danemark une Église luthérienne nationale sur la base de la Confession d’Augsbourg.

3.2   Le calvinisme
3.2.1   L’introduction de l’Église réformée en Suisse
3.2.1.1   La première réforme d’Ulrich Zwingli

Contemporaine de la Réforme allemande, la Réforme suisse est dirigée par le pasteur humaniste Ulrich Zwingli qui, à partir de 1519, commence à dénoncer dans ses sermons la pratique du commerce des indulgences. À l’instar de Martin Luther et d’autres réformateurs, Ulrich Zwingli considère la Bible comme l’unique source d’autorité morale, et s’efforce d’éliminer de la religion tout ce qui n’est pas spécifiquement prescrit dans les Écritures saintes. Sous son influence, entre 1523 et 1525, la ville de Zurich fait brûler des reliques religieuses, abolit les processions et le culte des saints, supprime le célibat des prêtres et des moines, et remplace la messe par un rituel plus modeste. Ces changements par lesquels la ville se détourne de l’Église catholique s’accomplissent dans le calme et la légalité, à la suite des votes du conseil municipal de Zurich. Les marchands de la cité, principaux partisans des innovations, signifient par là leur indépendance à l’égard de l’Église romaine et du Saint Empire. D’autres villes suisses, comme Bâle et Berne, adoptent de semblables réformes, mais la paysannerie conservatrice des cantons forestiers demeure fidèle au catholicisme.

Pas plus que dans les États allemands, l’autorité centrale n’est assez forte pour imposer un modèle religieux et prévenir une guerre civile. Deux guerres de courte durée éclatent entre cantons protestants et catholiques en 1529 et 1531 : c’est lors de la seconde qu’Ulrich Zwingli est tué à la bataille de Kappel. La paix est rétablie, et chaque canton autorisé à choisir sa religion ; le catholicisme l’emporte dans les régions montagneuses du pays, alors que le protestantisme devient dominant dans les grandes villes et les vallées fertiles — cette division de fait s’est maintenue en Suisse jusqu’à aujourd’hui.

3.2.1.2   Jean Calvin et la république de Genève

Dans la génération qui succède à Martin Luther et à Ulrich Zwingli, la figure la plus marquante de la Réforme suisse est Jean Calvin, théologien protestant français qui a dû fuir son pays pour échapper aux persécutions religieuses et qui vient s’établir en 1536 dans la république de Genève, indépendante depuis peu. Jean Calvin impose le strict respect des réformes déjà instaurées par le conseil de Genève et en institue d’autres : notamment le chant des psaumes durant le culte, l’enseignement du catéchisme et de la profession de foi aux enfants, le respect d’une discipline morale stricte de la part des pasteurs et des membres de l’Église, l’excommunication des pécheurs notoires. L’organisation ecclésiastique préconisée par Jean Calvin se veut démocratique et intègre des idées de gouvernement représentatif. Les pasteurs, maîtres, anciens et diacres sont élus par des membres de la communauté.

Bien que l’Église et l’État soient théoriquement séparés, ils entretiennent une coopération si étroite que Genève devient en fait une théocratie. Pour faire respecter la morale, Jean Calvin institue un contrôle rigide de la conduite des individus, et organise un consistoire composé de pasteurs et de laïcs, doté de pouvoirs étendus. Les vêtements et le comportement individuel des citoyens sont réglés dans les moindres détails ; bals, jeux de cartes, de dés et autres distractions sont bannis ; blasphème et débauche sont impitoyablement punis. Sous ce régime sévère, les non-conformistes sont persécutés, voire exécutés. Tous les citoyens reçoivent une éducation élémentaire, afin d’encourager la lecture et la compréhension de la Bible. En 1559, Jean Calvin fonde à Genève une université qui devient célèbre, pour former des pasteurs et des enseignants. Plus que tout autre réformateur, Jean Calvin réunit les différents éléments de la pensée protestante en un système clair et logique. La diffusion de ses écrits, son influence d’éducateur, son talent à organiser la réforme dans l’Église et dans l’État lui valent des partisans dans de nombreux pays et insufflent aux Églises réformées (nom donné au protestantisme en Suisse, en France et en Écosse) un caractère profondément calviniste, sur le plan de la théologie et de l’organisation.

3.2.2   L’introduction de l’Église réformée en France
3.2.2.1   Lefèvre d’Étaples et le « Cénacle de Meaux «

La Réforme pénètre en France au début du xvie siècle à l’initiative d’un groupe de mystiques et d’humanistes qui se réunissent à Meaux (près de Paris), sous la direction de Jacques Lefèvre d’Étaples. Comme Martin Luther, Lefèvre d’Étaples a étudié les Épîtres de saint Paul et en a tiré la justification de la croyance par la foi individuelle ; lui aussi rejette la doctrine de la transsubstantiation. En 1523, il traduit le Nouveau Testament en français. Ses écrits reçoivent d’abord un accueil favorable de la part de l’Église et du pouvoir ; mais quand la doctrine luthérienne commence à se répandre en France, les travaux de Lefèvre d’Étaples paraissent trop similaires à cette pensée qualifiée d’hérétique, et des persécutions commencent contre lui et ses adeptes.

Plusieurs dirigeants protestants doivent fuir la France et s’établissent en Suisse, où ils contribuent à la réforme calviniste de Genève — plus de cent vingt pasteurs formés à Genève par Jean Calvin reviennent ainsi en France avant 1567 pour y développer le protestantisme. En 1559, les délégués de soixante-six églises protestantes de France se réunissent à Paris en un synode national pour définir une profession de foi et une morale inspirées de l’exemple genevois.

3.2.2.2   Les guerres de Religion entre huguenots et catholiques

Les membres de cette première Église protestante nationale en France sont appelés huguenots. Malgré tous les efforts déployés pour les supprimer, leur nombre s’accroît considérablement, et la division de la France en deux camps, catholique et protestant, entraîne les guerres de Religion (1562-1598). L’épisode le plus sanglant de cette lutte est le massacre de la Saint-Barthélemy (août 1572), au cours duquel plus de 3 000 protestants sont tués dans Paris. Sous le règne d’Henri IV, roi d’origine protestante, les huguenots triomphent pour quelques temps ; cependant, Paris et plus de 90 p. 100 de la population française étant de confession catholique, Henri IV juge plus opportun de se convertir. Il protège toutefois ses sujets huguenots en proclamant l’édit de Nantes en 1598, qui accorde aux protestants certaines libertés. Cet édit est révoqué par son petit-fils Louis XIV en 1685, et le protestantisme banni du royaume.

3.2.3   John Knox et l’Église réformée en Écosse

En Écosse, la Réforme prend naissance au sein d’une population déjà hostile à l’Église catholique. Le clergé est fortement discrédité aux yeux de la majorité de la population ; des vestiges du mouvement des lollards (disciples de John Wycliffe) sont toujours présents. Marchands et petite noblesse, particulièrement actifs, s’efforcent de développer la Réforme écossaise, à la fois comme instrument de l’indépendance et comme réforme religieuse. Aussi le protestantisme écossais progresse-t-il rapidement, en dépit de la répression menée par une monarchie écossaise catholique et proromaine. Déclenchée par des personnalités comme Patrick Hamilton, la Réforme est d’abord sous l’influence luthérienne.

Mais la véritable révolution s’accomplit sous la direction du réformateur John Knox, ardent disciple de Jean Calvin, et fait du calvinisme la religion nationale de l’Écosse. En 1560, John Knox persuade le Parlement écossais d’adopter une profession de foi et un manuel de discipline inspirés du modèle genevois. Le Parlement crée alors l’Église presbytérienne écossaise, et en confie l’administration à des assemblées locales et à une assemblée générale représentant les Églises de tout le pays. Marie Ier Stuart, reine catholique d’Écosse, tente de renverser la nouvelle Église protestante mais, après sept ans de luttes, se trouve contrainte de quitter le pays. Le calvinisme triomphe en Écosse, à l’exception de quelques districts du Nord, où le catholicisme demeure puissant, surtout au sein des familles nobles.

3.3   L’anglicanisme

En Angleterre, le rejet de l’autorité romaine s’opère d’une manière particulièrement singulière. D’une part, l’Angleterre est un royaume doté d’un gouvernement central fort ; la réforme religieuse y prend un caractère national, notamment lorsque le souverain et le Parlement agissent de concert pour transférer au premier l’autorité ecclésiastique auparavant dévolue au pape. D’autre part, à la différence du continent, la rupture politique avec la papauté a précédé l’élan populaire en faveur d’une réforme religieuse : elle intervient à la suite de la décision du roi Henri VIII de divorcer de sa première épouse. Le changement de doctrine religieuse se produit plus tard, sous les règnes de ses successeurs.

3.3.1   Le schisme anglican

À la suite du refus du pape d’annuler son mariage avec Catherine d’Aragon, le roi Henri VIII s’en remet à l’archevêque de Canterbury, lequel accepte d’invalider ses premières noces et de reconnaître le mariage secret entre le souverain et Anne Boleyn. Excommunié par Rome, Henri VIII s’arroge, en 1534 par l’Acte de suprématie, l’autorité ecclésiastique jusqu’alors exercée par le pape. L’anglicanisme devient alors la religion d’État. Dans cette affaire, le souverain a été plus motivé par la volonté d’obtenir l’annulation de son premier mariage que par un appétit de réformes doctrinales. Aussi maintient-il les principes majeurs du catholicisme médiéval.

Pour s’opposer à l’expansion du luthéranisme, Henri VIII fait adopter par le Parlement un ensemble d’édits appelé statut des Six Articles (1539), déclarant hérétique quiconque rejette les dogmes catholiques fondamentaux ; dans le même temps, l’obédience à la papauté demeure un délit. De nombreux luthériens sont alors brûlés comme hérétiques, tandis que les catholiques qui refusent de reconnaître l’autorité ecclésiastique du roi d’Angleterre sont exécutés.

3.3.2   La mise en place de l’Église nationale d’Angleterre

Sous le règne d’Édouard VI, son fils, les doctrines et pratiques protestantes rejetées par Henri VIII sont introduites dans l’Église anglicane. Le statut des Six Articles est abrogé en 1547, et des réformateurs continentaux, tel l’Alsacien Martin Bucer, sont invités à venir prêcher en Angleterre. En 1549, afin d’assurer l’uniformité des offices de l’Église anglicane, est publié en anglais le Livre des prières communes (Book of Common Prayer), dont l’usage est rendu obligatoire.

La catholique Marie Tudor, également fille d’Henri VIII, tente ensuite de rétablir le catholicisme comme religion d’État. Durant son règne, de nombreux protestants périssent sur le bûcher, d’autres doivent s’enfuir sur le continent où leurs opinions religieuses se radicalisent au contact du calvinisme.

L’affaire n’est définitivement réglée que sous le règne d’Élisabeth Ire, en 1563. Le protestantisme est rétabli et les catholiques sont persécutés. Les Quarante-deux Articles du credo anglican adoptés sous Édouard VI (1553) sont réduits à Trente-neuf Articles (1563), toujours en vigueur. Ce credo est proche du luthéranisme, mais l’organisation épiscopale et le rituel de l’Église anglicane sont restés pour l’essentiel identiques à ceux de l’Église catholique. Beaucoup de contemporains d’Élisabeth Ire jugent que l’Église d’Angleterre ne s’est pas suffisamment réformée ; appelés « contestataires « ou « non-conformistes «, ils finissent par fonder divers mouvements dissidents calvinistes, comme les brownistes, les presbytériens, les puritains, les séparatistes et les quakers.

3.4   Les sectes radicales du protestantisme

En plus des trois principales Églises — luthérienne, calviniste et anglicane — créées pendant la Réforme, un grand nombre de sectes sont ensuite fondées, en conséquence du rejet protestant de l’autorité traditionnelle et de la valorisation du jugement personnel. L’un des plus importants de ces courants, les anabaptistes, recrute de nombreux adeptes dans toute l’Europe, notamment en Allemagne où ils jouent un rôle important dans la révolte des paysans. Ils sont persécutés par les catholiques comme par les luthériens, les zwinglistes et d’autres courants protestants ; beaucoup sont mis à mort. Un autre groupe important, les unitariens, compte un nombre considérable d’adeptes en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Pologne.

4   CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME

Malgré la diversité du mouvement au xvie siècle, la Réforme a globalement produit les mêmes résultats dans toute l’Europe. Diverses régions d’Europe ont obtenu leur indépendance politique, religieuse et culturelle. Même des pays comme la France et la Belgique, où le catholicisme a continué de dominer, ont connu un nouvel essor de l’individualisme et du nationalisme dans la culture et la politique. L’accent mis par les protestants sur le jugement personnel a encouragé l’apparition de formes de gouvernement démocratiques et fondées sur le choix collectif des électeurs. Grâce à la Réforme, les langues et les littératures nationales ont considérablement progressé en raison de la diffusion des textes sacrés rédigés dans la langue du peuple et non plus en latin. L’éducation a également été stimulée grâce aux écoles fondées par Jean Calvin à Genève, par les princes protestants dans les États allemands et par John Colet en Angleterre. La religion, étant moins le domaine réservé d’un clergé privilégié, est ainsi devenue l’expression plus directe de la foi populaire.

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