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« Mithridate » et la tragédie cornélienne.

Publié le 26/03/2011

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Matière. — Dans quelle mesure et dans quel sens peut-on dire que Mithridate est une tragédie cornélienne ?

Exorde : Position du sujet : dans quel sens il faut entendre cette opinion. On dit que Racine avait voulu dans Britannicus lutter contre Corneille. Le sujet de Mithridate et celui de Nicomède : dans les deux cas, une femme, aimée par deux hommes, méprise l'ami des Romains et donne son cœur à leur ennemi. Situations analogues. De là, le mot de La Harpe: « Dans Mithridate, Racine se proposa de lutter de plus près contre Corneille. « Dans quelle mesure et dans quel sens peut-on dire que Mithridate est une pièce cornélienne?  

1° — Sujet d'histoire romaine; libertés envers l'histoire, a) Racine abandonne les Grecs, la légende et la mythologie, Corneille et l'histoire romaine. Le sujet de Mithridate est tiré de Florus, Plutarque, Dion Cassius, Appien d'Alexandrie.

 

« 1° — Le sujet a) Le fond n'est pas une question historique, mais bien une question psychologique : passion d'un vieillard amoureuxd'une jeune femme.

Il ne s'agit pas des raisons politiques qui ont causé la chute du roi de Pont.

Erreur des critiquesqui trouvent Mithridate avili parce qu'il est amoureux : ils ne voient pas que Mithridate n'est pas le symbole de lacivilisation orientale aux prises avec la civilisation latine.

« Le sujet, le seul sujet, le vrai sujet, c'est celui-ci : unhomme de soixante ans qui s'est amouraché d'une jeune fille de vingt ans, amour sérieux et pris par le poète ausérieux.

» (Francisque Saucey.) b) Ces éléments si divers ont-ils été fondus complètement? La question est discutable.

Le mélange de véritéhumaine et de vérité historique est-il parfait ? On l'a nié.

Nisard trouve la pièce froide.

Il est peu de critiques quin'aient fait quelques réserves.

Souplesse infinie de Racine, art des préparations, des nuances, effort constant versla vraisemblance dramatique; mais ici, le problème était singulièrement difficile, conflit entre la vérité particulière etla vérité générale. 2° — Les caractères. a) Mithridate.

Il est amoureux souvent à la façon des héros galants et romanesques de Corneille (II, 3, vers 458; II,4, vers 537....).

Mais l'amour n'est pas un accessoire.

Il fait comme le fond du drame, le fond du principal caractère.Vigueur passionnée avec laquelle cet amour s'exprime.

Monologue fameux de l'acte III, scène 4 (voir l'analyse de P.Janet).

Les souffrances du vieillard.

Les hésitations de Mithridate, et comment elles le torturent : III, 6; IV, 5.

Nousn'avons plus sous les yeux un héros de la volonté.

La volonté de Mithridate est ballottée au flux et au reflux de lapassion. b) Monime.

Elle a « la grâce mesurée et décente » (Sarcey) : c'est bien une des femmes les plus délicates duthéâtre de Racing.

Combien elle est froissée par l'arrogance de Pharnace.

Ce qu'elle a d'ionien, d'attique.

Sadifférence avec Pauline, c'est que son charme est fait de discrète mélancolie.

Sans doute, elle se redresse fière,irritée, indignée au IVe acte : mais comme elle s'efface d'ordinaire, elle est de la famille de Bérénice et d'Esther.Sarcey l'appelle « la femme du XVIIe siècle la plus harmonieuse et la plus charmante de toutes celles que Racine amises en scène ». c) Xipharès.

Il suffit de l'opposer à Nicomède.

Allure hautaine, provocante, du railleur couronné; ironie vigoureuse etredoutable du fils de Prusias.

Xipharès n'a pas, davantage, la fougue de Rodrigue en face de Chimène.

C'est uneâme bien équilibrée, « tendre, galant, doux et discret », écrira Voltaire.

Dans son duel avec Pharnace, il a de fièresreparties et des gestes énergiques, comme Britannicus dans son duel avec Néron.

Mais Xipharès est bien de lafamille de Britannicus; c'est le personnage qu'il serait le plus difficile de défendre au point de vue de l'histoire. d) Pharnace.

Il est dramatiquement supérieur à Xipharès.

Mais supposons que Corneille ait dessiné ce rôle.

Il enaurait fait un criminel aux traits beaucoup plus fortement accusés ; surtout, il aurait nettement opposé sa politiqueà celle de Mithridate, et, s'il nous avait conduits à blâmer Pharnace, il nous aurait obligés constamment à l'admirer.Dans Racine, au contraire, nous n'admirons Pharnace qu'un instant.

En définitive, sa trahison est hypocrite ; ellemanque de hauteur. Conclusion : Ces personnages, malgré les apparences, sont bien des personnages de Racine.

On reconnaît la mainqui crayonna Bajazet, Bérénice, Britannicus,.

et aussi Néron.

Résumé rapide. III Le style : а) Il renferme des traits cornéliens (tirades éloquentes, surtout dans la scène delà délibération, — répliquesbrusques et vives, — galanterie). b) Mais tous les caractères de Racine se retrouvent dans cette langue si délicate et qui marque avec passion lesmoindres nuances psychologiques, —dans ces tours qui rasent la prose, — dans ces alliances de mots dont lahardiesse est prudemment voilée, — surtout dans ces vers admirables pour créer une atmosphère poétique autourde l'action et des personnages (couplet de Monime, I, 2 ; Cf.

: « Prince, toute la mer est de vaisseaux couverte»...). Conclusion : Nous pourrions conclure par le mot de Geoffroy « Le charme particulier de la tragédie de Mithridate,c'est qu'on y trouve la force unie à la grâce, Racine et Corneille fondus ensemble ; l'auteur n'a peut-être pointd'ouvrage plus régulier et plus parfait, si l'on excepte Athalie.

» Plus parfait, non; nous avons dit pourquoi (§ II, 1°,b).

Mais Mithridate a une physionomie particulière dans le théâtre de Racine parce qu'elle est la tragédie la pluscornélienne de toutes. a) Racine s'y affirmait plus particulièrement comme capable de vigueur, de fermeté, et montrait qu'il saurait resterun grand poète même quand il ne serait plus amoureux (mot de Mme de Sévigné). b) La pièce nous permet, à nous, une comparaison plus précise entre le génie de Corneille cl celui de Racine, puisque. »

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