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- Ce n'est pas exactement ce que je voulais dire.

Publié le 30/10/2013

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- Ce n'est pas exactement ce que je voulais dire. En lisant son testament, je me suis dit que ce devait être un homme doué d'un sens particulièrement brutal de l'humour. Vous aimait-il ? - Je ne sais pas, dit Adam. Je l'ai cru parfois. Une fois, il a essayé de me tuer. « Lee dit : « C'est inscrit sur son visage. La haine et l'amour ont fait de lui un avare. L'avare n'est qu'un homme apeuré qui se cache dans une forteresse d'argent. Connaissait-il votre femme ? - Oui. - L'aimait-il ? - Il la haïssait. « Lee soupira. « Cela n'a d'ailleurs pas d'importance. Votre problème ne réside pas là-dedans. - Non. - Voulez-vous l'énoncer et l'examiner ? - Je le voudrais. - Allez-y. - Tout s'embrouille dans ma tête. - Voulez-vous que je m'en charge ? C'est plus facile pour un étranger. - Je vous le demande. - Très bien. (Soudain, Lee grogna et parut étonné. Il caressa son petit menton de sa main maigre.) Misère ! dit-il. Je n'y avais pas pensé. « Adam était sur des charbons ardents. « Cela ne vous ferait rien d'abattre votre jeu ? « Lee sortit de sa poche une pipe à long tuyau d'ébène terminé par une petite coupelle en cuivre, il la remplit d'un tabac coupé très fin, l'alluma, tira quatre longues bouffées, et laissa la pipe s'éteindre. « Est-ce de l'opium ? demanda Adam. - Non, répondit Lee. C'est du tabac chinois bon marché qui a très mauvais goût. - Pourquoi le fumez-vous alors ? - Je ne sais pas, dit Lee. Peut-être parce que cela me rappelle quelque chose qui est synonyme de clarté. (Il ferma à demi les paupières.) Commençons. Je vais essayer d'étaler vos pensées comme des nouilles que l'on met à sécher. Cette femme est toujours votre femme, et elle est en vie. D'après la lettre, elle hérite environ de cinquante mille dollars, ce qui représente beaucoup d'argent. On peut en faire énormément de bien ou de mal. Est-ce que votre frère, s'il savait où elle est, et ce qu'elle fait, désirerait qu'elle entre en possession de cet argent ? En cas de procès, la justice aime se conformer aux désirs du testateur. - Mon frère ne le voudrait pas «, dit Adam. Puis il se rappela les visites périodiques de Charles à l'auberge. « Il faut que vous vous mettiez à la place de votre frère, dit Lee. Ce que fait votre femme n'est ni bien ni mal. Il y a des saints dans tous les milieux. Peut-être qu'elle utiliserait cette somme dans un but fort louable. Il n'y a rien de tel qu'une mauvaise conscience pour pousser a la philanthropie. « Adam frissonna. « Elle m'a expliqué ce qu'elle ferait si elle avait de l'argent. Cela ressemble plus à un assassinat qu'à une oeuvre philanthropique. - Vous croyez donc qu'elle ne doit pas disposer de cet argent ? - Ce serait pour elle le signal d'acculer au suicide certains hommes d'excellente réputation. - Je vois, dit Lee. Et je suis heureux de pouvoir considérer cela de très haut. Je suppose que la réputation de ces messieurs doit être assez rapiécée. Donc, moralement, vous ne lui donneriez pas l'argent ? - Non ! - Considérez ceci : elle n'a pas de nom, et la société l'ignore. Elle n'est qu'une prostituée. Si elle avait connaissance du testament et qu'elle veuille demander sa part, elle ne pourrait le faire qu'avec votre aide. - Sans doute. Oui, elle aurait besoin de mon aide. « Lee reprit sa pipe, la nettoya avec une petite épingle de cuivre, et la remplit. Il tira à nouveau ses quatre bouffées, leva les yeux, et examina Adam. « C'est un problème moral très délicat, dit-il. Avec votre permission, je le présenterai à la sagacité de mes honorables parents. Sans citer de nom, bien entendu. Ils le passeront au peigne fin comme un enfant qui cherche les puces à un chien. Je suis sûr qu'ils obtiendront d'intéressants résultats. (Il posa sa pipe sur la table.) Mais vous, vous n'avez pas le choix, n'est-ce pas ? - Comment cela ? demanda Adam. - Vous connaissez-vous donc moins que je ne vous connais ? - Je ne sais que faire, dit Adam. Il va falloir que j'y pense. « Lee dit avec colère : « Je vois que j'ai perdu mon temps. Mentez-vous à vous-même ou seulement à moi ? - Ne me parlez pas sur ce ton, dit Adam. - Et pourquoi non ? J'ai toujours eu horreur d'être déçu. Votre route est tracée, ce que vous ferez est écrit, écrit dans les moindres détails. Je parlerai comme il me plaît. J'en ai acquis le droit. Je sens déjà le sable sous ma peau, je sens déjà l'ignoble odeur des vieux livres et la douce odeur de la pensée. Mis en face de deux morales, vous suivrez celle que votre éducation vous a apprise et ce que vous appelez penser n'y changera rien. Le fait que votre femme se prostitue à Salinas n'y changera rien non plus. « Adam se leva. Il était furieux. « Vous vous permettez d'être insolent parce que vous me quittez, cria-t-il. Je vous dis que je ne sais pas encore ce que je vais faire au sujet de cet argent. « Lee soupira profondément. Il se leva en prenant appui des mains sur ses genoux, alla avec lassitude jusqu'à la porte, l'ouvrit, puis se retourna, sourit à Adam et lui dit aimablement : « Puritain ! « Puis il sortit, et referma la porte derrière lui. Cal traversa silencieusement le couloir et monta dans sa chambre. Il devina la tête de son frère sur l'oreiller. Il ne put discerner si Aron dormait. Il se coula doucement entre les draps, se retourna, glissa ses doigts sous sa tête et fixa les myriades de petits points colorés dont est formée l'obscurité. Le rideau de la fenêtre se gonflait sous la poussée du vent, puis retombait avec un léger bruit. Une mélancolie douillette l'enveloppait. Il regrettait de tout son coeur qu'Aron ne fût pas resté avec lui dans la Ford, il regrettait de tout son coeur d'avoir écouté à la porte du salon. Il bougea les lèvres dans l'obscurité sans émettre de son, et pourtant il entendit ses mots. « Mon Dieu, dit-il, faites que je sois comme Aron. Ne me faites pas méchant. Je ne veux pas l'être. Faites que tout le monde m'aime, et je vous donnerai n'importe quoi au monde. Si je ne l'ai pas, j'irai le chercher. Je ne veux pas être méchant, je ne veux pas rester tout seul. Amen. « Des larmes chaudes coulaient le long de ses joues. Ses muscles étaient tendus. Il essaya de pleurer silencieusement. Aron murmura : « Tu as froid, tu viens de frissonner. « Il étendit la main et sentit sous ses doigts le bras dur de Cal. Il demanda doucement : « Est-ce qu'oncle Charles avait de l'argent ? - Non, répondit Cal. - Tu es resté longtemps. De quoi voulait parler papa ? « Cal resta immobile pour retrouver son calme.

« – Non ! – Considérez ceci :ellen’apas denom, etlasociété l’ignore.

Ellen’est qu’une prostituée. Si elle avait connaissance dutestament etqu’elle veuille demander sapart, ellene pourrait lefaire qu’avec votreaide. – Sans doute.Oui,elleaurait besoin demon aide. » Lee reprit sapipe, lanettoya avecunepetite épingle decuivre, etlaremplit.

Iltira à nouveau sesquatre bouffées, levalesyeux, etexamina Adam. « C’est unproblème moraltrèsdélicat, dit-il.Avecvotre permission, jeleprésenterai à la sagacité demes honorables parents.Sansciterdenom, bienentendu.

Ilslepasseront au peigne fincomme unenfant quicherche lespuces àun chien.

Jesuis sûrqu’ils obtiendront d’intéressants résultats.(Ilposa sapipe surlatable.) Maisvous, vousn’avez pas lechoix, n’est-ce pas ? – Comment cela ?demanda Adam. – Vous connaissez-vous doncmoins quejene vous connais ? – Je nesais quefaire, ditAdam.

Ilva falloir quej’ypense. » Lee ditavec colère : « Je voisquej’aiperdu montemps.

Mentez-vous àvous-même ouseulement àmoi ? – Ne meparlez passurceton, ditAdam. – Et pourquoi non ?J’aitoujours euhorreur d’êtredéçu.Votre routeesttracée, ceque vous ferez estécrit, écritdans lesmoindres détails.Jeparlerai commeilme plaît.

J’enai acquis ledroit.

Jesens déjàlesable sousmapeau, jesens déjàl’ignoble odeurdesvieux livres etladouce odeurdelapensée.

Misenface dedeux morales, voussuivrez celleque votre éducation vousaapprise etce que vous appelez pensern’ychangera rien.Lefait que votre femme seprostitue àSalinas n’ychangera riennonplus. » Adam seleva.

Ilétait furieux. « Vous vouspermettez d’êtreinsolent parcequevous mequittez, cria-t-il.

Jevous dis que jene sais pasencore ceque jevais faire ausujet decet argent. » Lee soupira profondément.

Ilse leva enprenant appuidesmains sursesgenoux, alla avec lassitude jusqu’àlaporte, l’ouvrit, puisseretourna, souritàAdam etlui dit aimablement : « Puritain ! » Puis ilsortit, etreferma laporte derrière lui. Cal traversa silencieusement lecouloir etmonta danssachambre.

Ildevina latête de son frère surl’oreiller.

Ilne put discerner siAron dormait.

Ilse coula doucement entre les draps, seretourna, glissasesdoigts soussatête etfixa lesmyriades depetits points colorés dontestformée l’obscurité.

Lerideau delafenêtre segonflait souslapoussée du vent, puisretombait avecunléger bruit. Une mélancolie douillettel’enveloppait.

Ilregrettait detout soncœur qu’Aron nefût pas resté avecluidans laFord, ilregrettait detout soncœur d’avoir écoutéàla porte du salon.

Ilbougea leslèvres dansl’obscurité sansémettre deson, etpourtant ilentendit ses mots. « Mon Dieu,dit-il, faitesquejesois comme Aron.Neme faites pasméchant.

Jene veux pas l’être.

Faites quetout lemonde m’aime, etjevous donnerai n’importe quoiau monde.

Sijene l’ai pas, j’irai lechercher.

Jene veux pasêtre méchant, jene veux pas rester toutseul.

Amen. » Deslarmes chaudes coulaient lelong deses joues.

Sesmuscles étaient tendus.

Ilessaya depleurer silencieusement. Aron murmura : « Tu asfroid, tuviens defrissonner. » Il étendit lamain etsentit soussesdoigts lebras durdeCal.

Ildemanda doucement : « Est-ce qu’oncle Charlesavaitdel’argent ? – Non, répondit Cal. – Tu esresté longtemps.

Dequoi voulait parlerpapa ? » Cal resta immobile pourretrouver soncalme.. »

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