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AGRIPPA D'AUBIGNÉ: Analyse des « Tragiques »

Publié le 06/03/2011

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       Notice biographique.— En 1560, au lendemain de la conjuration d'Amboise, un réformé de la Saintonge traversa cette ville pour se rendre à Paris. Les têtes des conjurés « encore reconnaissables « étaient exposées « sur un bout de potence-«. Le gentilhomme calviniste fut saisi « d'une émotion non accoutumée « et, se tournant vers son jeune fils qui l'accompagnait, il prononça ces paroles : « Mon enfant, il ne faut point épargner ta tête après la mienne, pour venger ces chefs pleins d'honneur,.. Si tu t'épargnes, tu auras ma malédiction. « L'adolescent étendit la main et jura. Celui qui prêtait ce serment d'Hannibal, c'était Théodore Agrippa d'Aubigné, l'auteur futur du Baron de Faeneste et des Tragiques.    Agrippa, fils de Jean d'Aubigné, était né, le 8 février 1552, à Saint-Maury, dans le canton actuel de Pons. Sa mère mourut en lui donnant le jour; mais son père s'occupa de lui avec une sollicitude touchante et en fit un gentilhomme accompli. A l'âge de huit ans, Agrippa savait le latin et le grec ; il prétend même avoir été dès cette époque si bon helléniste qu'il traduisit le dialogue du Criton. Il se perfectionna à Paris et à Genève, dans l'étude des langues anciennes, sous la direction de Béroalde et de Louise Sarrasin. Et, autant qu'homme de ce siècle érudit, il fut un humaniste et un lettré.

« discordes civiles.

On fuit, lorsqu'on entend « les tambours français » ; on gagne « les bauges des sangliers et lesroches des ours » ; on se nourrit « d'herbes », de « racines.», de « charogne ».

Le « reistre noir » massacre lesfamilles et incendie les chaumières.

Le pays devient un désert.

La race s'abâtardit.

D'Aubigné accuse de ces crimesla Jézabel florentine et ses fils, qui ne ressemblent en rien aux bons rois d'autrefois.

Il conjure le Seigneurd'appesantir sur eux « son bras de fer ». Livre II (Princes).

— Les princes et leur entourage sont, en effet, responsables des horreurs commises.

Qued'intrigues sanglantes recèle le Louvre et que de débauches ignobles ! A tour de rôle, le poète stigmatise Catherinede Médicis, le cardinal de Guise, Henri III, les mignons, les flatteurs, les dames de la cour.

Il raconte sonétonnement et son trouble, lorsqu'il vit pour la première fois ce séjour du vice.

Fortune et Vertu se disputèrent uninstant son cœur ; mais la Vertu triompha.

En terminant, il exhorte les justes à quitter cette Sodome que détruira lefeu du ciel. Livre III (La Chambre dorée).

— Chassées d'ici-bas, la Justice, la Piété, la Paix s'en vont réclamer l'appui de Dieu.Sur la prière de ses anges, le Créateur descend du firmament et visite le Palais.

Il y voit trôner l'Injustice, entouréede ses acolytes, l'Ambition, la Colère, l'Hypocrisie, la Haine, la Luxure, la Cruauté.

Il contemple la Bastille et constateles crimes de l'Inquisition.

Pour rendre plus odieux le Parlement, abhorré des calvinistes, d'Aubigné fait défiler devantDieu tous les chefs d'État qui, de Moïse à Élisabeth d'Angleterre, furent excellents justiciers. Livre IV (Les Feux).

— Les victimes des princes et des chats-fourrés se présentent à leur tour devant l'Eternel.

Celivre est un long martyrologe protestant, ennuyeux et monotone.

Dieu, irrité, ne veut pas en voir davantage, et,après avoir hésité à détruire le monde, il retourne au ciel. Livre V (Les Fers).

— Dans l'assemblée divine Satan se présente.

Il n'a pu triompher des huguenots par lessupplices, mais il prétend les vaincre dans les combats.

Dieu accepte le défi ; Satan dépêche « ses légions d'angesnoirs », et l'Europe se lève pour la lutte.

D'Aubigné raconte ensuite toutes les guerres de religion, jusqu'au jour oùl'Océan s'indigne do voir les fleuves de France lui apporter des flots de sang. Livre VI (Vengeances).

— Afin de réconforter les protestants, le poète montre en onze cents vers que, depuis Gain,tous les coupables ont reçu même ici-bas le châtiment de leurs forfaits, Livre Vil (Jugement).

—A plus forte raison Dieu les punira-t-il à l'heure du jugement dernier.

Avec l'enthousiasme d'unvisionnaire, d'Aubigné peint les trépassés sortant « du ventre des tombeaux », il traîne les coupables au tribunal duFils de Dieu, il les foudroie d'un arrêt sans appel.

Et le poème s'achève sur les gémissements des damnés, surl'hymne triomphal des élus !... Tels sont les Tragiques, et il faut bien avouer que nous avons là une œuvre exceptionnelle dans notre littérature.C'est un mélange de merveilleux chrétien, d allégorie savante, et d'histoire.

Tantôt Agrippa se traîne dans de sècheset prosaïques narrations; tantôt il manie le fouet de la satire ; tantôt il s'égare en des visions apocalyptiques.Poème hybride et touffu, les Tragiques comptent plus d'admirateurs que de lecteurs.

Nous craignons qu'on n'aitsurfait leur mérite. Le poète.

— D'Aubigné est un personnage complexe qu'il importe de bien connaître pour apprécier justement sonœuvre.

Il est d'abord l'exemplaire parfait du gentilhomme de la Renaissance : brillant cavalier, causeur spirituel,humaniste au savoir profond tout autant qu'aimable rimeur de jolis riens.

Il est ensuite un fanatique du calvinisme,auquel « l'horreur de la messe ôte celle du feu », et qui chevauche à travers la France, une Bible dans sa poche etle glaive au poing.

Il est, par-dessus tout, Agrippa d'Aubigné, c'est-à-dire un homme facilement irritable, grondeur,difficile à supporter, et poussant la franchise jusqu'à la brutalité injurieuse.

On s'étonnera moins du caractère bizarredes Tragiques, étant donné ce portrait de l'auteur. Nous constatons dans le poème une imitation malheureuse de Ronsard, dont Agrippa était le disciple idolâtre.

Il manque de mesure et de goût.

Il appelle les vents « les postillons de l'ire de Dieu », et il parle ailleurs des penséesqui sont « les fusils de nos amours ».

Il commet des allitérations ou des jeux de mots ridicules et il ose écrire parexemple : « Le sens vainquît le sang.

» Ce sont puérilités inconvenantes chez un panégyriste des martyrs, et sonmaître Ronsard l'en eût vertement blâmé.

Mais le chef de la Pléiade se serait montré sans doute plus indulgent pourles allégories et les développements de rhétorique qui encombrent et gâtent le poème.

Le chant III est peupléd'êtres irréels, que malmène fort Agrippa, et qui se nomment Vengeance, Paveur, Ivrognerie, Trahison, Servitude,Formalité.

Il y a tout un troupeau de ces monstres allégoriques.

La fin du même chant et les trois livres qui suiventne sont qu'un amas d'exemples, d'anecdotes, de noms propres empruntés à l'histoire moderne, aux auteurs profanes,à la Bible.

Rois et prophètes juifs, héros de la Hellade ou de l'Orient, consuls et empereurs romains, princes dumoyen âge et de la Renaissance se succèdent au cours des longues tirades ampoulées, sans que d'Aubigné nousfasse grâce du moindre d'entre eux.

Et un mortel ennui résulte de cette emphatique et intempérante érudition. Mais, lorsque la passion éclate toute pure, Agrippa se retrouve : l'humeur acariâtre de l'homme sert à merveille lepoète calviniste.

Il faut voir la verve insolente avec laquelle il persifle, crible de sarcasmes, et déchire les ennemisqui lui tombent sous la dent.

Dans sa rancune et sa rage, il ne fait point de quartier.

Les poètes et les baladins de. »

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