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- C'est justement pour cela que je me défie d'elle, Sire.

Publié le 04/11/2013

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- C'est justement pour cela que je me défie d'elle, Sire. Et bien m'en a pris de m'en défier ! - D'elle ? - D'elle ou de ceux qui l'entourent. Vous savez que le malheur des rois, Sire, n'est pas toujours d'être trop mal, mais trop bien servis. - Expliquez-vous : c'est un engagement pris de votre part de tout me dire. - Et Votre Majesté voit que je l'accomplis. - Continuez. - Votre Majesté m'aime, m'a-t-elle dit ? - C'est-à-dire que je vous aimais avant votre trahison, Henriot. - Supposez que vous m'aimez toujours, Sire. - Soit ! - Si vous m'aimez, vous devez désirer que je vive, n'est-ce pas ? - J'aurais été désespéré qu'il t'arrivât malheur. - Eh bien, Sire, deux fois Votre Majesté a bien manqué de tomber dans le désespoir. - Comment cela ? - Oui, car deux fois la Providence seule m'a sauvé la vie. Il est vrai que la seconde fois la Providence avait pris les traits de Votre Majesté. - Et la première fois, quelle marque avait-elle prise ? - Celle d'un homme qui serait bien étonné de se voir confondu avec elle, de René. Oui, vous, Sire, vous m'avez sauvé du fer. Charles fronça le sourcil, car il se rappelait la nuit où il avait emmené Henriot rue des Barres. - Et René ? dit-il. - René m'a sauvé du poison. - Peste ! tu as de la chance. Henriot, dit le roi en essayant un sourire dont une vive douleur fit une contraction nerveuse. Ce n'est pas là son état. - Deux miracles m'ont donc sauvé, Sire. Un miracle de repentir de la part du Florentin, un miracle de bonté de votre part. Eh bien, je l'avoue à Votre Majesté, j'ai peur que le ciel ne se lasse de faire des miracles, et j'ai voulu fuir en raison de cet axiome : Aide-toi, le ciel t'aidera. - Pourquoi ne m'as-tu pas dit cela plus tôt, Henri ? - En vous disant ces mêmes paroles hier, j'étais un dénonciateur. - Et en me les disant aujourd'hui ? - Aujourd'hui, c'est autre chose ; je suis accusé et je me défends. - Es-tu sûr de cette première tentative, Henriot ? - Aussi sûr que de la seconde. - Et l'on a tenté de t'empoisonner ? - On l'a tenté. - Avec quoi ? - Avec de l'opiat. - Et comment empoisonne-t-on avec de l'opiat ? - Dame ! Sire, demandez à René ; on empoisonne bien avec des gants... Charles fronça le sourcil ; puis peu à peu sa figure se dérida. - Oui, oui, dit-il, comme s'il se parlait à lui-même ; c'est dans la nature des êtres créés de fuir la mort. Pourquoi donc l'intelligence ne ferait-elle pas ce que fait l'instinct ? - Eh bien, Sire, demanda Henri, Votre Majesté est-elle contente de ma franchise, et croit-elle que je lui aie tout dit ? - Oui, Henriot, oui, et tu es un brave garçon. Et tu crois alors que ceux qui t'en voulaient ne se sont point lassés, que de nouvelles tentatives auraient été faites. - Sire, tous les soirs, je m'étonne de me trouver encore vivant. - C'est parce qu'on sait que je t'aime, vois-tu, Henriot, qu'ils veulent te tuer. Mais, sois tranquille ; ils seront punis de leur mauvais vouloir. En attendant, tu es libre. - Libre de quitter Paris, Sire ? demanda Henri. - Non pas ; tu sais bien qu'il m'est impossible de me passer de toi. Eh ! mille noms d'un diable, il faut bien que j'aie quelqu'un qui m'aime. - Alors, Sire, si Votre Majesté me garde près d'elle, qu'elle veuille bien m'accorder une grâce... - Laquelle ? - C'est de ne point me garder à titre d'ami, mais à titre de prisonnier. - Comment, de prisonnier ? - Eh ! oui. Votre Majesté ne voit-elle pas que c'est son amitié qui me perd ? - Et tu aimes mieux ma haine ? - Une haine apparente, Sire. Cette haine me sauvera : tant qu'on me croira en disgrâce, on aura moins hâte de me voir mort. - Henriot, dit Charles, je ne sais pas ce que tu désires, je ne sais pas quel est ton but ; mais si tes désirs ne s'accomplissent point, si tu manques le but que tu te proposes, je serai bien étonné. - Je puis donc compter sur la sévérité du roi ? - Oui. - Alors, je suis plus tranquille... Maintenant qu'ordonne Votre Majesté ? - Rentre chez toi, Henriot. Moi, je suis souffrant, je vais voir mes chiens et me mettre au lit. - Sire, dit Henri, Votre Majesté aurait dû faire venir un médecin ; son indisposition d'aujourd'hui est peutêtre plus grave qu'elle ne pense. - J'ai fait prévenir maître Ambroise Paré, Henriot. - Alors, je m'éloigne plus tranquille. - Sur mon âme, dit le roi, je crois que de toute ma famille tu es le seul qui m'aime véritablement. - Est-ce bien votre opinion, Sire ? - Foi de gentilhomme ! - Eh bien, recommandez-moi à M. de Nancey comme un homme à qui votre colère ne donne pas un mois à ivre : c'est le moyen que je vous aime longtemps. - Monsieur de Nancey ! cria Charles. Le capitaine des gardes entra. - Je remets le plus grand coupable du royaume entre vos mains, continua le roi, vous m'en répondez sur otre tête. Et Henri, la mine consternée, sortit derrière M. de Nancey.

« – Henriot, ditCharles, jene sais pasceque tudésires, jene sais pasquel estton but ; mais sites désirs ne s’accomplissent point,situ manques lebut que tuteproposes, jeserai bienétonné. – Je puis donc compter surlasévérité duroi ? – Oui. – Alors, jesuis plus tranquille… Maintenant qu’ordonneVotreMajesté ? – Rentre cheztoi,Henriot.

Moi,jesuis souffrant, jevais voir mes chiens etme mettre aulit. – Sire, ditHenri, VotreMajesté auraitdûfaire venir unmédecin ; sonindisposition d’aujourd’hui estpeut- être plus grave qu’elle nepense. – J’ai faitprévenir maîtreAmbroise Paré,Henriot. – Alors, jem’éloigne plustranquille. – Sur mon âme, ditleroi, jecrois quedetoute mafamille tuesleseul quim’aime véritablement. – Est-ce bienvotre opinion, Sire ? – Foi degentilhomme ! – Eh bien, recommandez-moi àM. de Nancey commeunhomme àqui votre colère nedonne pasunmois à vivre : c’estlemoyen quejevous aime longtemps. – Monsieur deNancey !cria Charles.

Lecapitaine desgardes entra. – Je remets leplus grand coupable duroyaume entrevosmains, continua leroi, vous m’en répondez sur votre tête. Et Henri, lamine consternée, sortitderrière M. de Nancey.. »

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