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tiers état

Publié le 07/02/2013

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tiers état, troisième ordre, après le clergé et la noblesse, dans l'organisation de la société de l'Ancien Régime.
Le tiers état rassemblait tous ceux qui n'étaient ni nobles ni religieux ; les membres du tiers ne bénéficiaient d'aucun privilège lié à leur ordre : le « tiers état « était ainsi l'ordre sans privilèges. Cela n'empêchait pas que des franchises individuelles ou collectives puissent être accordées à ses membres, par le roi ou par le seigneur auquel ils étaient inféodés.
La notion de tiers état était enracinée dans la féodalité. Dès la fin du XIe siècle, l'évêque de Laon avait spécifié que ceux qui n'étaient ni religieux ni nobles devaient travailler : le salut et la protection leur étaient assurés en échange de leur travail, punition infligée par Dieu aux hommes mais mal nécessaire à l'harmonie universelle.
À cette définition fonctionnaliste s'ajouta, avec la création des états provinciaux puis généraux, une définition plus institutionnelle : le tiers état devenait l'un des interlocuteurs du roi ou du prince au moment où devait être décidé l'impôt en particulier. Philippe le Bel, en 1302, demanda ainsi, outre l'accord des barons et des prélats, celui des représentants des villes quant à son action contre le pape Boniface VIII ; d'autres réunions du même type suivirent (1303, 1316, 1328) ; mais les premiers états généraux furent convoqués en 1343 par Philippe VI de Valois pour faire approuver la gabelle. À l'échelle provinciale, de tels états permirent au tiers état d'imposer son rôle en matière institutionnelle et fiscale. Les états provinciaux demeurèrent actifs dans les pays d'état du XVIe au XVIIIe siècle (ceux de Bretagne, par exemple), même si certains disparurent comme les états de Normandie en 1655.
Les tiers état était donc, principalement, une représentation active de ceux qui travaillaient. Cette représentation, depuis le XVe siècle, procédait des états provinciaux ou d'élections au sein des baillages dans les pays d'élection. De nombreuses restrictions limitaient cette représentation aux élites urbaines de la robe, de l'office, et des professions libérales (avocats et médecins) et commerciales. Beaucoup de représentants étaient même nobles et propriétaires de seigneuries ; en 1614, sur 187 députés du tiers, il n'y eut ainsi qu'un « laboureur «. Dans quelques vallées pyrénéennes, la coutume assurait cependant une représentation aux petites gens des bourgs. La diversité du tiers état était donc largement gommée par sa représentation institutionnelle.
Celle-ci fut d'abord un atout pour la monarchie, qui jusqu'au XVIe siècle, joua sur l'appui des représentants du tiers pour faire reculer le pouvoir des grands princes, souvent rétifs à l'accroissement de l'emprise fiscale et administrative du roi sur son royaume ; pour le tiers au contraire, cet accroissement était une promesse d'une diminution de l'arbitraire. Cependant, en 1358 et 1413, ce fut à l'occasion d'états généraux que les représentants du tiers menèrent contre le roi de sanglantes rébellions, celle d'Étienne Marcel puis celle dite « cabochienne «. De plus, la rédaction des « cahiers de doléances « du tiers état à partir de la fin du XVe siècle mit en évidence des revendications contraires à l'emprise croissante de la fiscalité permanente (voir histoire de l’impôt). Aussi les rois ne convoquèrent-ils plus qu'à titre exceptionnel ces assemblées. Toute la théorie monarchique, depuis le Songe du verger, rédigé sous Charles V jusqu'au Traité des ordres et simples dignités, de Loyseau (1610), insiste sur la légitimité de l'ordre social qui prive le tiers de privilèges. En revanche, les représentants du tiers eurent souvent une influence capitale sur l'élaboration des grandes ordonnances de la monarchie d'Ancien Régime : celle de Moulins (1566) ou le Code Michau (1629) étaient ainsi largement inspirés des revendications émises par les représentants du tiers.
Au XVIIIe siècle, la fortune mobilière prit le pas sur la fortune foncière ; la représentation du tiers en 1789 traduisit cette modification profonde : sur les 578 députés de l'ordre, les professions libérales, les commerçants et les financiers étaient au bas mot 370. Le recul de l'office dans la représentation du tiers état fut parallèle à la radicalisation des revendications de ce dernier qui remettaient en cause la tripartition traditionnelle de la société. Le pamphlet fameux de Sieyès, Qu'est-ce que le tiers état ?, publié en 1788, dut son succès immense au fait qu'il formulait clairement cette nouvelle exigence des catégories sociales représentant traditionnellement la quasi-totalité de la nation : que le mérite, fondé sur une égalité de droits de tous les hommes, établisse entre eux, par le libre jeu de leurs facultés, une hiérarchie fondée sur les mérites. La réunion des trois ordres, accordée après un mois d'hésitations par Louis XVI le 9 juillet 1789, mit fin à l'existence institutionnelle du tiers état.
La représentation du tiers état, arme indispensable dans l'élaboration de la monarchie française, qui y prit les plus célèbres de ses cadres administratifs, fut aussi l'instrument de la fin de cette monarchie. Quant à la masse du tiers état, son irruption sur la scène politique, souvent violente, ne devint efficace qu'au XIXe siècle, avec le suffrage universel — alors que depuis cinquante ans, la notion d'ordre avait en droit cédé la place.
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