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acharné.

Publié le 29/10/2013

Extrait du document

acharné. « Voyons, camarade, vous ne pouvez refuser de manger un morceau avec nous... Que diable ! vous avez été très gentil pour ma femme, je vous dois bien un remerciement. « Deux fois en un mois, Jacques avait ainsi accepté à déjeuner. Il semblait que Roubaud, gêné des grands silences qui se faisaient maintenant, quand il mangeait avec sa femme, éprouvât un soulagement, dès qu'il pouvait mettre un convive entre eux. Tout de suite, il retrouvait des histoires, il causait et plaisantait. « Revenez donc le plus souvent possible ! Vous voyez bien que vous ne nous gênez pas. « Un soir, un jeudi, comme Jacques, débarbouillé, allait se mettre au lit, il avait rencontré le souschef flânant autour du dépôt  et, malgré l'heure tardive, ce dernier, ennuyé de rentrer seul, s'était fait accompagner jusqu'à la gare, puis avait entraîné le jeune homme chez lui. Séverine, levée encore, lisait. On avait pris un petit verre, on avait même joué aux cartes jusqu'à minuit passé. Et, désormais, les déjeuners du lundi, les petites soirées du jeudi et du samedi tournaient à l'habitude. C'était Roubaud lui-même, lorsque le camarade manquait un jour, qui le guettait pour le ramener, en lui reprochant sa négligence. Il s'assombrissait de plus en plus, il n'était vraiment gai qu'avec son nouvel ami. Ce garçon qui l'avait si cruellement inquiété d'abord, qui aurait dû maintenant lui être en exécration, comme le témoin, l'évocation vivante des choses affreuses qu'il voulait oublier, lui était au contraire devenu nécessaire, peut-être justement parce qu'il savait et qu'il n'avait point parlé. Cela restait entre eux, ainsi qu'un lien très fort, une complicité. Souvent, le sous-chef regardait l'autre d'un air d'intelligence, lui serrait la main avec un subit emportement, dont la violence dépassait la simple expression de leur camaraderie. Mais surtout Jacques, dans le ménage, demeurait une distraction. Séverine, elle aussi, l'accueillait gaiement, poussait un léger cri, dès son entrée, en femme qu'un plaisir réveille. Elle lâchait tout, sa broderie, son livre, s'échappait, en paroles et en rires, de la grise somnolence où elle passait les journées. « Ah ! que c'est gentil d'être venu ! J'ai entendu l'express, j'ai pensé à vous. « Quand il déjeunait, c'était fête. Elle connaissait déjà ses goûts, sortait elle-même pour lui avoir des oeufs frais : tout cela très gentiment, en bonne ménagère qui reçoit l'ami de la maison, sans qu'il pût y voir encore autre chose que l'envie d'être aimable et le besoin de se distraire. « Vous savez, lundi, revenez ! il y aura de la crème. « Seulement, lorsque, au bout d'un mois, il fut là, installé, la séparation s'aggrava entre les Roubaud. La femme, de plus en plus, se plaisait au lit toute seule, s'arrangeait pour s'y rencontrer le moins possible avec son mari  et ce dernier, si ardent, si brutal aux premiers temps du mariage, ne faisait rien pour l'y retenir. Il l'avait aimée sans délicatesse, elle s'y était résignée avec sa soumission de femme complaisante, pensant que les choses devaient être ainsi, n'y goûtant du reste aucun plaisir. Mais, depuis le crime, cela, sans qu'elle sût pourquoi, lui répugnait beaucoup. Elle en était énervée, effrayée. Un soir, comme la bougie n'était pas éteinte, elle cria : sur elle, dans cette face rouge, convulsée, elle avait cru revoir la face de l'assassin  et, dès lors, elle trembla chaque fois, elle eut l'horrible sensation du meurtre comme s'il l'eût renversée, un couteau au poing. C'était fou, mais son coeur battait d'épouvante. De moins en moins, d'ailleurs, il abusait d'elle, la sentant trop rétive pour s'y plaire. Une fatigue, une indifférence, ce que l'âge amène, il semblait que la crise affreuse, le sang répandu, l'eût produit entre eux. Les nuits où ils ne pouvaient éviter le lit commun, ils se tenaient aux deux bords. Et Jacques, certainement, aidait à consommer ce divorce, en les tirant par sa présence de l'obsession où ils étaient d'eux-mêmes. Il les délivrait l'un de l'autre. Roubaud, cependant, vivait sans remords. Il avait eu seulement peur des suites, avant que l'affaire fût classée  et sa grande inquiétude était surtout de perdre sa place. A cette heure, il ne regrettait rien. Peut-être, pourtant, s'il avait dû recommencer l'affaire, n'y aurait-il point mêlé sa femme  car les femmes s'effarent tout de suite, la sienne lui échappait, parce qu'il lui avait mis aux épaules un poids trop lourd. Il serait resté le maître, en ne descendant pas avec elle jusqu'à la camaraderie terrifiée et querelleuse du crime. Mais les choses étaient ainsi, il fallait s'y accommoder  d'autant plus qu'il devait faire un véritable effort pour se replacer dans l'état d'esprit où il était, lorsque, après l'aveu, il avait jugé le meurtre nécessaire à sa vie. S'il n'avait pas tué l'homme, il lui semblait alors qu'il n'aurait pas pu vivre. Aujourd'hui que sa flamme jalouse était morte, qu'il n'en retrouvait pas l'intolérable brûlure, envahi d'un engourdissement, comme si le sang de son coeur se fût épaissi de tout le sang versé, cette nécessité du meurtre ne lui apparaissait plus si évidente. Il en arrivait à se demander si cela valait vraiment la peine de tuer. Ce n'était, d'ailleurs, pas même un repentir, une désillusion au plus, l'idée qu'on fait souvent des choses inavouables pour être heureux, sans le devenir davantage. Lui, si bavard, tombait à de longs silences, à des réflexions confuses, d'où il sortait plus sombre. Tous les jours, à présent, pour éviter après les repas de rester face à face avec sa femme, il montait sur la marquise, allait s'asseoir en haut du pignon  et, dans les souffles du large, bercé de vagues rêveries, il fumait des pipes, en regardant, par-dessus la ville, les paquebots se perdre à l'horizon, vers les mers lointaines. Un soir, Roubaud eut un réveil de sa jalousie farouche d'autrefois. Comme il était allé chercher Jacques au dépôt, et qu'il le ramenait prendre chez lui un petit verre, il rencontra, descendant l'escalier, Henri Dauvergne, le conducteur-chef. Celui-ci parut troublé, expliqua qu'il venait de voir Mme Roubaud, pour une commission dont l'avaient chargé ses soeurs. La vérité était que, depuis quelque temps, il poursuivait Séverine, dans l'espoir de la vaincre. Dès la porte, le sous-chef apostropha violemment sa femme. « Qu'est-il encore monté faire celui-là ? Tu sais qu'il m'embête ! - Mais, mon ami, c'est pour un dessin de broderie... - De la broderie, on lui en fichera ! Est-ce que tu me crois assez bête pour ne pas comprendre ce qu'il vient chercher ici ?... Et toi, prends garde ! « Il marchait sur elle, les poings serrés, et elle reculait, toute blanche, étonnée de l'éclat de cet emportement, dans la calme indifférence où ils vivaient l'un et l'autre. Mais il s'apaisait déjà, il s'adressait à son compagnon. « C'est vrai, des gaillards qui tombent dans un ménage, avec l'air de croire que la femme va tout de suite se jeter à leur tête, et que le mari, très honoré, fermera les yeux ! Moi, ça me fait bouillir le sang... Voyez-vous, dans un cas pareil, j'étranglerais ma femme, oh ! du coup ! Et que ce petit monsieur n'y revienne pas, ou je lui règle son affaire... N'est-ce pas ? c'est dégoûtant. « Jacques, très gêné de la scène, ne savait quelle contenance tenir. Était-ce pour lui, cette exagération de colère ? le mari voulait-il lui donner un avertissement ? Il se rassura, lorsque ce dernier reprit d'une voix gaie. « Grande bête, je sais bien que tu le flanquerais toi-même à la porte. Va, donne-nous des verres, trinque avec nous. « Il tapait sur l'épaule de Jacques, et Séverine, remise elle aussi, souriait aux deux hommes. Puis, ils burent ensemble, ils passèrent une heure très douce. Ce fut ainsi que Roubaud rapprocha sa femme et le camarade, d'un air de bonne amitié, sans paraître songer aux suites possibles. Cette question de la jalousie devint justement la cause d'une intimité plus étroite, de toute une tendresse secrète, resserrée de confidences, entre Jacques et Séverine  car celui-ci, l'ayant revue, le surlendemain, la plaignit d'avoir été si brutalement traitée  tandis qu'elle, les yeux noyés, confessait, par le débordement involontaire de ses plaintes, combien peu elle avait trouvé de bonheur dans son ménage. Dès ce moment, ils eurent un sujet de conversation à eux seuls, une complicité d'amitié, où ils finissaient par s'entendre sur un signe. A chaque visite, il l'interrogeait d'un regard, pour savoir si elle n'avait eu aucun sujet nouveau de tristesse. Elle répondait de même, d'un simple mouvement des

« regrettait rien.Peut-être, pourtant,s'ilavait dûrecommencer l'affaire,n'yaurait-il pointmêlé sa femme  carlesfemmes s'effarent toutdesuite, lasienne luiéchappait, parcequ'illuiavait mis aux épaules unpoids troplourd.

Ilserait restélemaître, enne descendant pasavec elle jusqu'à lacamaraderie terrifiéeetquerelleuse ducrime. Mais leschoses étaient ainsi,ilfallait s'yaccommoder  d'autantplusqu'il devait faireun véritable effortpoursereplacer dansl'état d'esprit oùilétait, lorsque, aprèsl'aveu, ilavait jugé le meurtre nécessaire àsa vie.

S'iln'avait pastuél'homme, illui semblait alorsqu'iln'aurait pas pu vivre. Aujourd'hui quesaflamme jalouseétaitmorte, qu'iln'en retrouvait pasl'intolérable brûlure, envahi d'unengourdissement, commesile sang deson cœur sefût épaissi detout lesang versé, cettenécessité dumeurtre neluiapparaissait plussiévidente.

Ilen arrivait àse demander sicela valait vraiment lapeine detuer.

Cen'était, d'ailleurs, pasmême unrepentir, une désillusion auplus, l'idée qu'on faitsouvent deschoses inavouables pourêtreheureux, sans ledevenir davantage.

Lui,sibavard, tombait àde longs silences, àdes réflexions confuses, d'où ilsortait plussombre.

Touslesjours, àprésent, pouréviter aprèslesrepas derester faceà face avec safemme, ilmontait surlamarquise, allaits'asseoir enhaut dupignon  et,dans les souffles dularge, bercé devagues rêveries, ilfumait despipes, enregardant, par-dessus laville, les paquebots seperdre àl'horizon, verslesmers lointaines. Un soir, Roubaud eutunréveil desajalousie farouche d'autrefois.

Commeilétait alléchercher Jacques audépôt, etqu'il leramenait prendrechezluiun petit verre, ilrencontra, descendant l'escalier, HenriDauvergne, leconducteur-chef.

Celui-ciparuttroublé, expliqua qu'ilvenait de voir Mme Roubaud, pourunecommission dontl'avaient chargésessœurs.

Lavérité étaitque, depuis quelque temps,ilpoursuivait Séverine,dansl'espoir delavaincre. Dès laporte, lesous-chef apostropha violemment safemme. « Qu'est-il encoremontéfairecelui-là ? Tusais qu'il m'embête ! – Mais, monami,c'est pour undessin debroderie… – De labroderie, onluien fichera ! Est-cequetume crois assez bêtepour nepas comprendre ce qu'il vient chercher ici ?…Ettoi, prends garde ! »Ilmarchait surelle, lespoings serrés, etelle reculait, touteblanche, étonnéedel'éclat decet emportement, danslacalme indifférence où ils vivaient l'unetl'autre.

Maisils'apaisait déjà,ils'adressait àson compagnon. « C'est vrai,desgaillards quitombent dansunménage, avecl'airdecroire quelafemme vatout de suite sejeter àleur tête, etque lemari, trèshonoré, fermera lesyeux ! Moi, çame fait bouillir lesang… Voyez-vous, dansuncas pareil, j'étranglerais mafemme, oh ! du coup ! Etque cepetit monsieur n'yrevienne pas,oujelui règle sonaffaire… N'est-ce pas ?c'estdégoûtant.

»Jacques, trèsgêné delascène, nesavait quelle contenance tenir.

Était-ce pourlui,cette exagération decolère ? lemari voulait-il luidonner un avertissement ? Ilse rassura, lorsquecedernier repritd'une voixgaie. « Grande bête,jesais bien quetuleflanquerais toi-mêmeàla porte.

Va,donne-nous des verres, trinque avecnous.

»Iltapait surl'épaule deJacques, etSéverine, remiseelleaussi, souriait auxdeux hommes.

Puis,ilsburent ensemble, ilspassèrent uneheure trèsdouce. Ce fut ainsi queRoubaud rapprocha safemme etlecamarade, d'unairdebonne amitié, sans paraître songerauxsuites possibles.

Cettequestion delajalousie devintjustement lacause d'une intimité plusétroite, detoute unetendresse secrète,resserrée deconfidences, entre Jacques etSéverine  carcelui-ci, l'ayantrevue,lesurlendemain, laplaignit d'avoirétési brutalement traitée tandisqu'elle, lesyeux noyés, confessait, parledébordement involontaire de ses plaintes, combien peuelleavait trouvé debonheur danssonménage.

Dèscemoment, ils eurent unsujet deconversation àeux seuls, unecomplicité d'amitié,oùilsfinissaient par s'entendre surunsigne.

Achaque visite,ill'interrogeait d'unregard, poursavoir sielle n'avait eu aucun sujetnouveau detristesse.

Ellerépondait demême, d'unsimple mouvement des. »

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