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Cavanna, Les Russkoffs

Publié le 27/04/2011

Extrait du document

Durant la dernière guerre, l'auteur encore adolescent, envoyé en Allemagne dans le cadre du S.T.O. (Service du Travail Obligatoire), se trouve pris sous un bombardement à Berlin.    « L'escalier de la cave oscille sous le pied. Les impacts se succèdent, maintenant, réguliers comme des coups de marteau sur une enclume. D'abord le bruit abominable des couches d'air déchirées l'une après l'autre, à toute vitesse, de plus en plus près, locomotive d'enfer qui te plonge droit dessus et hurle, et hurle, et son hurlement s'enfle jusqu'à l'insoutenable, jusqu'à l'hyper-aigu, droit sur toi, droit sur toi, celle-là elle est pour moi, je l'attends, je l'attends, et c'est l'impact, le sol te projette comme une crêpe, tu retombes accroupi, tu rentres la tête dans les épaules, le pire est à venir, la décision... Voilà : l'explosion. Tout bascule. Roulis. Tangage. La terre se tord, furieuse. Fouette de la queue. Les murs balancent et toi aussi, mais à contretemps. La voûte te tombe dessus en larges plaques brique et ciment, poussière poussière poussière, gravier dans le cou, hurlement, une femme est blessée, attention, voilà la suivante, la locomotive plonge, impact, nom de Dieu, elle est encore plus près, cette fois c'est pour nous... Explosion, tangage, avalanche... Pas encore pour cette fois... Et en voilà une autre. Et une autre. La lumière vacille, s'éteint, se rallume. S'éteint. Le noir. Le pilonnage s'intensifie. Les coups de bélier se bousculent, se contrarient, tu es projeté contre un mur, avant de l'atteindre l'élan, cassé net, s'inverse, te voilà tête en avant contre celui d'en face. Pas moyen de suivre, on se fait paquet de chiffons, la peur ne peut plus monter-descendre en guettant les bombes, il y en a trop, elle est bloquée une fois pour toutes au paroxysme, des femmes hurlent, où vont-elles chercher ce hurlement-là, il se vrille et perce et brûle tout là-haut plus haut que l'épouvantable tohu-bohu des piqués, des impacts, des explosions, des écroulements, il te fait soudain penser à ta peur, jusque-là tu la vivais t'y pensais pas, ta peur te saute à la conscience, tu réalises la folie furieuse de la situation, tu veux courir, gueuler, griffer, faire quelque chose... Il n'y a rien à faire. Tu es livré aux strictes lois du hasard, tu auras le pot ou tu l'auras pas, tu sauras ça après. Et ça tombe, et ça tombe... «    Cavanna, Les Russkoffs.    Vous ferez de ce texte un commentaire composé en vous interdisant de séparer le fond et la forme.    Vous pourrez vous demander, par exemple, par quels moyens l'auteur parvient à nous communiquer cette expérience d'apocalypse et la peur intense qu'elle suscite.   

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