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« Ah !

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

« Ah ! voilà qui s'appelle marcher maintenant ! dit M. Wardle avec complaisance. » Et en effet, ils marchaient, comme le témoignaient suffisamment à M. Pickwick ses constantes collisions avec les durs panneaux de la voiture ou avec son compagnon. « Tenez-vous ferme, dit le robuste vieillard au philosophe, qui venait de piquer une tête au beau milieu de l'immense gilet de son compagnon de voyage. - Je n'ai jamais été aussi cahoté de ma vie ; répondit-il. - Ne faites pas attention, reprit son camarade. Ce sera bientôt fini. Ferme ! ferme ! » M. Pickwick se planta dans son coin aussi solidement qu'il le put, et la chaise roula plus vite que jamais. Ils avaient brûlé de cette manière environ trois milles, quand M. Wardle qui, depuis quelques minutes, tenait sa tête hors de la portière, la retira toute couverte d'éclaboussures, et s'écria, haletant d'impatience : « Les voilà ! » M. Pickwick mit aussitôt la tête à l'autre portière et vit, à peu de distance devant eux, une voiture qui détalait au grand galop. « En avant ! en avant ! » vociféra le vieux gentleman. « Deux guinées, postillons ! Rattrapez-les ! rattrapez-les ! » Les chevaux de la première chaise repartirent de toute leur vitesse, et ceux de M. Wardle galopèrent avec fureur après eux. « Je vois sa tête ! » s'écria le colérique vieillard. « Dieu me damne ! je vois sa tête ! - Et moi aussi, » dit M. Pickwick. « C'est lui-même. » M. Pickwick ne se trompait point. On apercevait clairement à la portière de la chaise la figure de M. Jingle, complètement couverte par la boue que lançaient les roues de sa voiture. Le mouvement de ses bras qu'il agitait violemment vers les postillons dénotait qu'il les encourageait à redoubler leurs efforts. L'intérêt devint immense. Les champs, les arbres, les haies semblaient tourbillonner autour d'eux. Ils arrivèrent tout auprès de la première chaise ; ils entendaient, par-dessus le bruit des roues, la voix de M. Jingle qui gourmandait ses postillons. Le vieux Wardle écumait de rage et d'excitation ; il rugissait par douzaine des « coquin ! » des « scélérat ! » Il brandissait son poing et en menaçait l'objet de son indignation ; mais M. Jingle ne répondait à ces outrages que par un sourire moqueur, puis par un cri de triomphe et de dérision, lorsque ses chevaux, obéissant à l'énergie croissante du fouet et de l'éperon, redoublèrent de vitesse et laissèrent en arrière ceux qui les poursuivaient. M. Pickwick venait de retirer sa tête de la portière, et M. Wardle, fatigué de crier, en avait fait autant, quand une secousse terrible les jeta tous les deux sur le devant de la voiture. Un craquement violent se fit entendre, une roue se détacha, et la chaise versa sur le flanc. Après quelques secondes de confusion où l'on ne pouvait rien discerner que le trépignement des chevaux et le brisement des glaces, M. Pickwick se sentit tirer violemment des décombres, et, aussitôt qu'il fut d'aplomb sur ses pieds et qu'il eut dégagé sa tête du collet de sa redingote, par lequel se trouvaient notablement obstruées les fonctions de ses besicles, il reconnut toute l'étendue de leur désastre. Le jour venait de paraître, et la scène était parfaitement éclairée par la grise lumière du matin. Le vieux Wardle était debout, à côté de lui, sans chapeau, les habits déchirés. À ses pieds gisaient les débris de la voiture. Les postillons, défigurés par la boue et par une course violente étaient parvenus à couper les traits et se tenaient à la tête de leurs chevaux. À une centaine de pas en avant, on voyait l'autre chaise qui s'était arrêtée en entendant le bruit de leur naufrage. Les postillons, dont la figure était contournée par un ricanement féroce, contemplaient du haut de leur selle leurs adversaires démontés, tandis que M. Jingle, à la portière, examinait, avec une évidente satisfaction la ruine de ses persécuteurs. - Ohé ? cria l'effronté comédien ; personne d'endommagé ? - Gentlemen d'un certain âge, - assez lourds, - dangereux, - très-dangereux. - Canaille ! vociféra M. Wardle. - Ah ! ah ! ah ! » répliqua Jingle ; et ensuite il ajouta, en clignant de l'oeil d'un air malin, et en désignant avec son pouce l'intérieur de la chaise : « Elle va très-bien, - vous offre ses compliments, - vous prie de ne pas vous déranger. Des amitiés à Tuppy. - Ne voulez-vous pas monter derrière ? - En route, postillons ! » Les postillons se remirent en selle ; la chaise recommença à rouler, et M. Jingle, étendant son bras hors de la portière, agitait, par dérision, un mouchoir blanc. Rien, dans toute cette aventure, n'avait pu troubler l'humeur égale et tranquille de M, Pickwick, pas même la culbute de sa voiture et de sa personne. Mais il ne put supporter patiemment l'infamie de celui qui, après avoir emprunté de l'argent à son fidèle disciple, se permettait d'abréger son nom en celui de Tuppy. Il devint rouge jusqu'au bord de ses lunettes, et, ayant respiré fortement, il dit d'une voix lente et emphatique : « Si jamais je rencontre cet homme, je veux... - Oui, oui, interrompit M. Wardle, tout cela est fort bien, mais, tandis que nous restons là à parler, ils obtiendront une licence et seront mariés à Londres. » M. Pickwick s'arrêta et renferma sa vengeance au fond de son coeur. « Combien y a-t-il d'ici au premier relai ! demanda M. Wardle à l'un des postillons. - Six milles, n'est-ce pas, Tom ? - Un peu plus. - Un peu plus de six milles, monsieur. - Il n'y a pas de remède, il faut les faire à pied, Pickwick. - Il n'y a pas de remède, » répéta cet homme vraiment grand. Par l'ordre de M. Wardle, l'un des postillons partit devant, à cheval, pour faire atteler une nouvelle chaise, et l'autre resta en arrière pour prendre soin de celle qui était brisée. En même temps, M. Pickwick et le vieux gentleman se mettaient courageusement en marche, après avoir soigneusement attaché leurs châles autour de leur cou et avoir enfoncé leur chapeau sur leurs oreilles, pour éviter autant que possible le déluge de pluie qui recommençait à tomber.

« assez lourds, –dangereux, –très-dangereux. – Canaille ! vociféraM. Wardle. – Ah ! ah !ah ! » répliqua Jingle ;etensuite ilajouta, enclignant del’œil d’un airmalin, eten désignant avecsonpouce l’intérieur delachaise : « Ellevatrès-bien, –vous offre ses compliments, –vous priedene pas vous déranger.

Desamitiés à Tuppy . – Ne voulez-vous pas monter derrière ? –En route, postillons ! » Les postillons seremirent enselle ; lachaise recommença àrouler, etM. Jingle, étendantson bras hors delaportière, agitait,pardérision, unmouchoir blanc. Rien, danstoute cetteaventure, n’avaitputroubler l’humeur égaleettranquille deM, Pickwick, pas même laculbute desavoiture etde sapersonne.

Maisilne put supporter patiemment l’infamie decelui qui,après avoiremprunté del’argent àson fidèle disciple, sepermettait d’abréger sonnom encelui deTuppy.

Ildevint rougejusqu’au borddeses lunettes, et,ayant respiré fortement, ildit d’une voixlente etemphatique : « Sijamais jerencontre cethomme, je veux… – Oui, oui,interrompit M. Wardle,toutcelaestfort bien, mais, tandis quenous restons làà parler, ilsobtiendront unelicence etseront mariés àLondres. » M. Pickwick s’arrêtaetrenferma savengeance aufond deson cœur. « Combien ya-t-il d’iciaupremier relai !demanda M. Wardle àl’un despostillons. – Six milles, n’est-ce pas,Tom ? – Un peu plus. – Un peu plus desix milles, monsieur. – Iln’y apas deremède, ilfaut lesfaire àpied, Pickwick. – Iln’y apas deremède, » répétacethomme vraiment grand. Par l’ordre deM. Wardle, l’undespostillons partitdevant, àcheval, pourfaireatteler une nouvelle chaise,etl’autre restaenarrière pourprendre soindecelle quiétait brisée.

Enmême temps, M. Pickwick etlevieux gentleman semettaient courageusement enmarche, aprèsavoir soigneusement attachéleurschâles autour deleur couetavoir enfoncé leurchapeau surleurs oreilles, pouréviter autant quepossible ledéluge depluie quirecommençait àtomber.. »

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