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« NE POINT ERRER EST CHOSE AU-DESSUS DE MES FORCES » LA FONTAINE

Publié le 23/06/2011

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fontaine

La Fontaine rapporte les pieux conseils que lui donnait Mme de la Sablière convertie. Mais que pouvait son « éloquence aussi sage que forte « pour retenir le poète dans une maison maintenant solitaire et le détourner de « vivre au gré de son âme inquiète « ? Pendant les douze années qui s'écoulent entre la conversion de son amie et la sienne, on le rencontre dans les milieux les plus divers où l'attirent la curiosité, le besoin de s'étourdir et de se fuir, les plaisirs qui, selon le mot de J. Lemaître, « étant près de lui échapper, lui étaient de plus en plus chers «, — peut-être aussi le besoin d'argent.

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« « Diversité, c'est ma devise ».

C'est surtout sa devise de poète.

Cette diversité s'accuse encore dans la productionde ses quinze dernières années.En 1681 paraît chez Barbin une traduction anonyme des Lettres à Lucilius de Sénèque ; comme elle ne se vendaitguère sans doute, l'éditeur en change la page de titre pour mentionner que l'auteur en est « feu M.

Pintrel » etqu'elle a été « revue et imprimée par les soins de M.

de La Fontaine ».

Nous avons déjà parlé de cet ouvrage.

Lescitations poétiques y sont pour la plupart rendues en vers français.

On a tout lieu de penser que ces vers sont deLa Fontaine : on y retrouve, en effet, à une variante près, la version de l'Hymne à Zeus de Cléanthe qui figurait déjàdans La Cité de Dieu publiée par Giry en 1665.

Il aimait, nous l'avons vu, jouter avec un texte latin, moins pour lesuivre mot à mot que pour en retrouver le rythme et la couleur.L'année suivante — il n'y a pas lieu de mettre plus d'ordre dans cette revue qu'il n'en mettait dans la succession deses ouvrages — il dédie à la duchesse de Bouillon Le Poème du Quinquina, un vrai poème en deux chants de plus de300 vers chacun.

Qui l'a engagé dans cette aventure, les médecins et naturalistes qui fréquentaient chezMarguerite de La Sablière, son ami Monginot qui vient de publier avec succès un opuscule sur le fébrifuge à la mode,ou, comme il l'assure, Marianne qui lui aurait donné un « ordre accompagné de grâces » ?Ce qui est sûr, c'est qu'il a pris sa tâche terriblement au sérieux.

Il semble fier d'avoir abandonné les héros d'Esopepour « occuper son génie à des sujets profonds » et s'appelle intrépidement « disciple de Lucrèce ».

Il veut pousserplus avant dans la voie où l'engageait le Discours à Iris sur les animaux-machines.

Il adopte, comme alors, le verslibre, espérant par là donner plus de naturel et de variété à son exposé austère ; les longs développementstechniques où il suit Monginot pas à pas sont égayés de tous les ornements poétiques imaginables : invocations,mythes, apologues, tableaux pathétiques et couplets de bravoure.

Vains efforts pour égayer sa matière.

Faguetrapporte que Moréas ayant prononcé, un jour, avec son assurance sacerdotale : « Il n'y a pas un poème de LaFontaine qui ne contienne au moins de très beaux vers.

— Mais Le Quinquina ? lui dit-on.

— Il y a de très beauxvers dans Le Quinquina », répondit Moréas, péremptoire.

Faguet chercha ces très beaux vers et crut les trouverdans un développement académique et glacé sur la boîte de Pandore.

On s'étonne que La Fontaine ait pu écrire cesvers languissants et pénibles parfois jusqu'à l'obscurité, quatre ans après les Animaux malades de la peste, cinqavant Le Philosophe scythe.

Mais à « tout tenter », on « gâte » parfois « la matière ».La mort de son vieil ennemi Colbert (6 sept.

1683) laisse une place libre à l'Académie.

Il a assez d'amis dans la placeet son succès est assuré, malgré les Contes.

Il prend d'ailleurs, affirme Perrault, dans une lettre « à un prélat de laCompagnie », l'engagement de n'en plus écrire.

Mais le roi souhaite l'élection de Boileau, son historiographe.

Selon L.Racine 6, La Fontaine alla demander au satirique « s'il serait son concurrent.

Boileau l'assura que non et ne fitaucune démarche ».

Il ajouta, il est vrai, précise Brossette 7, que « si l'Académie le nommait, il ne pouvait refusercet honneur ».

Le 15 novembre, jour du vote, la séance est orageuse.

Le vieux Toussaint Rose mène l'offensivecontre La Fontaine ; à ses partisans il crie : « Je vois bien qu'il vous faut un Marot » (allusion à la réputation demarotique faite à notre poète et jeu de mots injurieux).

« Et à vous une marotte », riposte Benserade, comparant lesecrétaire du cabinet du roi à un fou de cour.

D'après les Registres de l'Académie, au scrutin préalable, sur 23 billets13 portaient le nom de La Fontaine ; quelques autres, suppose-t-on, celui de Boileau ; au scrutin d'admission, il futadmis « par 16 suffrages ».

Doujat, directeur, va, selon l'usage, demander à Louis XIV l'autorisation de consommerl'élection.

« S.

M.

lui dit qu'elle avait appris qu'il y avait eu du bruit et de la cabale dans l'Académie » et conclutl'entretien en s disant que pour ce coup Elle n'était pas, encore bien déterminée et qu'Elle ferait savoir sesintentions » (Registres, 20 novembre).

La Fontaine publie dans le Mercure Galant une ballade au roi où il renouvellediscrètement sa promesse de renoncer aux contes.

Le 17 avril 1684, à la première vacance, Boileau est élu « toutd'une voix ».

Le roi déclare aussitôt qu'il ne voit plus d'obstacle à ce que l'élection de La Fontaine soit consommée ;elle le fut le 24 avril.

Il est manifeste qu'en tout cela Louis XIV a agi moins par prévention contre l'ancien poète deFouquet que par désir de forcer la main, en faveur de Boileau, à ces académiciens qui n'avaient pas oublié lesSatires.Le z mai, La Fontaine vient prendre séance et lit son éloge de Colbert « avec une rapidité 8 » qui révèle la tiédeurde sa conviction.

L'abbé de La Chambre, chargé de l'accueillir, dissimule à peine son indignation de voir l'auteur desContes promu à l'immortalité.

« Ne comptez pour rien, Monsieur, tout ce que vous avez fait par le passé ».

Pour êtredonnés à contre-coeur les compliments que reçoivent les fables dans sa harangue ne témoignent que mieux del'estime où les tenaient les contemporains : « L'Académie...

reconnaît en vous un génie aisé, facile, plein dedélicatesse et de naïveté, quelque chose d'original et qui, dans sa simplicité apparente et sous un air négligé,renferme de grands trésors et de grandes beautés ».

Selon la coutume, la séance s'acheva sur la lecture dequelques pièces inédites.

La Fontaine lut ce Discours à Mme de La Sablière où il confesse son « inquiétude » sanspromettre de s'en guérir.

Jamais encore il n'était allé si avant dans la connaissance et l'analyse de lui-même.Il fut assidu aux séances; il y dormait parfois.

On s'étonne de l'acharnement qu'il mit à réclamer l'exclusion deFuretière, coupable d'avoir obtenu par surprise un privilège pour son dictionnaire.

Il fut entraîné, sans doute, contreson vieux camarade par les autres vieux camarades qu'il comptait parmi ses confrères.

Entre Furetière et lui ce futun échange de pitoyables injures.

Les moeurs étaient rudes encore en ce siècle d'apparence polie et les têtes,promptes à s'échauffer sous la solennité des perruques.Dans la querelle des Anciens et des Modernes il montra ce qu'il pouvait y avoir sous sa candeur de finessediplomatique.

Il était depuis longtemps lié d'amitié avec Charles Perrault que Mme de La Sablière appelait « sonmaître 10 ».

Mais à mesure qu'il vieillissait, il se sentait plus de tendresse pour Homère, Platon, tous ces anciensincomparables qui, à la joie de la plupart de ses confrères, venaient d'être solennellement sacrifiés aux poètes dujour.

Cette frivole vanité lui semblait ridicule.

Dès le 5 février 1687 (le poème de Perrault avait été lu le 27 janvier) ilobtient un « permis d'imprimer » pour l'épître qui sera sa protestation.

Mais il prend ses mesures.

Vis-à-vis du roid'abord : il joint à l'épître quelques vers qu'il vient d'écrire à Bonrepaux et où il donne à Louis le Grand assez deflatteries pour être en droit de ne pas approuver celles de Perrault.

Vis-à-vis de Perrault ensuite : il ne veut pasavoir l'air de faire contre lui cause commune avec Despréaux, qui a approuvé en secret leur insulteur à tous deux,. »

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