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Bronislaw Kaspar MALINOWSKI (1884-1942) Monde mythique et monde présent Dans l'univers mythique,

Publié le 21/10/2016

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Bronislaw Kaspar MALINOWSKI (1884-1942) Monde mythique et monde présent Dans l'univers mythique, même si le cadre de l'action est comparable, toutes sortes d'incidents surviennent qui ne se produisent pas de nos jours, et les gens sont dotés de pouvoirs que les contemporains et leurs ancêtres historiques ne possèdent pas. Aux temps mythiques, les êtres humains émergeaient du sol, ils se métamorphosaient en animaux et redevenaient hommes à volonté ; les individus des deux sexes rajeunissaient et muaient ; des pirogues volantes fendaient l'air et certains objets se voyaient convertir en pierre. Cette démarcation entre le monde du mythe et le monde présent réel - la simple différence que dans le premier des choses arrivent qui ne se produisent jamais dans le second -, on peut avancer sans se tromper que les indigènes en ont pris une nette conscience, même s'ils demeurent incapables de la formuler d'eux-mêmes. Ils savent fort bien que de nos jours nul ne surgit de terre, que les gens ne se changent pas en animaux et vice versa ; qu'ils n'en engendrent pas ; que les canots ne volent pas. J'ai pu juger de leur manière de voir à ce propos dans les circonstances suivantes. L'instituteur missionnaire fidjien à Omarakana leur avait parlé des appareils volants de l'homme blanc, Ils s'enquirent auprès de moi pour savoir si cela était vrai, et quand j'eus corroboré les dires du missionnaire et montré des photos d'aéroplanes dans un journal illustré, ils me demandèrent si ceci se passait de nos jours ou s'il s'agissait d'un lili'u. Cet incident me révéla que, lorsqu'ils se trouvent en face d'un événement extraordinaire qui leur paraît surnaturel, les indigènes ont tendance soit à le rejeter comme inexact, soit à le reléguer dans le domaine du lili'u. Ceci ne signifie pas pour autant qu'ils assimilent le faux au mythique, Devant certains récits qu'on leur fait, ils réagissent en voulant à toute force les qualifier de sa. l'apa (mensonges) et soutiennent qu'il ne s'agit pas de lili'u. Par exemple, ceux qui sont hostiles à l'enseignement missionnaire se refusent à admettre que l'histoire sainte qu'on leur apprend est un lili'u, et ils la récusent comme sasopa. Il m'a été donné maintes fois d'entendre un indigène conservateur raisonner de la sorte : « Nos récits sur Tudava sont vrais ; c'est un lili'u. Si vous allez à Laba'i, vous y trouverez la grotte où Tudava est né, la plage où il ajoué petit garçon. Vous pourrez voir l'empreinte de son pied sur une pierre dans le raylwag… Mais où sont les vestiges de Yesu Keriso ? Qui a jamais eu sous les yeux des preuves matérielles quelconques concernant ce dont il est question dans les histoires des misinari ? En vérité, ce ne sont pas des lili 'u. » En résumé, la distinction entre le lili'u et la réalité présente ou historique est nettement établie et il existe entre les deux un clivage bien précis. À première vue, elle se base sur le fait que tout mythe est catalogué et connu comme tel de tous les indigènes. Le caractère étonnant et surnaturel de certains faits qui y sont relatés sont une marque distinctive supplémentaire de cet univers du lili 'u. Ces prodiges sont tenus pour vrais et leur authenticité se voit consacrée par la tradition, par les divers signes et traces laissés par les événements mythiques, et surtout par les pouvoirs magiques légués par les ancêtres qui vivaient au temps du lili'u. Un tel héritage magique constitue indubitablement le lien le plus palpable entre le présent et le passé mythique. Il ne faut toutefois pas imaginer ce passé comme une sorte d'arrière-plan préhistorique, une ère qui aurait précédé une longue évolution de l'humanité. Il s'agit plutôt d'un passé très proche du réel, très vivant et très vrai aux yeux des indigènes. 0002000009E300000EA79DD,Nous venons de voir qu'il est un point où le fossé entre le mythe et la réalité présente, pour profond qu'il soit, se trouve comblé dans l'esprit des indigènes. Les pouvoirs extraordinaires dont certains individus disposent dans les mythes sont le plus souvent attribuables à leur connaissance de la magie. Cette science, dans la majorité des cas, a été perdue et c'est la raison pour laquelle la faculté d'accomplir ces prodiges merveilleux a soit totalement disparu, soit diminué dans des proportions considérables. S'ils parvenaient à recouvrer cette magie, les hommes recommenceraient à voler dans leurs pirogues, il leur serait loisible de rajeunir, de braver les ogres et de renouveler les nombreux exploits héroïques de jadis. Dès lors, la magie et la puissance qu'elle confère constituent véritablement le trait d'union entre la tradition mythique et le monde actuel. Le mythe s'est cristallisé en formules magiques et, à son tour, la magie atteste de l'authenticité du mythe. Souvent, la principale fonction de ce dernier est de servir de fondement à un système magique, et, partout où la magie forme le pivot d'une institution, il y a toujours un mythe à la base. C'est peut-être en cela que réside l'importance sociologique majeure du mythe, c'est-à-dire dans son action sur les institutions par le truchement de la magie qui leur est associée. Le point de vue sociologique et la conception des indigènes se rejoignent ici d'une manière tout à fait remarquable. Dans ce livre, pareille concordance se trouve illustrée par un exemple concret : les rapports qui existent entre la mythologie, la magie et le système social de la kula. On peut donc définir le mythe comme un récit d'événements qui, pour l'indigène, sont surnaturels en ce sens qu'il sait parfaitement bien qu'ils ne se produisent pas aujourd'hui. En même temps, il est au plus haut point convaincu qu'ils se sont effectivement produits autrefois. Les récits de ces événements que la société a consacrés ; les vestiges qu'ils ont laissés sur la surface de la terre ; la magie où a subsisté une partie de leurs pouvoirs extraordinaires et à la pratique de laquelle sont associées bon nombre d'institutions sociales - tout ceci fait que, pour l'indigène, un mythe est une part vivante de son existence quotidienne, même si ce qu'il relate date d'il y a longtemps et procède d'un ordre de choses où les hommes sont dotés de pouvoirs surnaturels. Les Argonautes du Pacifique occidental (1922), tr. fr. A. et S. Devyver, Paris, Gallimard, 1963, p. 365-367.
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« sorte?: ??Nos r?cits sur Tudava sont vrais?; c'est un lili'u.

Si vous allez ? Laba'i, vous y trouverez la grotte o? Tudava est n?, la plage o? il ajou? petit gar?on.

Vous pourrez voir l'empreinte de son pied sur une pierre dans le raylwag? Mais o? sont les vestiges de Yesu Keriso?? Qui a jamais eu sous les yeux des preuves mat?rielles quelconques concernant ce dont il est question dans les histoires des misinari?? En v?rit?, ce ne sont pas des lili 'u.?? En r?sum?, la distinction entre le lili'u et la r?alit? pr?sente ou historique est nettement ?tablie et il existe entre les deux un clivage bien pr?cis.

? premi?re vue, elle se base sur le fait que tout mythe est catalogu? et connu comme tel de tous les indig?nes.

Le caract?re ?tonnant et surnaturel de certains faits qui y sont relat?s sont une marque distinctive suppl?mentaire de cet univers du lili 'u.

Ces prodiges sont tenus pour vrais et leur authenticit? se voit consacr?e par la tradition, par les divers signes et traces laiss?s par les ?v?nements mythiques, et surtout par les pouvoirs magiques l?gu?s par les anc?tres qui vivaient au temps du lili'u.

Un tel h?ritage magique constitue indubitablement le lien le plus palpable entre le pr?sent et le pass? mythique.

Il ne faut toutefois pas imaginer ce pass? comme une sorte d'arri?re-plan pr?historique, une ?re qui aurait pr?c?d? une longue ?volution de l'humanit?.

Il s'agit plut?t d'un pass? tr?s proche du r?el, tr?s vivant et tr?s vrai aux yeux des indig?nes. 0002000009E300000EA79DD,Nous venons de voir qu'il est un point o? le foss? entre le mythe et la r?alit? pr?sente, pour profond qu'il soit, se trouve combl? dans l'esprit des indig?nes.

Les pouvoirs extraordinaires dont certains individus disposent dans les mythes sont le plus souvent attribuables ? leur connaissance de la magie.

Cette science, dans la majorit? des cas, a ?t? perdue et c'est la raison pour laquelle la facult? d'accomplir ces prodiges merveilleux a soit totalement disparu, soit diminu? dans des proportions consid?rables.

S'ils parvenaient ? recouvrer cette magie, les hommes recommenceraient ? voler dans leurs pirogues, il leur serait loisible de rajeunir, de braver les ogres et de renouveler les nombreux exploits h?ro?ques de jadis.

D?s lors, la magie et la puissance qu'elle conf?re constituent v?ritablement le trait d'union entre la tradition mythique et le monde actuel.

Le mythe s'est cristallis? en formules magiques et, ? son tour, la magie atteste de l'authenticit? du mythe.

Souvent, la principale fonction de ce dernier est de servir de fondement ? un syst?me magique, et, partout o? la magie forme le pivot d'une institution, il y a toujours un. »

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