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les plus multiples.

Publié le 23/10/2012

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les plus multiples. Chacun de ces actes n'est qu'une preuve, un exemple de la volonté qui se manifeste dans son ensemble par ces besoins : quant à la forme de cette preuve, quant à l'aspect du motif, c'est chose secondaire ici ; ce dont il s'agit, c'est, s'il y a volonté, quelle en est l'intensité. C'est seulement par les motifs que la volonté devient visible, comme l'oeil a besoin de la lumière pour exercer sa faculté de voir. Le motif, en général, est devant la volonté comme un Protée aux mille figures : il est la promesse d'une satisfaction pleine et continue, d'un apaisement de la soif de vouloir ; mais ce but est-il atteint, le voilà qui change d'aspect, revient et de nouveau met la volonté en branle, avec une force proportionnelle à ce qu'elle a d'énergie et au rapport qu'elle entretient avec l'intelligence, les deux éléments qui, grâce à ces preuves et exemples, se révèlent à nos yeux et forment le caractère empirique. L'homme, dès qu'il commence à se connaître, se voit occupé à vouloir, et en règle générale, son intelligence demeure en un rapport constant avec sa volonté. Il commence par chercher à bien connaître les objets de sa volonté, puis les moyens d'y atteindre. Alors il voit ce qu'il a à faire, et d'ordinaire ne cherche à rien savoir d'autre. Il agit, peine : la conscience qu'il a, de travailler toujours à la fin que poursuit sa volonté, le tient en haleine et en train ; sa pensée s'occupe au choix des moyens. Telle est la vie de presque tous les hommes : ils veulent, ils savent ce qu'ils veulent, ils le recherchent avec assez de succès pour échapper au désespoir, assez d'échecs pour échapper à l'ennui avec ses suites. De là une certaine allégresse, ou du moins une paix intérieure, où ni richesse ni pauvreté n'ont pas grand-chose à voir : le riche ni le pauvre ne jouissent de ce qu'ils ont, car, on a vu pourquoi, leurs biens ne les touchent que négativement ; ce qui les tient en cet état, c'est l'espoir des biens qu'ils espèrent comme prix de leurs peines. Ils travaillent donc, vont de l'avant, sérieux, l'air important même : tels les enfants appliqués à leur jeu. — C'est par exception seulement qu'une telle vie voit son cours troublé, l'intelligence s'étant affranchie du service de la volonté, et s'étant mise à considérer l'essence même de l'univers, d'une façon générale ; elle aboutit alors, soit, pour satisfaire le besoin esthétique, à un état contemplatif, soit, pour satisfaire le besoin moral, à un état d'abnégation. Mais la plupart des hommes fuient, leur vie durant, devant le besoin, qui ne les laisse pas s'arrêter, réfléchir. Au contraire, souvent la volonté en eux s'exalte jusqu'à une affirmation extraordinairement énergique du corps, d'où sortent des appétits violents, de puissantes passions : alors l'individu ne s'en tient pas à affirmer sa propre existence, il nie celle de tous les autres, et tâche de les supprimer dès qu'il les trouve sur son passage... La nature ici est en outre naïve, et nous met sous les yeux toute la signification de l'acte générateur. La conscience même, la force du désir nous révèle dans cet acte l'affirmation la plus décisive de la volonté de vivre... Par l'effet même de cette affirmation qui dépasse le corps de l'individu, et va jusqu'à la production d'un nouveau, la douleur et la mort, elles aussi, et en tant qu'elles sont essentielles au phénomène de la vie, se trouvent du même coup affirmées à nouveau ; et pour cette fois, la chance de délivrance que doit offrir l'intelligence parvenue à son point le plus élevé de perfection est visiblement perdue. Telle est la signification profonde de la honte qui accompagne l'acte de la génération. — C'est l'idée même qui, sous forme mythique, se retrouve dans le dogme chrétien du péché d'Adam : ce péché, évidemment, c'est d'avoir goûté le plaisir de la chair ; tous nous y participons, et par là nous sommes soumis à la douleur et à la mort. Ce dogme nous élève au-dessus de la sphère où tout s'éclaire par la raison suffisante, il nous met en face de l'Idée de l'homme : cette Idée, il nous apprend à en recomposer l'unité, après qu'elle s'est dispersée en d'innombrables individus, en les réunissant par le lien de la génération. Par suite, le christianisme voit en tout individu d'abord son identité avec Adam, avec le représentant de l'affirmation de la vie, d'où sa participation au péché (au péché originel), et par là à la douleur et à la mort ; puis aussi, et grâce à l'Idée dont il s'éclaire ici, l'identité de cet individu avec le Sauveur, le représentant de la négation de l'attachement à la vie, d'où sa participation au sacrifice et aux mérites du Sauveur, et sa délivrance des chaînes du péché et de la mort, c'est-à-dire du monde. (Monde, I, 341-4.) D) JUSTICE TEMPORELLE ET JUSTICE ÉTERNELLE I. LA SOURCE DE L'ÉGOÏSME Le monde est ce qu'il est, parce que la volonté, dont il est la forme visible, est ce qu'elle est et veut ce qu'elle veut. La souffrance a sa justification : la volonté s'affirme à l'occasion même de ce phénomène ; et cette affirmation a pour justification, pour compensation, qu'elle porte avec elle la souffrance. Ainsi se révèle déjà à nous, par un premier rayon, l'éternelle justice, telle qu'elle règne sur l'ensemble ; plus tard nous la verrons de plus près, plus clairement, s'exerçant sur les individus. Mais d'abord il nous faudra parler de la justice temporelle ou humaine. Nous l'avons vu au second livre, dans la nature entière, à tous les degrés de cette manifestation de la volonté, nécessairement il y a guerre éternelle entre les individus de toutes les espèces : cette guerre rend visible la contradiction intérieure de la volonté de vivre. Quand on arrive aux degrés les plus élevés, où tout éclate avec plus de force, on voit ce phénomène aussi se déployer plus au large : alors il est plus facile de le déchiffrer. C'est pour nous préparer à cette tâche que nous allons considérer l'Égoïsme, principe de toute cette guerre, dans sa source même. Le temps et l'espace étan't la condition même sous laquelle peut se réaliser la multiplicité des semblables, nous les avons nommés le principe d'individuation. Ils sont les formes essentielles de l'intelligence à l'état de nature, c'est-à-dire telle qu'elle naît de la volonté. Donc la volonté doit se manifester par une pluralité d'individus. Cette pluralité d'ailleurs ne l'atteint pas, elle volonté, elle chose en soi : il ne s'agit que des phénomènes ; pour elle, elle est en chaque phénomène tout entière et indivisible, et voit tout autour d'elle l'image répétée à l'infini de sa propre essence. Quant à cette essence en soi, à la réalité par excellence, c'est au dedans d'elle-même, là seulement, qu'elle la trouve. Voilà pourquoi chacun veut tout pour soi, chacun veut tout posséder, tout gouverner au moins ; et tout ce qui s'oppose à lui, il voudrait pouvoir l'anéantir. Ajoutez, pour ce qui