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Peut-on dire que l'auteur des Mémoires de Guerre est un personnage de son oeuvre ?

Publié le 19/02/2012

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  « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France... «. Dès les premières lignes des Mémoires de Guerre dont Le Salut qui paraît en 1959, les dés sont jetés : le récit de tout un pan de l’histoire contemporaine est conté selon le point de vue d’un seul homme, de ses actions et de ses transports, Charles de Gaulle. Cet incipit rappelant Proust ou Camus, montre que l’auteur ne compte pas s’engager dans un récit historique, mais bien dans une narration à la première personne dont il est à la fois le témoin et l’acteur. Cependant l’homme de lettres continue à «brouiller les pistes« lorsqu’il parle de lui à la troisième personne. L’auteur, dans la variation constante de son statut narratologique et par son éclatement du moi en une pluralité de termes - «je«, «De Gaulle«, «le Général« etc. - renvoie à l’écrivain composant les personnages de son roman. De ce fait, nous sommes en droit de nous demander quelles sont les véritables fonctions dans l’histoire que nous raconte Charles de Gaulle, de ses doubles littéraires ainsi que de sa personne.  

 

« historique qui n’a pas simplement marqué son temps mais plutôt écrit l’Histoire et incarné sa nation durant plusieurs décennies.

Ainsi, le narrateur des Mémoires de Guerre est bien le protagoniste central de cette histoire, notamment parce que c’est selon le prisme de ses activités et de ses jugements que nous percevons l’Histoire ; même à Yalta où De Gaule est absent, l’auteur nous décrit en substance ce scandale dans sa houleuse conversation avec Harry Hopkins, l’envoyé de Roosevelt.

Aussi, ce «je» à la fois auteur, narr ateur et acteur est aussi le juge de ses propres actions passées.

Ce dédoublement du point de vue narratif entre un narrateur/acteur et un narrateur/auteur qui porterait un regard a posteriori sur le premier est un procédé typique de l’autobiographie, non sans rappeler la dissociation entre Jean -Jacques et Rousseau par -exemple.

Mais ici, le même «je» cumule les fonctions de l’homme d’action et de critique, du partie et de juge, à la manière d’un miroir brot.

De Gaulle par des indicateurs temporels, signifie au lecteur qu’il commente l’histoire : « Aujourd’hui, après nombre d’années et de changements dans les attitudes, je n’évoque pas sans émotion la cohésion de cette équipe et le concours que ses membres m’ont apporté dans une tâche historique.

» (p.

149- 150).

L’écrivain à sa table de travail est peut -être le personnage essentiel des Mémoires car c’est lui qui donne un sens à l’oeuvre : le véritable projet de De Gaulle ne se concentre pas dans la restitution d’une «mémoire» mais bien dans la justification de son action au cours du temps.

Voilà une des raisons pour lesquelles l’auteur place en annexe de son livre les «documents» qui permettent d’une part de prouver l’authenticité de son récit mais également d’éclairer l’aspect littéraire et personnel de l’oeuv re.

En effet, l’écriture des Mémoires de Guerre a lieu dans un contexte très particulier pour son auteur, les années 50.

Ces écrits peuvent être un moyen, durant sa «traversée du désert», de se garantir une légitimité pour son retour en politique lors des «évènements d’Algérie».

Au même titre que l’homme d’action, l’écrivain est un personnage fondamental de l’oeuvre.

Le jugement de De Gaulle sur lui -même n’est donc pas neutre, mais vise au contraire à la perpétuation d’un mythe, celui du gaullisme.

Ainsi, derrière le «je» du narrateur se révèle un homme au multiples visages, celui d’un De Gaulle dans l’histoire, celui de l’écrivain jugeant l’ensemble d’une période politique à travers son action, mais surtout celui d’un homme politique préparant s on retour, en dénigrant dès la page 286 la «décadence» des partis et de la IVè République pour convaincre son lecteur - penser «électeur» - de la nécessité que «l’État ait une tête, c’est -à -dire un chef, en qui la nation puisse voir, au- dessus des fluctuat ions, l’homme en charge de l’essentiel et le garant de ses destinées.

» (p.287).

Pour garantir la survie et la pérennité du mythe, De Gaulle ne se restreint pas à la pluralité du «je», il utilise aussi à certains passages la première personne du pluriel p our parler de lui : « nous nous gardâmes naturellement de remercier qui que ce fût pour cette formalité accomplie in extremis » (p.

58) mais surtout et à de nombreuses reprises (plus d’une cinquantaine) la 3è personne du pluriel sous l a forme de «De Gaulle» ou encore du «Général».

Quelle nécessité l’auteur avait a éclater encore une fois son moi ? Si dans les Mémoires le «je» est - doublement - le personnage principal, quelle est alors la fonction de cet avatar que De Gaulle ne cesse de. »

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