Devoir de Philosophie

  46.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

  46. Trevize se radossa, avec une agréable sensation de plénitude. Le restaurant n'avait rien de luxueux selon les ritères de Terminus mais il était certainement original. D'abord, il était chauffé par une cheminée dans laquelle n cuisait la nourriture. La viande était accompagnée d'un assortiment de sauces relevées et servie détaillée en bouchées que l'on prenait avec les doigts, non sans avoir auparavant saisi - pour se protéger de la chaleur et de la graisse - des feuilles vertes et douces qui étaient humides et fraîches et avaient un vague goût de menthe. Une feuille, une bouchée de viande, et l'on mangeait les deux d'un coup. Le maître d'hôtel leur avait soigneusement expliqué comment procéder. Apparemment habitué aux hôtes étrangers à la planète, il avait eu un sourire paternel en voyant Trevize et Pelorat pêcher maladroitement les morceaux de viande fumants et s'était montré à l'évidence ravi du soulagement manifesté par les étrangers à la découverte que les feuilles permettaient de garder les doigts au frais - en même temps qu'elles refroidissaient la viande lorsqu'on la mâchait. « Délicieux ! » dit Trevize avant d'en redemander. Pelorat en reprit également. Ils terminèrent leur repas avec un dessert à la consistance spongieuse, vaguement sucré, et une tasse de café dont le goût caramélisé provoqua chez eux un hochement de tête dubitatif. Ils y ajoutèrent du sucre et cette fois, ce fut au tour du maître d'hôtel de hocher la tête. « Eh bien, dit enfin Pelorat, que s'est-il passé à l'office du tourisme ? -- Vous voulez dire avec Compor ? -- Vous voyez de quoi d'autre on pourrait discuter ? » Trevize regarda autour de lui. Ils étaient dans une profonde alcôve et jouissaient d'une relative intimité mais surtout, le restaurant était comble et le brouhaha des conversations formait une parfaite couverture. Il répondit à voix basse : » Vous ne trouvez pas étrange qu'il nous ait suivis jusqu'à Seychelle ? -- Il a invoqué son don pour l'intuition... -- Oui, au collège, il était déjà le champion toutes catégories de l'hyperpistage. Je n'aurais jamais eu l'idée de mettre la chose en question jusqu'à aujourd'hui. Je vois parfaitement comment on peut être capable d'estimer la direction vers laquelle une personne s'apprête à sauter, rien qu'en observant ses préparatifs - pourvu qu'on ait un certain don pour ça, certains réflexes... mais je ne vois vraiment pas comment un pisteur pourrait arriver à estimer une séquence de sauts : on ne se prépare jamais que pour le premier de la série ; tous les autres sont pris en charge par l'ordinateur. Le pisteur peut estimer le premier mais par quel tour de magie peut-il bien deviner ce qui se cache dans les entrailles de l'ordinateur ? -- Mais il y est bien parvenu, Golan. -- Certes. Et la seule manière possible que je puisse imaginer, c'est qu'il l'ait fait en sachant à l'avance notre destination. En la connaissant, pas en l'estimant. » Pelorat considéra la chose : « Tout à fait impossible, mon garçon. Comment pouvait-il la connaître ? Nous n'avons décidé de notre destination que bien après avoir embarqué sur le Far Star. -- Je le sais... Et cette histoire de journée de méditation ? -- Compor ne nous a pas menti : le maître d'hôtel nous a bien dit que c'était un jour de méditation lorsqu'on ui a posé la question, à l'entrée. -- Oui, mais il a dit aussi que le restaurant n'était pas fermé. En fait, ce qu'il a dit exactement, c'est :  Seychelle-ville n'est pas la cambrousse. Tout ne s'arrête pas. " En d'autres termes, les gens méditent, mais pas ans la métropole - où tout le monde est à la page et où la piété pratiquée dans les bourgades n'a plus sa place. 'où la circulation et l'activité - peut-être pas aussi développée que d'ordinaire mais de l'activité tout de même. -- Mais Golan, personne n'a mis les pieds dans l'office du tourisme de tout le temps que nous y avons passé. a m'a frappé. Absolument personne n'est entré. -- Je l'ai noté, moi aussi. A un moment, je suis même allé voir dehors par la fenêtre et j'ai pu constater que dans les rues avoisinantes se trouvait un certain nombre de piétons et de véhicules et pourtant, pas une seule personne n'est entrée. La journée de la méditation fournissait la couverture idéale : jamais nous ne nous serions posé de question sur cette intimité fort bienvenue si je n'avais pas tout bêtement décidé de ne pas me fier à ce fils de deux étrangers. -- Alors, quelle est la signification de tout ceci ? -- Je crois que c'est simple, Janov. Nous avons ici un individu qui sait où nous allons à l'instant même où on le décide, même si lui et nous sommes dans deux astronefs différents ; voici également un individu capable de maintenir vide un édifice public alors qu'il y a du monde dans les rues alentour, tout cela pour que nous puissions discuter dans une intimité fort bien venue. -- Vous voulez me faire croire qu'il peut accomplir des miracles ? -- Certainement. S'il se trouve que Compor est un agent de la Seconde Fondation et qu'il sait contrôler les sprits ; s'il peut lire dans le vôtre ou le mien, même à distance depuis un autre astronef ; s'il est capable 'influencer tout un poste de douane pour le franchir sans coup férir ; s'il peut atterrir par dégravité sans pour utant qu'une patrouille douanière ne se vexe d'une telle méfiance à l'égard des faisceaux de guidage ; s'il peut nfluer sur l'esprit des gens pour les empêcher de pénétrer dans un édifice où il ne désire pas les voir entrer... « Par toutes les étoiles, poursuivit Trevize, l'air visiblement chagriné, je peux même remonter le processus usqu'à l'époque de notre diplôme : c'est vrai que je ne l'ai pas accompagné lors de son voyage. Je me rappelle que je n'avais pas eu envie de le suivre. N'était-ce pas sous l'effet de son influence ? Il lui fallait être seul. Où llait-il en réalité ? » Pelorat repoussa les assiettes devant lui, comme s'il voulait se dégager un espace pour avoir de la place pour éfléchir. Ce fut apparemment le signe qu'attendait le robot-serveur - une desserte automotrice qui vint 'arrêter le long de leur table, attendant qu'ils déposent assiettes et couverts. Quand ils furent de nouveau seuls, Pelorat dit : « Mais c'est fou ! Tout ce qui nous est arrivé aurait fort bien pu se produire naturellement. Une fois que vous vous êtes mis dans la tête que quelqu'un contrôle les événements, vous pouvez absolument tout interpréter dans ce sens et finir par ne plus trouver nulle part la moindre certitude raisonnable. Allons, vieux compagnon, tout ceci me paraît bien contourné et surtout, affaire d'interprétation. Ne cédez pas à la paranoïa. -- Je ne voudrais pas non plus céder à la facilité. -- Eh bien, examinons tout cela logiquement. Supposons qu'il soit effectivement un agent de la Seconde Fondation. Pourquoi courrait-il le risque d'éveiller nos soupçons en maintenant désert l'office du tourisme ? u'a-t-il révélé de si important que la proximité toute relative de quelques personnes - par ailleurs absorbées ar leurs propres préoccupations - pût faire une quelconque différence ? -- Il y a une réponse facile à cela, Janov : c'est qu'il ait eu besoin d'examiner de près notre esprit et pour ce aire, il ne lui fallait aucune interférence. Pas de parasites. Aucun risque de confusion. -- Là encore, pure interprétation de votre part. Qu'y avait-il de si important dans sa conversation avec nous ? On pourrait fort bien supposer - comme lui-même l'a d'ailleurs souligné - qu'il a uniquement cherché à nous rencontrer pour s'expliquer de ses actes, s'en excuser et nous prévenir des ennuis qui risquaient de nous attendre. Pourquoi vouloir chercher plus loin ? » Le petit tiroir de paiement encastré dans l'épaisseur de la table s'éclaira avec discrétion tandis que le montant de leur addition s'y affichait en chiffres clignotants. Trevize sortit de sous sa ceinture la carte de crédit marquée l'empreinte de la Fondation qui était valable n'importe où dans la Galaxie - du moins partout où était usceptible de se rendre un citoyen de la Fondation. Il l'inséra dans la fente idoine. Il fallut quelques instants our que s'opère la transaction et Trevize (avec sa prudence innée) en vérifia le solde avant de la remettre dans a poche. Il jeta un coup d'oeil alentour, mine de rien, pour s'assurer qu'aucun intérêt déplacé ne se lisait sur le visage es quelques clients encore présents dans la salle et, rassuré, il répondit à Pelorat : « Pourquoi chercher plus oin ? Pourquoi ? Parce qu'il n'a pas parlé que de ça. Il a parlé aussi de la Terre. Il nous a dit que c'était une lanète morte puis nous a instamment poussés à nous rendre sur Comporellon. Est-ce que nous allons le faire ? -- C'est une chose que j'avais envisagée, Golan, admit Pelorat. -- De partir d'ici, comme ça ? -- On pourrait toujours revenir, une fois vérifié le secteur de Sirius. -- L'idée ne vous a pas effleuré que l'unique propos de cette rencontre pouvait bien être de nous éloigner de Seychelle en nous envoyant ailleurs ? N'importe où, ailleurs qu'ici ? -- Mais pourquoi ? -- Je l'ignore. Écoutez : ils escomptaient nous voir aller à Trantor. C'était ce que vous aviez initialement décidé de faire et il est possible qu'ils aient compté là-dessus. Mais j'ai mis la pagaille dans leurs plans en insistant pour qu'on aille à Seychelle qui était le dernier endroit où ils voulaient nous voir débarquer, tant et si ien qu'ils font tout à présent pour nous faire déguerpir d'ici. » Pelorat avait l'air pour le moins mécontent : « Mais Golan, ce ne sont là que des phrases. Pourquoi diantre ne oudraient-ils pas de nous à Seychelle ? -- Je n'en sais rien, Janov. Mais pour moi, ça me suffit de savoir qu'ils ne nous veulent pas : je reste. Et je n'ai pas l'intention de bouger d'ici. -- Mais... mais... Écoutez, Golan, si la Seconde Fondation voulait nous voir partir, ne lui suffirait-il pas d'influer sur notre esprit pour nous en suggérer l'envie ? Pourquoi se fatiguer à vouloir nous raisonner ? -- Vous faites bien de soulever la question : n'est-ce pas justement ce qu'ils ont fait dans votre cas, professeur ? » et les yeux de Trevize s'étrécirent, devenus soudain soupçonneux. « N'avez-vous pas envie de partir ? » Pelorat le regarda, pour le moins surpris : « Ça me paraît simplement une idée assez logique. -- Normal ! Si vous avez subi leur suggestion... -- Mais je n'ai rien subi du tout... -- Bien sûr, c'est exactement ce que vous diriez si vous aviez été soumis à leur conditionnement... -- Si vous cherchez à me coincer comme ça, effectivement, il n'y aura aucun moyen de vous démontrer le contraire. Alors, finalement, qu'est-ce que vous comptez faire ? -- Je vais rester à Seychelle. Et vous aussi. Vous êtes incapable, sans moi, de gouverner le vaisseau et si ompor vous a conditionné, eh bien, il s'est trompé de bonhomme. -- Très bien, Golan. Nous resterons à Seychelle jusqu'à ce que nous ayons, indépendamment, des raisons d'en partir. « Après tout, le pire qui puisse nous arriver - pis encore que de rester ou de partir - ce serait qu'on finisse par se bouffer le nez. Allons, vieux camarade, si j'avais été conditionné, est-ce que je serais capable de changer d'avis pour vous suivre de mon plein gré, comme je compte bien le faire à présent ? » Trevize réfléchit un moment puis, comme mû soudain par un ressort intérieur, il sourit et lui tendit la main : « Tope là, Janov. Et à présent, retournons au vaisseau. Demain, on prendra un nouveau départ. Si d'ici là on trouve une idée... »

« — Vous voulezmefaire croire qu’ilpeut accomplir desmiracles ? — Certainement.

S’ilsetrouve queCompor estunagent delaSeconde Fondation etqu’il saitcontrôler les esprits ; s’ilpeut liredans levôtre oulemien, même àdistance depuisunautre astronef ; s’ilest capable d’influencer toutunposte dedouane pourlefranchir sanscoup férir ; s’ilpeut atterrir pardégravité sanspour autant qu’une patrouille douanière nesevexe d’une telleméfiance àl’égard desfaisceaux deguidage ; s’ilpeut influer surl’esprit desgens pour lesempêcher depénétrer dansunédifice oùilne désire paslesvoir entrer... « Par toutes lesétoiles, poursuivit Trevize,l’airvisiblement chagriné,jepeux même remonter leprocessus jusqu’à l’époque denotre diplôme : c’estvraiquejene l’ai pas accompagné lorsdeson voyage.

Jeme rappelle que jen’avais paseuenvie delesuivre.

N’était-ce passous l’effet deson influence ? Illui fallait êtreseul.

Où allait-il enréalité ? » Pelorat repoussa lesassiettes devantlui,comme s’ilvoulait sedégager unespace pouravoir delaplace pour réfléchir.

Cefut apparemment lesigne qu’attendait lerobot-serveur – une desserteautomotrice quivint s’arrêter lelong deleur table, attendant qu’ilsdéposent assiettesetcouverts. Quand ilsfurent denouveau seuls,Pelorat dit :« Mais c’estfou ! Tout cequi nous estarrivé aurait fortbien pu seproduire naturellement.

Unefoisque vous vousêtesmisdans latête quequelqu’un contrôleles événements, vouspouvez absolument toutinterpréter danscesens etfinir parneplus trouver nullepartla moindre certitude raisonnable.

Allons,vieuxcompagnon, toutcecimeparaît biencontourné etsurtout, affaire d’interprétation.

Necédez pasàla paranoïa. — Je nevoudrais pasnon plus céder àla facilité. — Eh bien,examinons toutcelalogiquement.

Supposonsqu’ilsoiteffectivement unagent delaSeconde Fondation.

Pourquoicourrait-il lerisque d’éveiller nossoupçons enmaintenant désertl’office dutourisme ? Qu’a-t-il révélédesiimportant quelaproximité touterelative dequelques personnes – par ailleursabsorbées par leurs propres préoccupations – pût faireunequelconque différence ? — Il ya une réponse facileàcela, Janov : c’estqu’ilaiteubesoin d’examiner deprès notre esprit etpour ce faire, ilne lui fallait aucune interférence.

Pasdeparasites.

Aucunrisquedeconfusion. — Là encore, pureinterprétation devotre part.Qu’yavait-il desiimportant danssaconversation avecnous ? On pourrait fortbien supposer – comme lui-mêmel’ad’ailleurs souligné – qu’il auniquement cherchéànous rencontrer pours’expliquer deses actes, s’enexcuser etnous prévenir desennuis quirisquaient denous attendre.

Pourquoi vouloirchercher plusloin ? » Le petit tiroir depaiement encastrédansl’épaisseur delatable s’éclaira avecdiscrétion tandisquelemontant de leur addition s’yaffichait enchiffres clignotants.

Trevizesortitdesous saceinture lacarte decrédit marquée à l’empreinte delaFondation quiétait valable n’importe oùdans laGalaxie – du moinspartout oùétait susceptible deserendre uncitoyen delaFondation.

Ill’inséra danslafente idoine.

Ilfallut quelques instants pour ques’opère latransaction etTrevize (avecsaprudence innée)envérifia lesolde avant delaremettre dans sa poche. Il jeta uncoup d’œil alentour, minederien, pour s’assurer qu’aucun intérêtdéplacé neselisait surlevisage des quelques clientsencore présents danslasalle et,rassuré, ilrépondit àPelorat : « Pourquoi chercherplus loin ? Pourquoi ? Parcequ’iln’apas parlé quedeça.

Ilaparlé aussidelaTerre.

Ilnous adit que c’était une planète mortepuisnous ainstamment poussésànous rendre surComporellon.

Est-cequenous allons lefaire ? — C’est unechose quej’avais envisagée, Golan,admitPelorat. — De partir d’ici,comme ça ? — On pourrait toujours revenir,unefoisvérifié lesecteur deSirius. — L’idée nevous apas effleuré quel’unique proposdecette rencontre pouvaitbienêtredenous éloigner de Seychelle ennous envoyant ailleurs ?N’importe où,ailleurs qu’ici ? — Mais pourquoi ? — Je l’ignore.

Écoutez : ilsescomptaient nousvoiraller àTrantor.

C’étaitceque vous aviez initialement décidé defaire etilest possible qu’ilsaientcompté là-dessus.

Maisj’aimis lapagaille dansleurs plans en insistant pourqu’on ailleàSeychelle quiétait ledernier endroitoùilsvoulaient nousvoirdébarquer, tantetsi bien qu’ils fonttout àprésent pournous fairedéguerpir d’ici. » Pelorat avaitl’airpour lemoins mécontent : « MaisGolan,cene sont làque desphrases.

Pourquoi diantrene voudraient-ils pasdenous àSeychelle ? — Je n’ensaisrien, Janov.

Maispourmoi,çame suffit desavoir qu’ilsnenous veulent pas :jereste.

Etjen’ai pas l’intention debouger d’ici. — Mais...

mais...Écoutez, Golan,sila Seconde Fondation voulaitnousvoirpartir, nelui suffirait-il pas d’influer surnotre esprit pournous ensuggérer l’envie ?Pourquoi sefatiguer àvouloir nousraisonner ? — Vous faitesbiendesoulever laquestion : n’est-cepasjustement cequ’ils ontfaitdans votre cas, professeur ? » etles yeux deTrevize s’étrécirent, devenussoudainsoupçonneux.

« N’avez-vous pasenvie de partir ? » Pelorat leregarda, pourlemoins surpris : « Çameparaît simplement uneidée assez logique. — Normal ! Sivous avezsubileursuggestion... — Mais jen’ai rien subi dutout.... »

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