Ami, je suis la solitude
Publié le 20/06/2012
Extrait du document
« Quel tombeau que le coeur, et quelle solitude !« s'écrie Musset
dans la Lettre à Lamartine (1836). Désenchantement, désespérance
d'un «enfant du Siècle«, « venu trop tard dans un monde trop
vieux «, apprentissage de la douleur humaine dans les déceptions
de la passion, trouble d'une âme écartelée entre le goût du
plaisir et l'aspiration à la pureté, tels sont les thèmes des Poésies
Nouvelles qui rassemblent les grands poèmes de Musset.
L'angoisse du dédoublement qui .l'obsédait s'était traduite dans
Les Caprices de Marianne ( 1833) à travers les figures opposées du
pur Coelio et d'Octave le libertin. Dans La Nuit de Décembre, elle
prend la forme très romantique du spectre, inséparable compagnon
du poète à tous les instants de la vie.
«
56
Partout où, le long des chemins,
J'ai posé mon front dans mes mains
Et sangloté comme une femme;
Partout où j'ai, comme un mouton
Qui laisse
sa laine au buisson,
Senti se dénuer mon âme;
Partout où j'ai voulu dormie
Partout où j'ai voulu mourir,
Partout
où j'ai touché la terre,
Sur ma route est venu s'asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.
1 ...
1
Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,
Pèlerin
que rien n'a lassé?
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans
l'ombre où j'ai passé?
Qui donc
es-tu, visiteur solitaire,
Hôte assidu de mes douleurs?
Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre?
Qui donc
es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs?
LA VISION
- Ami, notre père est le tien.
Je ne suis ni l'ange gardien,
Ni le mauvais destin des hommes.
Ceux que
j'aime, je ne sais pas
De quel côté s'en vont leurs pas
Sur ce peu de fange où nous sommes.
Je ne suis ni dieu ni démon,
Et tu m'as nommé par mon nom
Quand tu m'as appelé ton frère;
Où tu vas, j'y serai toujours,
Jusques au dernier de tes jours,
Où j'irai
m'asseoir sur ta pierre.
100
105
190
195
200
205 210.
»
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