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Commentaire composé de l'Incipit de Jacques le Fataliste et son maître de Diderot

Publié le 30/06/2012

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Mot qui est repris ironiquement par le maître qui dit « à tout hasard « or Jacques semble complétement convaincu par ce que dit son capitaine « Jacques disait que son capitaine disait… «  A de nombreuses reprises, la théorie du fatalisme se trouve parodiée à travers des réductions d’idées ridicules « mon capitaine ajoutait que chaque balle qui partait d’un fusil avait son billet «. Enfin la scène de farce finale tourne en dérision les convictions philosophiques de Jacques (comique de gestes et répétitions) « celui là était encore apparemment écrit là haut. «

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« Diderot, Jacques le fataliste et son maître (1792)Comment s'étaient-ils rencontrés... Explication Comme à son habitude, Diderot commence très tôt beaucoup d'œuvres qu'il laisse longtemps en gestation.

Il les enrichit au fur et à mesure.

Aussi ne connaît-on pas ladate exacte de composition de Jacques.

En revanche, le texte a été diffusé dès 1778 dans La Correspondance littéraire de Grimm, sorte de gazette littéraire etartistique destinée aux souverains éclairés de l'Europe.De quoi retourne-t-il ? Jacques entreprend de conter l'histoire de ses amours à son maître mais des éléments extérieurs incongrus, des associations d'idées insolitesl'interrompent sans cesse.

D'où une esthétique des récits emboîtés, analysés par R.

Mauzi, " La parodie dans Jacques le fataliste ", Diderot Studies, 1964), une variétéde tons, allant du romanesque sentimental au picaresque, en passant par l'anecdote polissonne.Ce roman se présente aussi, de manière très moderne comme une " archéologie du roman ".

Diderot, influencé par la lecture de Tristam Shandy de Sterne, réfléchitaux codes romanesques, aux ficelles narratives.

L'incipit ou l'entrée en fiction est le lieu providentiel pour dévoiler le mécanisme de génération du roman.En effet, quels sont les objectifs d'un incipit romanesque tels qu'ils ont été mis au jour par la critique ? Nous faisons allusion à J.

Dubois dans " Surcodage etprotocole de lecture ", Poétique n° 16, C.

Duchet, " Idéologie de la mise en texte ", La pensée (oct.

1980), G.

Genette, Seuils, Y.

Chevrel, Le naturalisme, Paris, PUF,coll.

" Littératures modernes ", 1982, (chap.

VII).L'entrée en fiction a une finalité stratégique : c'est le lieu où le roman est confronté à l'arbitraire de ses origines et de sa fiction.

On comprend d'emblée le rôle jouépar les " effets de réel ".

Dubois distingue 4 fonctions du début que l'on retiendra comme axes directeurs.L'incipit doit :- établir un rapport avec le titre ;- ménager des relations avec le " hors-texte ", le monde " réel ", qui n'est pas celui de la fiction ;- engager un rapport avec le texte : il doit embrayer la narration ;- mettre en place une rhétorique de l'ouverture ; le début doit répondre à certaines exigences dulecteur.Une autre question non résolue est celle de la limite de l'incipit : première ligne, premier chapitre, première apparition du personnage éponyme ?I.

Les conventions de l'incipit et la parodie diderotienneDiderot joue d'emblée avec les quatre fonctions que nous venons d'évoquer.A.

La prise à partie de son narrataireIl instaure une relation d'autorité mais aussi de complicité avec lui : " Que vous importe ? ", " Vous voyez, lecteur...

".

L'objectif serait ainsi pour le narrateur non pasComment écrire un roman, mais Comment ne pas en écrire...

Il affirme sa toute-puissance car il prévoit les réactions de son narrataire ; il peut ne pas vouloir conterl'histoire, la différer, faire attendre : " Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous faire attendre un an,...

".

Il peut aussi bâtirce que U.

Eco nomme des " fables ouvertes " (Lector in fabula).

Une fable ouverte est une histoire qui a plusieurs fins possibles, qui bifurque à un moment donné deson récit, qui fait un rhizome.Ainsi, il peut s'amuser à un jeu de couplage d'intrigues inédit - " marier le maître et le faire cocu ", " embarquer Jacques pour les îles " -, ou bien à joindre deuxintrigues d'abord séparées " d'y conduire son maître ? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau ".

Mais c'est par là que le narrateur affirme sapropre liberté.

La création est ce qui corrige le déterminisme naturel.Quant au narrataire, on le devine à travers la figure que construit le narrateur : exigeant, impatient, curieux.

C'est le sens de ses questions imaginées par le narrateurdans le cadre de la prosopopée.Le narrataire aime les histoires liées, qui se tiennent.

Il n'apprécie pas les délais.B.

Le jeu avec les questions que se pose le narrateurPas de date, sauf une indication indirecte donnée par " le camp de Fontenoy " (11 mai 1745 : victoire du maréchal de Saxe).

On sait que le roman commence 20 ansaprès.Pas de pittoresque non plus.

C'est une des marques du style de Diderot.Un décor de " nulle part " : le chemin parcouru par les personnages n'est pas situé.

Un peu plus loin, la nuit les surprend " au milieu des champs ".

Cela évoquel'errance des personnages picaresques.L'identité des personnages est floue, renvoyant à un couple typique de la littérature, le maître et le valet.C.

Le jeu avec l'embrayage de la narrationLa composition de ce début paraît désinvolte.

Ce roman a quelque chose du feuilleton.

Le narrateur comme son personnage, Jacques, s'appliquent à désarticuler cedébut : quel rapport immédiat entre la " balle " et le " cabaretier " ? Quelle est la liaison des idées ? L'esthétique affichée est celle du décousu : " Jacques souvent necoupait le silence que pour un propos lié dans son esprit mais aussi décousu dans la conversation que d'un livre dont on aurait sauté les feuillets ".D.

L'indétermination du genre littéraireSommes-nous dans un récit romanesque ou plutôt dans un " conte ", comme l'indiquent le mot inscrit dans le texte, les nombreuses interventions du " lecteur ", et lesdigressions que justifie Diderot ? Voir le début de Ceci n'est pas un conte.La même esthétique est mise en place dans le conte enchâssé qu'est " l'histoire de Madame de la Pommeraye et du Marquis des Arcis ", narrée par l'hôtesse del'auberge du " grand Cerf ".II.

Le débat sur le déterminismeA.

Une réflexion sérieuse ?Y a-t-il dans le roman une réflexion sérieuse sur le " fatalisme ", le déterminisme ?Ce début annonce, par la bouche de Jacques, une nécessité inexorable dans l'enchaînement des événements.

Ce qui est évoqué ici, ce n'est pas le fatalisme dans sonsens théologique, mais bien le sens philosophique que lui donne Diderot, par ex.

dans la Lettre à Landois datée du 29 juin 1756 : " Regardez-y de près, et vous verrezque le mot liberté est un mot vide de sens ; qu'il n'y a point, et qu'il ne peut y avoir d'êtres libres ; que nous sommes ce qui convient à l'ordre général, à l'organisation,à l'éducation, à la chaîne des événements ".Faut-il croire dans la liberté de l'individu ? Le roman apporte une réponse humoristique à cette question sérieuse.

Le décousu de la forme est-il réel, auquel cas letexte fait échec au fatalisme ? Le décousu de la forme est-il seulement apparent, et le fatalisme triomphe-t-il ? Doit-on trancher ?B.

Forme discontinue et déterminismeIl semble cependant que derrière le discours discontinu se cache un tissu serré du texte :- dans l'enchaînement des répliques sur le mot (" disaient ", " diable ", " amoureux ", " coup de feu ") qui permet de lier le récit au dialogue ;- dans le jeu de mots " C'est un grand mot que cela " ;- dans le prolongement, " et il avait raison " ;- dans l'anaphore, " c'est que...

" ;- dans les systèmes d'échos lointains qui structurent le texte : " C'est un grand mot que cela " et " tu ne m'en as jamais dit un mot " ; la " balle " ;- dans les figures métaphoriques du déterminisme : " chaque balle a son billet " ; " les chaînons d'une gourmette ".Cet incipit répond, contre toute attente et d'une manière très moderne, à la question Comment ne pas faire un roman ? À mesure que le roman prend forme, il simuleson autodestruction.

Jacques apparaît ainsi non pas comme une forme littéraire achevée, mais comme une " formule " inachevée ; grosse d'interrogations esthétiques.. »

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