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ÉMILE AUGIER (1820-1889). Le Gendre de M. Poirier

Publié le 01/07/2011

Extrait du document

augier

Émile Augier débuta à l'Odéon en 1844, avec une pièce en vers, la Ciguë. Mais il abandonna bientôt la comédie de genre, pour traiter des thèses morales. C'est ainsi qu'en 1849, il fit applaudir dans Gabrielle (cinq actes en vers) une courageuse et éloquente apologie de la famille et du mariage. Car, le croirait-on? il fallait du courage à cette époque pour soutenir devant le public une autre thèse que celle du droit à la passion. — Désormais, dans toutes ses pièces, la plupart écrites en prose, Émile Augier va défendre les mêmes idées.

Il plaide, dans Ceinture dorée, Un Beau Mariage, etc., pour le mariage fondé sur l'estime et sur l'affection, plutôt que sur l'intérêt. Dans les Effrontés et le Fils de Giboyer, il flétrit les charlatans de la politique et de la finance. Dans la Contagion (1866), Paul Forestier (1868), Jean de Thommeray (1872), Augier attribue au désœuvrement, à l'ambition mal comprise, à la blague, la décadence de la jeune génération. Ses deux chefs-d'œuvre sont le Gendre de M. Poirier (1854) Maître Guérin (1864). La première de ces pièces est tirée du roman de Jules Sandeau : Sacs et parchemins. M. Poirier est le M. Jourdain du règne de Louis-Philippe. Ce ne sont plus les allures et les costumes des gentilshommes qu'ambitionne un bourgeois enrichi de 1840; ce sont leurs titres de noblesse et leur influence politique. « Je suis ambitieux, « dit piteusement M. Poirier, qui soutient que « le commerce est la véritable école des hommes d'État «, et qui a donné sa fille au marquis de Presles, pour devenir lui-même baron et pair de France. La pièce, très spirituelle et très équitable, où aucun des deux partis n'est systématiquement sacrifié à l'autre, est à la fois un chef-d'œuvre dramatique et un document social. — Quant à Maître Guérin, c'est l'admirable peinture d'un homme au caractère absolu, et qui s'enrichit, et qui est très fort, mais qui perd l'estime de tous les siens, et qui, abandonné par eux, doit mourir isolé et exploité. Augier écrit dans une langue sobre et vigoureuse, parfois un peu déclamatoire, parfois trop volontairement spirituelle. Mais il est, au XIXe siècle, notre plus robuste tempérament dramatique.

Le Gendre de M. Poirier (1854).

M. POIRIER RÉFORME SA MAISON

Gaston de Presles, un gentilhomme ruiné, a épousé la fille d'un riche négociant, M. Poirier. Celui-ci espérait que son gendre deviendrait diplomate, et l'introduirait lui-même à la cour de Louis-Philippe. Mais Gaston de Presles, légitimiste, « émigré à l'intérieur «, ne reconnaît pas le roi usurpateur. Il est décidé à vivre de ses rentes. M. Poirier veut avoir avec lui une explication définitive; mais le marquis persiste dans son refus de se rallier à Louis- Philippe, et se moque des prétentions politiques de son beau-père. Alors M. Poirier se décide à réformer sa maison. Il veut commencer par renvoyer son cuisinier, Vatel, qui se prétend descendant du fameux maître d'hôtel du prince de Condé, dont Mme de Sévigné a raconté la mort tragique.

POIRIER, puis LE PORTIER, et VATEL, CUISINIER. POIRIER, seul. — Ah! mais il m'ennuie, mon gendre. Je vois bien qu'il n'y a rien à tirer de lui.... Ce garçon-là mourra dans la gentilhommerie finale. Il ne veut rien faire, il n'est bon à rien... il me coûte les yeux de la tête.... Il est maître chez moi.... Il faut que cela finisse (Il sonne. Entre un domestique.) Faites monter le portier et le cuisinier. (Le domestique sort.) Nous allons voir, mon gendre!... J'ai assez fait le gros dos et la patte de velours. Vous ne voulez pas faire de concessions, mon bel ami? A votre aise! je n'en ferai pas plus que vous; restez marquis, je redeviens bourgeois. J'aurai du moins le contentement de vivre à ma guise. (Entre le portier.) LE PORTIER. — Monsieur m'a fait demander? POIRIER. — Oui, François, monsieur vous a fait demander. Vous allez mettre sur-le-champ l'écriteau sur la porte. LE PORTIER. — L'écriteau? POIRIER. — « A louer présentement un magnifique appartement au premier étage, avec écuries et remises. « LE PORTIER. — L'appartement de M. le marquis? POIRIER. — Vous l'avez dit, François. LE PORTIER. — Mais M. le marquis ne m'a pas donné d'ordres. POIRIER. — Qui est le maître ici, imbécile? à qui est l'hôtel? LE PORTIER. — A vous, monsieur. POIRIER. — Faites donc ce que je vous dis, sans réflexion. LE PORTIER. — Oui, monsieur. (Entre Vatel.) POIRIER. — Allez, François. (Le portier sort.) Approchez, monsieur Vatel; vous préparez un grand dîner pour demain? VATEL. — Oui, monsieur, et j'ose dire que le menu ne serait pas désavoué par mon illustre aïeul. Ce sera vraiment un objet d'art, et monsieur Poirier sera étonné. POIRIER. — Avez-vous le menu sur vous? VATEL. — Non, monsieur, il est à la copie; mais je le sais par cœur. POIRIER. — Veuillez me le réciter. VATEL. — Le potage aux ravioles à l'Italienne et le potage à l'orge à la Marie Stuart. POIRIER. — Vous remplacerez ces deux potages inconnus par la bonne soupe grasse avec des légumes sur une assiette. VATEL. — Comment, monsieur? POIRIER. — Je le veux. Continuez. VATEL. — Relevé : la carpe du Rhin à la Lithuanienne, les poulardes à la Godard... le filet de bœuf braisé à la Napolitaine, le jambon de Westphalie, rôti madère.... POIRIER. — Voici un relevé plus simple et plus sain : la barbue sauce aux câpres... le jambon de Bayonne aux épinards, le fricandeau à l'oseille, le lapin sauté. VATEL. — Mais, monsieur Poirier... je ne consentirai jamais.... POIRIER. — Je suis le maître ici... entendez-vous? Continuez. VATEL. — Entrées : les filets de volaille à la Concordat... les croustades de truffes garnies de foie à la royale, le faisan étoffé à la Montpensier, les perdreaux rouges farcis à la bohémienne. POIRIER. — A la place de ces entrées, nous ne mettrons rien du tout, et nous passerons tout de suite au rôti, c'est l'essentiel. VATEL. — C'est contre tous les préceptes de l'art. POIRIER. — Je prends ça sur moi... voyons vos rôtis. VATEL. — C'est inutile, monsieur, mon aïeul s'est passé son épée au travers du corps pour un moindre affront, je vous donne ma démission. POIRIER. — J'allais vous la demander, mon bon ami mais, comme on a huit jours pour remplacer un domestique.... VATEL. — Un domestique! monsieur, je suis un cuisinier. POIRIER. — Je vous remplacerai par une cuisinière. En attendant, vous êtes pour huit jours encore à mon service et vous voudrez bien exécuter le menu. VATEL. — Je me brûlerais la cervelle plutôt que de manquer à mon nom. POIRIER, à part. — Encore un qui tient à son nom ! (Haut.) Brûlez-vous la cervelle, monsieur Vatel, mais ne brûlez pas vos sauces.... Bien le bonjour. (Vatel sort.) Et, maintenant, allons écrire quelques invitations à mes vieux camarades de la rue des Bourdonnais. Monsieur le marquis de Presles, on va vous couper vos talons rouges ! (Acte III, se. iv, Calmann-Lévy, éditeur.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — I/une des principales scènes du Gendre de M. Poirier. — Pourquoi M. Poirier, ancien négociant en gros, avait-il marié sa fille à un marquis, Gaston de Presles, un gentilhomme ruiné? (parler de son ambition : M. Poirier, le M. Jourdain du règne de Louis- Philippe, espérait pouvoir devenir, grâce à l'influence politique de son gendre, baron et pair de France); Quelle résolution prend-il quand il voit que son gendre ne veut pas servir ses desseins? Son irritation est- elle justifiée? Quel intérêt présente cette scène? Qu'offre-t-elle de comique? (insister sur le caractère du cuisinier Vatel).

II. — L'analyse du morceau. — Distinguez les différentes parties de la scène : a) Le monologue de M. Poirier; b) M. Poirier et le portier; c) M. Poirier et le cuisinier; M. Poirier dit, en parlant de son gendre : Je vois bien qu'il n'y a rien à tirer de lui. Quel est le sens de ces paroles ? Quel ordre M. Poirier donne-t-il à son portier? Par quelles expressions ce dernier marque-t-il son étonnement ? M. Poirier ne paraît-il pas avoir plus de considération pour son cuisinier (Approchez, monsieur Vatel..., que pour son portier (Oui, François...) ? Parle-t-il toujours au cuisinier sur le même ton? Quel est le caractère du menu établi par Vatel ? M. Poirier ne prend-il pas un malin plaisir à remplacer par un simple menu bourgeois (la bonne soupe grasse..., le lapin sauté...) ce savant menu, aux termes recherchés? Ne rappelle-t-il pas ici Harpagon parlant à son cuisinier ? Le mobile qui fait agir chacun de ces deux personnages est-il le même Quel sentiment éprouve Vatel en entendant parler M. Poirier? Quel est son travers?

III. — Le style; — les expressions. — Quelles vous paraissent être les qualités propres du style, dans cette scène? (le mouvement, la verve, la sobriété...) faire ressortir chacune de ces qualités); 30 Indiquez quelques images familières (J'ai assez fait le gros dos et la patte de velours...) — quelques expressions spirituelles, Que veut dire M. Poirier par ces mots : Monsieur le marquis de Presles, on va vous couper vos talons rouges ?

IV. — La grammaire. — Quels sont les mots de la même famille que menu? Indiquez la composition des mots : gentilhommerie, affront) Conjuguez le verbe mourir au passé simple et au présent du subjonctif; Nature et fonction de chacun des mots suivants : Il faut que cela finisse.  

Rédaction. — Pour quelle raison M. Poirier veut-il réformer sa maison ? — Faites connaître l'impression que vous laisse ce personnage.

augier

« POIRIER.

— Je le veux.

Continuez.VATEL.

— Relevé : la carpe du Rhin à la Lithuanienne, les poulardes à la Godard...

le filet de bœuf braisé à laNapolitaine, le jambon de Westphalie, rôti madère....POIRIER.

— Voici un relevé plus simple et plus sain : la barbue sauce aux câpres...

le jambon de Bayonne auxépinards, le fricandeau à l'oseille, le lapin sauté.VATEL.

— Mais, monsieur Poirier...

je ne consentirai jamais....POIRIER.

— Je suis le maître ici...

entendez-vous? Continuez.VATEL.

— Entrées : les filets de volaille à la Concordat...

les croustades de truffes garnies de foie à la royale, lefaisan étoffé à la Montpensier, les perdreaux rouges farcis à la bohémienne.POIRIER.

— A la place de ces entrées, nous ne mettrons rien du tout, et nous passerons tout de suite au rôti, c'estl'essentiel.VATEL.

— C'est contre tous les préceptes de l'art.POIRIER.

— Je prends ça sur moi...

voyons vos rôtis.VATEL.

— C'est inutile, monsieur, mon aïeul s'est passé son épée au travers du corps pour un moindre affront, jevous donne ma démission.POIRIER.

— J'allais vous la demander, mon bon ami mais, comme on a huit jours pour remplacer un domestique....VATEL.

— Un domestique! monsieur, je suis un cuisinier.POIRIER.

— Je vous remplacerai par une cuisinière.

En attendant, vous êtes pour huit jours encore à mon service etvous voudrez bien exécuter le menu.VATEL.

— Je me brûlerais la cervelle plutôt que de manquer à mon nom.POIRIER, à part.

— Encore un qui tient à son nom ! (Haut.) Brûlez-vous la cervelle, monsieur Vatel, mais ne brûlezpas vos sauces....

Bien le bonjour.

(Vatel sort.) Et, maintenant, allons écrire quelques invitations à mes vieuxcamarades de la rue des Bourdonnais.

Monsieur le marquis de Presles, on va vous couper vos talons rouges !(Acte III, se.

iv, Calmann-Lévy, éditeur.) QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble.

— I/une des principales scènes du Gendre de M.

Poirier.

— Pourquoi M.

Poirier, ancien négociant engros, avait-il marié sa fille à un marquis, Gaston de Presles, un gentilhomme ruiné? (parler de son ambition : M.Poirier, le M.

Jourdain du règne de Louis- Philippe, espérait pouvoir devenir, grâce à l'influence politique de songendre, baron et pair de France); Quelle résolution prend-il quand il voit que son gendre ne veut pas servir sesdesseins? Son irritation est- elle justifiée? Quel intérêt présente cette scène? Qu'offre-t-elle de comique? (insistersur le caractère du cuisinier Vatel). II.

— L'analyse du morceau.

— Distinguez les différentes parties de la scène : a) Le monologue de M.

Poirier; b) M.Poirier et le portier; c) M.

Poirier et le cuisinier; M.

Poirier dit, en parlant de son gendre : Je vois bien qu'il n'y a rienà tirer de lui.

Quel est le sens de ces paroles ? Quel ordre M.

Poirier donne-t-il à son portier? Par quelles expressionsce dernier marque-t-il son étonnement ? M.

Poirier ne paraît-il pas avoir plus de considération pour son cuisinier(Approchez, monsieur Vatel..., que pour son portier (Oui, François...) ? Parle-t-il toujours au cuisinier sur le mêmeton? Quel est le caractère du menu établi par Vatel ? M.

Poirier ne prend-il pas un malin plaisir à remplacer par unsimple menu bourgeois (la bonne soupe grasse..., le lapin sauté...) ce savant menu, aux termes recherchés? Nerappelle-t-il pas ici Harpagon parlant à son cuisinier ? Le mobile qui fait agir chacun de ces deux personnages est-ille même Quel sentiment éprouve Vatel en entendant parler M.

Poirier? Quel est son travers? III.

— Le style; — les expressions.

— Quelles vous paraissent être les qualités propres du style, dans cette scène?(le mouvement, la verve, la sobriété...) faire ressortir chacune de ces qualités); 30 Indiquez quelques imagesfamilières (J'ai assez fait le gros dos et la patte de velours...) — quelques expressions spirituelles, Que veut dire M.Poirier par ces mots : Monsieur le marquis de Presles, on va vous couper vos talons rouges ? IV.

— La grammaire.

— Quels sont les mots de la même famille que menu? Indiquez la composition des mots :gentilhommerie, affront) Conjuguez le verbe mourir au passé simple et au présent du subjonctif; Nature et fonctionde chacun des mots suivants : Il faut que cela finisse.

Rédaction.

— Pour quelle raison M.

Poirier veut-il réformer sa maison ? — Faites connaître l'impression que vouslaisse ce personnage.. »

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