Devoir de Philosophie

est plus naturel aux hommes de favoriser tout ce qui commence.

Publié le 01/10/2013

Extrait du document

est plus naturel aux hommes de favoriser tout ce qui commence. Ces faveurs s'attachent surtout à tout ce qui paraît être l'oeuvre de la virtù et de la jeunesse. Qu'on voie dans une république un jeune noble se distinguer par une virtù hors du commun, tous ses concitoyens ont les yeux tournés vers lui, et ils concourent souvent à lui accorder sans mesure des honneurs et des préférences. Pour peu que ce jeune homme ait de l'ambition, réunissant ainsi les faveurs de la nature et celles de ses concitoyens, il parvient à un tel degré d'élévation, que lorsque ceuxci s'aperçoivent de leur aveuglement ils ont peu de moyens pour réparer le mal ; et, lorsqu'ils veulent employer ceux qui sont en leur pouvoir, ils ne font qu'accélérer ses progrès. On pourrait citer mille exemples à l'appui de cette vérité. Je n'en prendrai qu'un, et cela dans notre propre ville. Cosme de Médicis, qui jeta les fondements de la grandeur de cette maison à Florence, parvint à un tel degré de réputation grâce à la faveur que lui valurent sa rare sagesse et l'inconscience de ses concitoyens, qu'il devint redoutable à l'État lui-même ; en sorte que les autres citoyens croyaient dangereux de l'offenser, et plus dangereux encore de le laisser faire. A cette époque vivait Nicolas d'Uzzano, qui passait pour un homme d'Etat consommé. Il avait fait une première faute en ne prévoyant pas les dangers qui pouvaient naître de la puissance de Cosme, mais il ne souffrit pas, tant qu'il vécut, qu'on en commît une seconde, en essayant de le tuer. Il jugea qu'une pareille tentative amènerait la ruine de la liberté, comme l'événement le prouva bientôt après sa mort. Ceux qui lui survécurent, ne suivant pas ses conseils, se fortifièrent contre Cosme, et le chassèrent de Florence ; d'où il arriva que ses partisans, irrités de cette injure, le rappelèrent bientôt après, et le rendirent maître de la république 17. Il ne fût jamais parvenu à ce degré de puissance sans la guerre ouverte qu'on lui déclara. Même faute fut commise à Rome vis-à-vis de César ; ses rares qualités lui avaient valu la faveur de Pompée et des autres citoyens ; mais cette faveur se changea ensuite en crainte. C'est ce que témoigne Cicéron lorsqu'il dit que Pompée commença trop tard à craindre César 18 : cette crainte fit qu'on chercha les moyens de s'en défendre, et ceux qu'on adopta ne servirent qu'à accélérer la ruine de la république. Je dis donc, puisqu'il est difficile de reconnaître ce mal à son origine, en raison même de l'attrait qu'exerce sur nous toute chose naissante, qu'il vaut mieux temporiser, lorsqu'on le reconnaît, que de l'attaquer de front. En prenant le parti de temporiser, ou le mal se consume de lui-même, ou du moins il n'éclate que beaucoup plus tard. Les magistrats qui veulent le détruire ou s'opposer à sa violence doivent surtout veiller et prendre garde à ne pas le fortifier en voulant l'affaiblir, à ne pas créer la tyrannie à vouloir l'écarter, et à ne pas étouffer une plante à force de l'arroser. Ils doivent examiner la force du mal, et, s'ils se croient en état de le guérir, l'attaquer sans considération aucune, autrement, le laisser tranquille et se garder de l'effleurer. Il arriverait toujours, en pareil cas, ce que nous avons dit être arrivé aux voisins des Romains. Au degré de puissance où Rome était parvenue, il eût été plus utile de chercher à l'amadouer, à la retenir dans de certaines limites par des mesures pacifiques que de la forcer à trouver en elle-même des moyens de défense et d'attaque pour faire la guerre et s'agrandir. La ligue de tous ces peuples ne servit qu'à la forcer à plus d'union, à lui faire imaginer de nouveaux moyens avec lesquels sa puissance pût s'accroître plus promptement. Telle fut la création du dictateur, arme utile, qui lui servit, non seulement à surmonter tant de périls imminents, mais encore à écarter tant de maux dans lesquels elle se serait précipitée. E...] )(XXVII DES DÉSORDRES CAUSÉS À ROME PAR LA LOI AGRAIRE ; QU'IL EST TRÈS DANGEREUX DANS UNE RÉPUBLIQUE DE FAIRE UNE LOI QUI AIT UN EFFET RÉTROACTIF ET QUI DÉTRUISE UNE ANCIENNE COUTUME DE L'ÉTAT Les Anciens ont dit que les hommes s'affligeaient du mal et se lassaient du bien, et que ces deux contraires amenaient les mêmes résultats. En effet, toutes les fois que les hommes sont privés de combattre par nécessité, ils combattent par ambition. Cette passion est si puissante qu'elle ne les abandonne jamais, à quelque rang qu'ils soient élevés. La raison, la voici : la nature a créé l'homme tel qu'il peut désirer tout sans pouvoir tout obtenir ; ainsi le désir étant toujours supérieur à la faculté d'acquérir, il obtient le mécontentement de celui qu'il dépossède pour n'avoir lui-même que petit contentement de sa conquête. De là naît la diversité de la fortune humaine. Partagés entre la cupidité de conquérir davantage et la peur de perdre leur conquête, les citoyens passent des inimitiés aux guerres, et des guerres il s'ensuit la ruine de leur pays et le triomphe d'un autre. Voici pourquoi j'ai fait ces réflexions : le peuple romain ne se contenta pas de se garantir contre les nobles par la création du tribunal qui lui fut dictée par la nécessité, mais, aussitôt après, il se mit à les combattre par cupidité ; il voulut partager avec eux les honneurs et les richesses, suprême ambition des hommes. De là ce délire qui fit naître les disputes sur la loi agraire, et qui enfin amena la ruine de la république.

« trop tard à craindre César 18 : cette crainte fit qu'on chercha les moyens de s'en défendre, et ceux qu'on adopta ne servirent qu'à accélérer la ruine de la république.

Je dis donc, puisqu'il est difficile de reconnaître ce mal à son origine, en raison même de l'attrait qu'exerce sur nous toute chose naissante, qu'il vaut mieux temporiser, lorsqu'on le recon- naît, que de l'attaquer de front.

En prenant le parti de tempori- ser, ou le mal se consume de lui-même, ou du moins il n'éclate que beaucoup plus tard.

Les magistrats qui veulent le détruire ou s'opposer à sa violence doivent surtout veiller et prendre garde à ne pas le fortifier en voulant l'affaiblir, à ne pas créer la tyrannie à vouloir l'écarter, et à ne pas étouffer une plante à force de l'arroser.

Ils doivent examiner la force du mal, et, s'ils se croient en état de le guérir, l'attaquer sans considération aucune, autrement, le laisser tranquille et se garder de l'effleurer.

Il arriverait toujours, en pareil cas, ce que nous avons dit être arrivé aux voisins des Romains.

Au degré de puissance où Rome était parvenue, il eût été plus utile de chercher à l'amadouer, à la retenir dans de certaines limites par des mesures pacifiques que de la forcer à trouver en elle-même des moyens de défense et d'attaque pour faire la guerre et s'agrandir.

La ligue de tous ces peuples ne servit qu'à la forcer à plus d'union, à lui faire i maginer de nouveaux moyens avec lesquels sa puissance pût s'accroître plus promptement.

Telle fut la création du dictateur, arme utile, qui lui servit, non seulement à surmonter tant de périls imminents, mais encore à écarter tant de maux dans les- quels elle se serait précipitée.

E...]. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles