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BIEN CHOISIR SES MINISTRES

Publié le 12/08/2011

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Il n'y a pas peu d'affaire à un Prince de savoir bien choisir ses ministres, lesquels sont bons ou mauvais selon la sagesse du Prince. La première conjecture qu'on fait d'un Seigneur et de son cerveau, c'est de voir les hommes qu'il tient à l'entour de lui; et quand ils sont suffisants et fidèles, on le peut toujours estimer sage, parce qu'il les a su connaître suffisants et les maintenir fidèles Mais quand ils sont autres, on peut toujours asseoir un sinistre jugement, car la première faute qu'il fait consiste dans ce choix même. Mais comment le Prince pourra connaître son ministre et sa nature, voici un moyen qui jamais n'est en défaut. Quand tu vois un ministre penser plus à soi qu'à toi et qu'en tous ses maniements et affaires il regarde à son profit, tel ministre ne vaudra jamais rien, tu ne t'y pourras jamais fier; car celui qui tient en sa main tout l'Etat d'un Prince ne doit jamais penser à soi, mais toujours à son maître, et jamais ne faire souvenir le Prince de chose qui ne touche à ses affaires. Et d'autre part le Prince, pour maintenir son ministre en ce bon chemin, doit penser à lui, lui donnant honneurs et finances, le faisant son obligé, et lui communiquant honneurs et charges, afin qu'il voie qu'il ne peut demeurer sans lui, et que les grands honneurs et richesses qu'il lui donnera soient cause qu'il n'en désire point d'autres, et les grosses charges qu'il occupera lui fassent craindre les nouveautés. Quand donc les ministres, et les Princes envers les ministres, sont tels, ils se peuvent fier l'un à l'autre; autrement la fin en sera toujours dommageable ou à l'un ou à l'autre.

MACHIAVEL. Le Prince, XXII. Traduction I. GOHORY (1571), A. Colin, édit.

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