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LE MONDAIN de Voltaire (commentaire)

Publié le 01/04/2011

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Regrettera qui veut le bon vieux temps, Et l'âge d'or, et le règne d'Astrée, Et les beaux jours de Saturne et de Rhée, Et le jardin de nos premiers parents; Moi je rends grâce à la nature sage Qui, pour mon bien, m'a fait naître en cet âge Tant décrié par nos tristes frondeurs : Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs. J'aime le luxe, et même la mollesse, Tous les plaisirs, les arts de toute espèce, La propreté, le goût, les ornements : Tout honnête homme a de tels sentiments. Il est bien doux pour mon cœur très immonde De voir ici l'abondance à la ronde, Mère des arts et des heureux travaux, Nous apporter, de sa source féconde, Et des besoins et des plaisirs nouveaux. L'or de la terre et les trésors de l'onde, Leurs habitants et les peuples de l'air, Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde. O le bon temps que ce siècle de fer ! Le superflu, chose très nécessaire, A réuni l'un et l'autre hémisphère. Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux Qui, du Texel, de Londres, de Bordeaux, S'en vont chercher, par un heureux échange, De nouveaux biens, nés aux sources du Gange, Tandis qu'au loin, vainqueurs des musulmans, Nos vins de France enivrent les sultans ? Quand la nature était dans son enfance, Nos bons aïeux vivaient dans l'ignorance, Ne connaissant ni le tien ni le mien. Qu'auraient-ils pu connaître ? ils n'avaient rien. Ils étaient nus : et c'est chose très claire Que qui n'a rien n'a nul partage à faire. Sobres étaient. Ah! je le crois encor : Martialo n'est point du siècle d'or. D'un bon vin frais ou la mousse ou la sève Ne gratta point le triste gosier d'Eve; La soie et l'or ne brillaient point chez eux. Admirez-vous pour cela nos aïeux? Il leur manquait l'industrie et l'aisance : Est-ce vertu ? c'était pure ignorance. Quel idiot, s'il avait eu pour lors Quelque bon lit, aurait couché dehors ? [...]

A l'époque où Voltaire écrit Le Mondain, il vit à Cirey chez la Marquise du Châtelet. Il est déjà célèbre. Il a publié l'Histoire de Charles XII et ses Lettres Philosophiques. Sa tragédie Zaïre a connu un très grand succès. Relativement à l'abri, vivant, avec une amie intelligente, dans un cadre qui lui plaît, Voltaire travaille et s'amuse. Il reçoit des admirateurs et des amis qui viennent jouer devant lui les pièces qu'il a écrites.    Ces circonstances ne sont pas négligeables, si l'on veut comprendre l'état d'esprit dans lequel il a composé Le Mondain. Cette satire reflète en effet, comme la plupart des œuvres de Voltaire, ses préoccupations du moment et, si elle fait connaître ses idées et ses goûts, elle rappelle qu'à cette époque Voltaire est heureux de vivre.     

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« attaque hardie et malicieuse contre le pessimisme, contre la philosophie chrétienne et surtout janséniste pour qui,on le sait, la vie est essentiellement une vallée de larmes.

S'élevant contre cette doctrine, Voltaire affirme que lavie est bonne et que l'homme est heureux. La thèse Cette thèse.

Voltaire va l'illustrer d'une façon assez superficielle, en opposant ce qu'il appelle le bon vieux temps etla vie moderne.

Abordant immédiatement le problème, il rend grâce à la Nature sage de l'avoir fait naître au XVIIIesiècle (1re partie); — il s'explique en avouant qu'il aime le luxe, la mollesse, la facilité (2e partie); — il essaye enfinde démontrer que la vie ne devait pas être très agréable à l'époque si vantée de l'âge d'or (3e partie). Les procédés Tout ce passage est d'une lecture facile.

Les diverses parties s'enchaînent naturellement soit par explication, soitpar opposition.

Les arguments de Voltaire ne sont pas compliqués.

Esprit lucide, il donne de la vie à tout ce qu'iltouche.

Mais il a, avouons-le, tous les défauts de ses qualités.

Il traite d'une plume légère et superficielle les sujetsles plus sérieux, et, s'il sait mettre les rieurs de son côté, la réflexion découvre bien des faiblesses dans sesdéveloppements. Rien de plus simple, certes, que ce début vivant et alerte où Voltaire s'élève avec une feinte naïveté contre lescenseurs du temps présent. Regrettera qui veut le bon vieux temps Et Page d'or et le règne d'Astrée Et les beaux jours de Saturne et de Rhée Et le jardin de nos premiers parents. Ne croirait-on pas entendre ses adversaires « rabâcher » à qui mieux mieux leurs sempiternelles plaintes, leursagaçants regrets? Il y a d'autre part quelque malice à mélanger les légendes mythologiques et les affirmations desreligions modernes.

On attend pour justifier cette théorie des arguments précis et solides.

Peut-être Voltaire, qui sepassionne maintenant de physique, de mathématiques, va-t-il nous faire l'éloge des plus récentes découvertes?Mais pas du tout.

Se plaçant d'abord à un point de vue purement personnel, il nous parle de lui, trace de ses goûts,de ses préférences un portrait amusant : J'aime le luxe et même la mollesse... Il y a beaucoup de vrai dans ce portrait de Voltaire fait par lui-même. Épicurien, sensuel, homme de goût qui sait apprécier la beauté et les œuvres d'art, il ne cache pas qu'il aime sesaises, le bien-vivre et même le farniente.

N'oublions pas pourtant qu'il a été un travailleur infatigable et qu'il exagèreun peu pour les nécessités de sa démonstration.

Relevons également cet apparent cynisme qui accepte plaisammentles plus violentes attaques et ne refuse pas d'être appelé immonde par ses adversaires pour mieux témoigner de sonindifférence : Il est bien doux pour mon cœur très immonde... Cette attitude est très fréquente chez Voltaire.

Polémiste ardent et même un peu méchant, Voltaire ne veut pasfaire l'honneur à ses ennemis de paraître vexé.

Il a, croit-il, pour lui l'évidence même et l'opinion du sens commun. Tout honnête homme a de tels sentiments... Comment d'ailleurs ne serions-nous pas heureux? Les richesses affluent de toutes parts.

Partisan du libre-échange,adversaire de toutes les contraintes, il s'extasie de voir les communications se développer.

La compagnie des Indesorientales a fondé de lointains comptoirs.

Voici maintenant dans tous les ports de l'Europe des produits rares. Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux...

Tandis qu'au loin, vainqueurs des musulmans, Nos vins de France enivrent les sultans. Ce trait est une attaque souriante et spirituelle du fanatisme.

Voltaire, partisan de la tolérance, ennemi des dogmeset des religions révélées, se réjouit de noter cette conséquence inattendue du progrès. Ce progrès est d'autant plus admirable que, selon toute vraisemblance, nos ancêtres vivaient sans joie.

Leur jardinétait immense, mais à quoi bon? Sobres étaient...

Le tour est heureux et amusant.

C'est du Marot pour lequelVoltaire a toujours eu, comme Boileau, de l'admiration.

Et qu'on n'aille pas affirmer que nos bons aïeux étaient desmodèles de vertu.

Car, ne possédant rien, ne sachant rien, ils n'avaient aucun mérite à ignorer le mal, le mensonge,la cupidité : Nos bons aïeux vivaient dans l'ignorance.. »

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