Devoir de Philosophie

Dreyfus, Carnets

Publié le 14/04/2013

Extrait du document

 (1899-1907)

Alfred Dreyfus, officier d’état-major d’origine juive, accusé d’avoir divulgué des secrets militaires à l’Allemagne, est condamné en août 1894 à la dégradation militaire et à la déportation à vie. En septembre 1899, à l’issue de la révision du procès, à la suite de la publication de « J’accuse « d’Émile Zola, le Conseil de Guerre de Rennes commue la peine à dix ans de réclusion. Reconnu innocent, Dreyfus est gracié en 1900 et le 12 juillet 1906 la Cour de cassation annule le jugement et réhabilite Dreyfus, qui est réintégré dans l’armée et décoré de la Légion d’honneur. Dans ses carnets, Dreyfus écrit sa joie et son émotion et nous rappelle le dénouement de cette affaire judiciaire, avivée par l’antisémitisme, qui divisa les Français et provoqua la plus grave crise politique de la IIIe République.

Carnets (1899-1907) d’Alfred Dreyfus : sa réhabilitation (12 juillet 1906)

 

[…] Notre joie à tous fut débordante. Mon souvenir ému alla à tous ceux qui n’étaient plus là pour jouir du triomphe d’une cause pour laquelle ils avaient tant souffert : Bernard Lazare, Zola, Scheurer-Kestner, Trarieux, Grimaux, Giry, Molinier, Zadoc Kahn, mon regretté beau-père et tant d’autres déjà disparus.

 

 

Les parents, les amis accoururent en foule chez moi, tout à la joie de me voir parvenu au terme définitif de mes épreuves. Ce furent de tendres effusions, qui augmentèrent mon émotion.

 

 

Je n’avais jamais douté de ce triomphe de la justice et de la vérité sur l’erreur, le mensonge et le crime. Ce qui m’avait soutenu, depuis le jour néfaste de mon arrestation, à travers les plus terribles souffrances qu’un homme ait peut-être jamais supportées, c’est cette foi inébranlable que la France proclamerait un jour, à la face du monde, mon innocence, et qu’elle effacerait jusqu’à la dernière trace de l’erreur monstrueuse. Je conserverai toujours une reconnaissance infinie pour tous ceux qui contribuèrent, avec tant de courage et de générosité, au triomphe de la justice.

 

 

Les dépêches affluèrent aussi dans cette journée et je pus à peine en prendre connaissance, car les visites ne s’arrêtèrent pas jusqu’à une heure avancée dans la soirée et continuèrent les jours suivants.

 

 

Aussitôt après que l’arrêt de la Cour eut été rendu, j’avais écrit à Mme Trarieux, à Mme Zola, à Mme Bernard Lazare, pour leur adresser l’hommage ému de mon souvenir reconnaissant pour leur regretté mari, ainsi qu’au lieutenant-colonel Picquart, au lieutenant-colonel Hartmann, etc. […]

 

 

La solution qu’avait adoptée la Cour de cassation, et qui était conforme au droit et au bon sens, était évidemment bien préférable à celle qui eût consisté à un renvoi devant un conseil de guerre. Ce renvoi eût été sans utilité et sans but, puisque tout avait été examiné et jugé, et n’eût fait que prolonger une agitation stérile.

 

 

Le vendredi 13 juillet eurent lieu à la Chambre des députés et au Sénat deux admirables séances pour la France et la République. Le gouvernement avait déposé deux projets de loi, l’un me nommant chef d’escadron, l’autre donnant au lieutenant-colonel Picquart la réparation qui lui était due en le nommant général de brigade. Le projet de loi me concernant fut adopté aux applaudissements de toutes les gauches par quatre cent trente-deux voix contre trente-deux. Le président de la Chambre, M. Brisson, prononça ensuite les paroles suivantes : « Votre président enregistre avec fierté ce vote qui consacre par une loi le triomphe de la justice, qui depuis deux jours vaut à la France les acclamations du monde «. Le projet de loi relatif au lieutenant-colonel Picquart fut adopté par quatre cent quarante-neuf voix contre vingt-six. […]

 

 

Source : Carnets (1899-1907), Paris, Calman-Lévy, 1998.

 

Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Liens utiles