Décès de Roland Dorgelès
Publié le 14/12/2011
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Roland Dorgelès est mort à Paris le 18 mars, âgé de quatre-vingt-six ans. Né à Amiens, le 15 juin 1886, Dorgelès - de son vrai nom Lecavelé - avait, après un court passage aux Beaux-Arts, fait du journalisme. Habitué de Montmartre, où il devait rencontrer Picasso, il était devenu un représentant typique de cette bohème avant 1914 qu'il peignit dans nombre de ses livres, de Montmartre, mon paus (1925), au Château des Brouillards (1932) et au Marquis de la Dèche (1971). Réformé, lorsque la guerre éclate, il s'engage néanmoins; une blessure l'éloigne du front, en même temps qu'elle lui vaut la Croix de guerre. Il retourne au combat dans l'aviation où il est blessé une nouvelle fois. Le conflit va, dès lors, prendre une importance considérable dans sa carrière : en 1917, il publie, avec Régis Gignoux, La machine à finir la guerre; en 1919, Les Croix de Bois et Le cabaret de la belle femme. Le succès des Croix de Bois est immédiat et considérable. Prix Fémina en 1919, Dorgelès est élu à l'Académie Goncourt en 1929 où il succède à Courteline. Il en prendra en 1955 la présidence à la suite de Colette.
«
tative est Huon de Bordeaux (1922).
C'est aussi pour la scène qu'il traduisit le Second Faust, de Goethe (1942), ainsi que La vie est un songe (1922) et l'Alcalde de Zalamea (1953), de Cal deron.
Excellent essayiste, c'est dans un genre personnel qu'il appelait la « géographie senti mentale » qu'il trouva le mieux à s'exprimer : Carnet de route du juif errant, (1931), Paris sur-Seine (1939), Rhône, mon fleuve (1944), Paris, ma grand'ville (1948), Enchantement de
Grenade (1951).
Membre de l'académie Gon court depuis 1947, Alexandre Arnoux avait reçu en 1956 le Grand prix national des lettres.
Redécouvrir Marivaux
La publication des Œuvres de jeunesse' de Marivaux, par Frédéric Deloffre et Claude Ri gault, à la Bibliothèque de la Pléiade (Galli mard, 405 pages, 67 francs) permet la décou verte d'un auteur dont, avec le temps, on s'aper çoit qu'on ne finit pas de faire le tour.
Avant les chefs-d'œuvre, comme La vie de Marianne ou Le pa!Jsan parvenu, avant le théâtre, voilà un Marivaux en train d'essayer son talent, en train de mettre au point sa manière.
Le résul tat est souvent inattendu.
Ces premiers essais, qui s'appellent La voiture embourbée, Les aven
tures de XXX ou les effets surprenants de la sympathie, Pharsamon ou les nouvelles folies
romanesques, -Le Télémaque travesti, l'Homère travesti ou l'Iliade en vers burlesques, n'avaient jamais été réédités depuis les années 1712-1716, auxquelles remonte leur publication.
L'auteur les trouvait-il trop peu satisfaisants et n'osait-il plus s'en prévaloir ? Le goût a évolué et les relire aujourd'hui amène le lecteur à décou vrir un Marivaux jouant de la matière roma nesque comme le firent, après lui, un Diderot, un Sade ou certains de nos modernes écri vains.
Ce qui l'intéresse, dirait-on, ce sont moins ses héros, qui ne sont souvent que des marionnettes ridicules, moins l'histoire même, dont l'invraisemblance, la gratuité et la désinvolture n'ont d'égales que la liberté de la langue et la jeunesse de l'inspiration, que l'exploration des sentiments et des passions.
Les personnages sont mis dans des situations données uniquement parce qu'elles sont exem plaires et font clairement apparaître les diffé rents degrés de ces sentiments et de ces pas sions.
On est dans le domaine du laboratoire.
Le thème romanesque n'existe pas, ou, mieux, il est parfois tourné en ridicule.
L'art du ro man, dans l'optique marivaudienne, consiste presque uniquement à provoquer l'explosion d'une machine surchauffée.
Ce qui intéresse l'auteur, c'est de voir ses personnages arriver à l'ultime degré de leurs amours ou de leurs haines, jusqu'aux excès et aux perversions.
Quitte, quand l'invraisemblance est criante, à concéder au lecteur que tout cela est bien fou, et à répartir d'un autre pied.
Très typique de la manière du jeune Marivaux est, à cet égard, le récit intitulé : La voiture embourbée.
Un in-
cident oblige les voyageurs de la voiture qm fait le trajet de Paris à Nemours à chercher refuge dans une auberge où, pour passer le temps, chacun raconte à sa manière, les aventu res d'un personnage imposé.
Les épisodes, qui ont l'air de se répéter, ne le font qu'en appa rence puisque les optiques changent et qu'on passe du genre fabuleux au genre chevaleresque, du chevaleresque à l'oriental, et de l'oriental au réaliste.
Des exercices de style qui donnent à rêver.
Renan en profondeur
Jean Pommier, professeur honoraire au Col
lège de France, membre de l'Institut, est mort à Nice, le 13 février, des suites d'un accident de la circulation, à l'âge de quatre-vingts ans.
Sa dernière grande étude l'aura fait renouer avec ses premiers travaux, puisqu'il s'agit de la publication des cinq Cahiers renaniens, pu bliés par les éditions Nizet l'an dernier et qui furent tous présentés et annotés par lui.
Les titres en sont les suivants : 1) Un témoignage sur E.
Renan : les souvenirs de L.F.A.
Maury; 2) Travaux et jours d'un séminariste en vacan
ces; 3) Etudes philosophiques; 4) Un itiné raire spirituel; 5) Deux écrits d'E.
Renan sur les Sibylles et Virgile, et le Talmud.
Vaste en semble, comme on voit, où son essentiellement utilisés des textes inédits de l'auteur de la Vie de Jésus.
De tels documents sont toujours éclairants; ici, ils apportent des témoignages définitifs.
Renan était entré au séminaire pour pouvoir y faire des études.
Sa vocation reli gieuse n'existait pas, et il l'écrit à sa sœur : « Je ne crois pas assez ! » (1845).
Mais c'est au séminaire qu'il découvre, lit et annote Madame de Stael.
De l'Allemagne aura une influence décisive sur sa formation, comme la « philosophie écossaise » de Stewart.
Ernest Renan est un homme d'études; ses lectures le marquent, et l'imagination supplée au reste.
Il n'est pas breton, admirateur de Chateaubriand, pour rien.
Rêveur, il découvre l'importance de la psychologie.
Il pense à une études des religions qui serait basée sur la psychologie.
Mais il a l'esprit réaliste et scien tifique, et ses enquêtes d'historien le mènent sur les lieux mêmes où se sont déroulés les faits qu'il rapporte ; en Galilée pour la Vie de
Jésus.
Sa sœur Henriette y mourra.
Ici, un petit fait rapporté par M.
Pommier.
Le manuscrit est interrompu par cette mort : « Jésus, écrit Renan, passa le val du Cédron et se rendit dans le jardin de Gethsémani au pied du mont des Oliviers.
Là, il eut un...
» Un mois plus tard, Renan achève la phrase à Paris : « ...
mo ment de profonde défaillance ».
« Quel hasard extraordinaire, commente J.
Pommier.
Les deux agonies s'étaient confondues : sueur de fièvre et sueur de sang.
» On voit ce que peut appor ter ce genre de recherches érudites parfois difficiles, austères d'accès, mais sans quoi tout un aspect de l'écrivain serait estompé..
»
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