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entr'eux, sont toujours vivantes.

Publié le 15/12/2013

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entr'eux, sont toujours vivantes. La révolte les proclamait et s'engageait à les servir. Du même coup, elle définissait, contre le nihilisme, une règle de conduite qui n'a pas besoin d'attendre la fin de l'histoire pour clairer l'action et qui, pourtant, n'est pas formelle. Elle faisait, au contraire de la morale jacobine, la art de ce qui échappe à la règle et à la loi. Elle ouvrait les chemins d'une morale qui, loin d'obéir à des rincipes abstraits, ne les découvre qu'à la chaleur de l'insurrection, dans le mouvement incessant de la contestation. Rien n'autorise à dire que ces principes ont été éternellement, rien ne sert de déclarer u'ils seront. Mais ils sont, dans le temps même où nous sommes. Ils nient avec nous, et tout au long de l'histoire, la servitude, le mensonge et la terreur. Il n'y a rien de commun en effet entre un maître et un esclave, on ne peut parler et communiquer avec un être asservi. Au lieu de ce dialogue implicite et libre par lequel nous reconnaissons notre ressemblance et consacrons notre destinée, la servitude fait régner le plus terrible des silences. Si l'injustice est mauvaise pour le révolté, ce n'est pas en ce qu'elle contredit une idée éternelle de la justice, que nous ne avons où situer, mais en ce qu'elle perpétue la muette hostilité qui sépare l'oppresseur de l'opprimé. Elle ue le peu d'être qui peut venir au monde par la complicité des hommes entr'eux. De la même façon, uisque l'homme qui ment se ferme aux autres hommes, le mensonge se trouve proscrit et, à un degré plus as, le meurtre et la violence, qui imposent le silence définitif La complicité et la communication écouvertes par la révolte ne peuvent se vivre que dans le libre dialogue. Chaque équivoque, chaque alentendu suscite la mort ; le langage clair, le mot simple, peut seul sauver de cette mort  [104] . Le sommet de toutes les tragédies est dans la surdité des héros. Platon a raison contre Moïse et Nietzsche. Le dialogue à hauteur d'homme coûte moins cher que l'évangile des religions totalitaires, monologué et dicté du haut d'une montagne solitaire. À la scène comme à la ville, le monologue précède la mort. Tout révolté, par le seul mouvement qui le dresse face à l'oppresseur, plaide donc pour la vie, s'engage à lutter contre la servitude, le mensonge et la terreur et affirme, le temps d'un éclair, que ces trois fléaux font régner le silence entre les hommes, les obscurcissent les uns aux autres et les empêchent de se retrouver dans la seule valeur qui puisse les sauver du nihilisme, la longue complicité des hommes aux prises avec leur destin. Le temps d'un éclair. Mais cela suffit, provisoirement, pour dire que la liberté la plus extrême, celle de tuer, n'est pas compatible avec les raisons de la révolte. La révolte n'est nullement une revendication de liberté totale. Au contraire, la révolte fait le procès de la liberté totale. Elle conteste justement le pouvoir illimité qui autorise un supérieur à violer la frontière interdite. Loin de revendiquer une indépendance générale, le révolté veut qu'il soit reconnu que la liberté a ses limites partout où se trouve n être humain, la limite étant précisément le pouvoir de révolte de cet être. La raison profonde de 'intransigeance révoltée est ici. Plus la révolte a conscience de revendiquer une juste limite, plus elle est inflexible. Le révolté exige sans doute une certaine liberté pour lui-même ; mais en aucun cas, s'il est conséquent, le droit de détruire l'être et la liberté de l'autre. Il n'humilie personne. La liberté qu'il réclame, il la revendique pour tous ; celle qu'il refuse, il l'interdit à tous. Il n'est pas seulement esclave ontre maître, mais aussi homme contre le monde du maître et de l'esclave. Il y a donc, grâce à la révolte, quelque chose de plus dans l'histoire que le rapport maîtrise et servitude. La puissance illimitée n'y est pas la seule loi. C'est au nom d'une autre valeur que le révolté affirme l'impossibilité de la liberté totale en même temps qu'il réclame pour lui-même la relative liberté, nécessaire pour reconnaître cette impossibilité. Chaque liberté humaine, à sa racine la plus profonde, est ainsi relative. La liberté absolue, qui st celle de tuer, est la seule qui ne réclame pas en même temps qu'elle-même ce qui la limite et l'oblitère. lle se coupe alors de ses racines, elle erre à l'aventure, ombre abstraite et malfaisante, jusqu'à ce u'elle s'imagine trouver un corps dans l'idéologie. Il est donc possible de dire que la révolte, quand elle débouche sur la destruction, est illogique. éclamant l'unité de la condition humaine, elle est force de vie, non de mort. Sa logique profonde n'est pas elle de la destruction ; elle est celle de la création. Son mouvement, pour rester authentique, ne doit abandonner derrière lui aucun des termes de la contradiction qui le soutient. Il doit être fidèle au oui qu'il contient en même temps qu'à ce non que les interprétations nihilistes isolent dans la révolte. La logique du révolté est de vouloir servir la justice pour ne pas ajouter à l'injustice de la condition, de s'efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel et de parier, face à la douleur des hommes, pour le onheur. La passion nihiliste, ajoutant à l'injustice et au mensonge, détruit dans sa rage son exigence ancienne et s'enlève ainsi les raisons les plus claires de sa révolte. Elle tue, folle de sentir que ce monde est livré à la mort. La conséquence de la révolte, au contraire, est de refuser sa légitimation au meurtre puisque, dans son principe, elle est protestation contre la mort. Mais si l'homme était capable d'introduire à lui seul l'unité dans le monde, s'il pouvait y faire régner, par son seul décret, la sincérité, l'innocence et la justice, il serait Dieu lui-même. Aussi bien, s'il le pouvait, la révolte serait désormais sans raisons. S'il y a révolte, c'est que le mensonge, l'injustice et la violence font, en partie, la condition du révolté. Il ne peut donc prétendre absolument à ne point tuer ni mentir, sans renoncer à sa révolte, et accepter une fois pour toutes le meurtre et le mal. Mais il ne peut non plus accepter de tuer et mentir, puisque le mouvement inverse qui légitimerait meurtre et violence détruirait aussi les raisons de son insurrection. Le révolté ne peut donc trouver le repos. Il sait le bien et fait malgré lui le mal. La valeur qui le tient debout ne lui est jamais donnée une fois pour toutes, il doit la maintenir sans cesse. L'être qu'il obtient s'effondre si la révolte à nouveau ne le soutient. En tout cas, s'il ne peut pas toujours ne point tuer, directement ou indirectement, il peut mettre sa fièvre et sa passion à diminuer la chance du meurtre autour de lui. Sa seule vertu sera, plongé dans les ténèbres, de ne pas céder à leur vertige obscur ; enchaîné au mal, de se traîner obstinément vers le bien. S'il tue lui-même, enfin, il acceptera la mort. Fidèle à ses origines, le révolté démontre dans le sacrifice que sa vraie liberté n'est pas à l'égard du meurtre, mais à l'égard de sa propre mort. Il découvre en même temps l'honneur métaphysique. Kaliayev se place alors sous la potence et désigne visiblement, à tous ses frères, la limite exacte où commence et finit l'honneur des hommes.   Le meurtre historique.   La révolte se déploie aussi dans l'histoire qui demande non seulement des options exemplaires, mais encore des attitudes efficaces. Le meurtre rationnel risque de s'en trouver justifié. La contradiction révoltée se répercute alors dans des antinomies apparemment insolubles dont les deux modèles, en politique, sont d'une part l'opposition de la violence et de la non-violence, d'autre part celle de la justice et de la liberté. Essayons de les définir dans leur paradoxe. La valeur positive contenue dans le premier mouvement de révolte suppose le renoncement à la violence e principe. Elle entraîne, par conséquent, l'impossibilité de stabiliser une révolution. La révolte traîne ans cesse avec elle cette contradiction. Au niveau de l'histoire, elle se durcit encore. Si je renonce à aire respecter l'identité humaine, j'abdique devant celui qui opprime, je renonce à la révolte et retourne un consentement nihiliste. Le nihilisme alors se fait conservateur. Si j'exige que cette identité soit econnue pour être, je m'engage dans une action qui, pour réussir, suppose un cynisme de la violence, et nie ette identité et la révolte elle-même. En élargissant encore la contradiction, si l'unité du monde ne peut ui venir d'en haut, l'homme doit la construire à sa hauteur, dans l'histoire. L'histoire, sans valeur qui la transfigure, est régie par la loi de l'efficacité. Le matérialisme historique, le déterminisme, la violence, la négation de toute liberté qui n'aille pas dans le sens de l'efficacité, le monde du courage et du silence sont les conséquences les plus légitimes d'une pure philosophie de l'histoire. Seule, dans le monde d'aujourd'hui, une philosophie de l'éternité peut justifier la non-violence. À l'historicité absolue elle objectera la création de l'histoire, à la situation historique elle demandera son origine. Pour finir, consacrant alors l'injustice, elle remettra à Dieu le soin de la justice. Aussi bien, ses réponses, à leur tour, xigeront la foi. On lui objectera le mal, et le paradoxe d'un Dieu tout-puissant et malfaisant, ou ienfaisant et stérile. Le choix restera ouvert entre la grâce et l'histoire, Dieu ou l'épée. Quelle peut être alors l'attitude du révolté ? Il ne peut se détourner du monde et de l'histoire sans enier le principe même de sa révolte, choisir la vie éternelle sans se résigner, en un sens, au mal. Non hrétien, par exemple, il doit aller jusqu'au bout. biais jusqu'au bout signifie choisir l'histoire absolument t le meurtre de l'homme avec elle, si ce meurtre est nécessaire à l'histoire : accepter la légitimation du eurtre est encore renier ses origines. Si le révolté ne choisit pas, il choisit le silence et l'esclavage 'autrui. Si, dans un mouvement de désespoir, il déclare choisir à la fois contre Dieu et l'histoire, il est le émoin de la liberté pure, c'est-à-dire de rien. Au stade historique qui est le nôtre, dans l'impossibilité 'affirmer une raison supérieure qui ne trouve sa limite dans le mal, son apparent dilemme est le silence ou e meurtre. Dans les deux cas, une démission. Ainsi encore de la justice et de la liberté. Ces deux exigences sont déjà au principe du mouvement de évolte, et on les retrouve dans l'élan révolutionnaire. L'histoire des révolutions montre cependant u'elles entrent presque toujours en conflit comme si leurs exigences mutuelles se trouvaient nconciliables. La liberté absolue, c'est le droit pour le plus fort de dominer. Elle maintient donc les onflits qui profitent à l'injustice. La justice absolue passe par la suppression de toute contradiction : elle étruit la liberté  [105] . La révolution pour la justice, par la liberté, finit par les dresser l'une contre l'autre. Il y a ainsi dans chaque révolution, une fois liquidée la caste qui dominait jusque-là, une étape où elle suscite elle-même un ouvement de révolte qui indique ses limites et annonce ses chances d'échec. La révolution se propose, d'abord, de satisfaire l'esprit de révolte qui lui a donné naissance ; elle s'oblige à le nier, ensuite, pour mieux s'affirmer elle même. Il y a, semble-t-il, une opposition irréductible entre le mouvement de la révolte et les acquisitions de la révolution. Mais ces antinomies n'existent que dans l'absolu. Elles supposent un monde et une pensée sans édiations. Il n'y a pas, en effet, de conciliation possible entre un dieu totalement séparé de l'histoire et une histoire purgée de toute transcendance. Leurs représentants sur terre sont effectivement le yogi et e commissaire. Mais la différence entre ces deux types d'hommes n'est pas, comme on le dit, la ifférence entre la vaine pureté et l'efficacité. Le premier choisit seulement l'inefficacité de 'abstention et le second celle de la destruction. Parce que tous deux rejettent la valeur médiatrice que la révolte au contraire révèle, ils ne nous offrent, également éloignés du réel, que deux sortes d'impuissance, celle du bien et celle du mal. Si, en effet, ignorer l'histoire revient à nier le réel, c'est encore s'éloigner du réel que de considérer 'histoire comme un tout qui se suffit à lui-même. La révolution du XXe siècle croit éviter le nihilisme, être fidèle à la vraie révolte, en remplaçant Dieu par l'histoire. Elle fortifie le premier, en réalité, et trahit la seconde. L'histoire, dans son mouvement pur, ne fournit par elle-même aucune valeur. Il faut donc vivre selon l'efficacité immédiate, et se taire ou mentir. La violence systématique, ou silence imposé, le calcul ou mensonge concerté deviennent des règles inévitables. Une pensée purement historique est donc nihiliste : elle accepte totalement le mal de l'histoire et s'oppose en ceci à la révolte. Elle a beau affirmer en compensation la rationalité absolue de l'histoire, cette raison historique ne sera achevée, n'aura de sens omplet, ne sera raison absolue justement, et valeur, qu'à la fin de l'histoire. En attendant, il faut agir, et gir sans règle morale pour que la règle définitive vienne au jour. Le cynisme, comme attitude politique n'est logique qu'en fonction d'une pensée absolutiste, c'est-à-dire le nihilisme absolu d'une part, le rationalisme absolu de l'autre  [106] . Quant aux conséquences, il n'y a pas de différence entre les deux attitudes. Dès l'instant où elles sont acceptées, la terre est déserte. En réalité, l'absolu purement historique n'est même pas concevable. La pensée de Jaspers, par xemple, dans ce qu'elle a d'essentiel, souligne l'impossibilité pour l'homme de saisir la totalité, puisqu'il

« abandonner derrièreluiaucun destermes delacontradiction quilesoutient.

Ildoit être fidèle auoui qu'il contient enmême temps qu'àce non que lesinterprétations nihilistesisolentdanslarévolte.

Lalogique du révolté estdevouloir servirlajustice pournepas ajouter àl'injustice delacondition, des'efforcer au langage clairpour nepas épaissir lemensonge universeletde parier, faceàla douleur deshommes, pourle bonheur.

Lapassion nihiliste, ajoutantàl'injustice etau mensonge, détruitdanssarage sonexigence ancienne ets'enlève ainsilesraisons lesplus claires desarévolte.

Elletue, folle desentir quecemonde est livré àla mort.

Laconséquence delarévolte, aucontraire, estderefuser salégitimation aumeurtre puisque, danssonprincipe, elleestprotestation contrelamort. Mais sil'homme étaitcapable d'introduire àlui seul l'unité danslemonde, s'ilpouvait yfaire régner, par son seul décret, lasincérité, l'innocence etlajustice, ilserait Dieului-même.

Aussibien,s'ille pouvait, larévolte seraitdésormais sansraisons.

S'ilyarévolte, c'estquelemensonge, l'injusticeetla violence font,enpartie, lacondition durévolté.

Ilne peut donc prétendre absolument àne point tuerni mentir, sansrenoncer àsa révolte, etaccepter unefois pour toutes lemeurtre etlemal.

Mais ilne peut non plus accepter detuer etmentir, puisque lemouvement inversequilégitimerait meurtreetviolence détruirait aussilesraisons deson insurrection.

Lerévolté nepeut donc trouver lerepos.

Ilsait lebien et fait malgré luilemal.

Lavaleur quiletient debout nelui est jamais donnée unefois pour toutes, ildoit la maintenir sanscesse.

L'être qu'ilobtient s'effondre sila révolte ànouveau nelesoutient.

Entout cas,s'il ne peut pastoujours nepoint tuer,directement ouindirectement, ilpeut mettre safièvre etsapassion à diminuer lachance dumeurtre autourdelui.

Saseule vertu sera,plongé danslesténèbres, denepas céder àleur vertige obscur ; enchaîné aumal, desetraîner obstinément verslebien.

S'iltuelui-même, enfin, ilacceptera lamort.

Fidèle àses origines, lerévolté démontre danslesacrifice quesavraie liberté n'est pasàl'égard dumeurtre, maisàl'égard desapropre mort.Ildécouvre enmême temps l'honneur métaphysique.

Kaliayevseplace alorssouslapotence etdésigne visiblement, àtous sesfrères, lalimite exacte oùcommence etfinit l'honneur deshommes.   Le meurtre historique.   La révolte sedéploie aussidansl'histoire quidemande nonseulement desoptions exemplaires, mais encore desattitudes efficaces.

Lemeurtre rationnel risquedes'en trouver justifié.

Lacontradiction révoltée serépercute alorsdansdesantinomies apparemment insolublesdontlesdeux modèles, en politique, sontd'une partl'opposition delaviolence etde lanon-violence, d'autrepartcelle delajustice et de laliberté.

Essayons deles définir dansleurparadoxe. La valeur positive contenue danslepremier mouvement derévolte suppose lerenoncement àla violence de principe.

Elleentraîne, parconséquent, l'impossibilité destabiliser unerévolution.

Larévolte traîne sans cesse avecellecette contradiction.

Auniveau del'histoire, ellesedurcit encore.

Sijerenonce à faire respecter l'identitéhumaine,j'abdique devantceluiquiopprime, jerenonce àla révolte etretourne à un consentement nihiliste.Lenihilisme alorssefait conservateur.

Sij'exige quecette identité soit reconnue pourêtre, jem'engage dansuneaction qui,pour réussir, suppose uncynisme delaviolence, etnie cette identité etlarévolte elle-même.

Enélargissant encorelacontradiction, sil'unité dumonde nepeut lui venir d'enhaut, l'homme doitlaconstruire àsa hauteur, dansl'histoire.

L'histoire, sansvaleur quila transfigure, estrégie parlaloi de l'efficacité.

Lematérialisme historique,ledéterminisme, laviolence, la négation detoute liberté quin'aille pasdans lesens del'efficacité, lemonde ducourage etdu silence sont lesconséquences lesplus légitimes d'unepurephilosophie del'histoire.

Seule,danslemonde d'aujourd'hui, unephilosophie del'éternité peutjustifier lanon-violence.

Àl'historicité absolueelle objectera lacréation del'histoire, àla situation historique elledemandera sonorigine.

Pourfinir, consacrant alorsl'injustice, elleremettra àDieu lesoin delajustice.

Aussibien,sesréponses, àleur tour, exigeront lafoi.

Onluiobjectera lemal, etleparadoxe d'unDieu tout-puissant etmalfaisant, ou bienfaisant etstérile.

Lechoix restera ouvertentrelagrâce etl'histoire, Dieuoul'épée.. »

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