-- Et à quoi cela t'avançait-il ?
Publié le 31/10/2013
Extrait du document
«
CHAPITRE
VIC’était
enfinarrivé.
Lemessage attenduétaitvenu.
Ilsemblait àWinston qu’ilavait toute savie attendu ce
moment.
Illongeait lecouloir duministère etilétait presque àl’endroit oùJulia luiavait glissé lemot dans lamain,
quand ils’aperçut quequelqu’un pluscorpulent queluimarchait justederrière lui.Lapersonne, qu’il
n’identifiait pasencore, fitentendre unepetite toux,prélude évidentdecequ’elle allaitdire.Winston s’arrêta
brusquement etse retourna.
C’étaitO’Brien.
Ils étaient enfinfaceàface etilsemblait àWinston quesonseul désir étaitdes’enfuir.
Soncœur battait àse
rompre.
Ilaurait étéincapable deparler.
O’Brien, cependant, continuaitàmarcher dumême pas,samain un
moment poséesurlebras deWinston d’ungeste amical, desorte quetous deux marchèrent côteàcôte.
Ilse mit
à parler aveclacourtoisie graveetparticulière quiledifférenciait delaplupart desmembres duParti intérieur.
— J’attendais uneoccasion devous parler, dit-il.J’ailul’autre jourundevos articles novlangue dansle
Times .
Vous vousintéressez enérudit aunovlangue, jecrois ?
Winston avaitrecouvré unepartie deson sang-froid.
— Érudit ? Oh !Àpeine, dit-il.Jene suis qu’un amateur.
Cen’est pasmapartie.
Jen’ai jamais rieneuàfaire
avec l’actuelle construction dulangage.
— Mais vousécrivez trèsélégamment, ditO’Brien.
Jene suis passeul àle penser.
Jeparlais récemment àun
de vos amis quiestunexpert.
Sonnom m’échappe pourl’instant.
Le cœur deWinston battitdenouveau douloureusement.
Ilétait inconcevable quecette phrase nese
rapportât pointàSyme.
MaisSyme n’était passeulement mort,ilétait aboli, ilétait un nonêtre .
Toute évidente
référence àlui était mortellement dangereuse.Laremarque d’O’Briendevaitcertainement êtrecomprise comme
un signal, unmot decode.
Enpartageant avecWinston unpetit crime parlapensée, ilavait faitdetous deux des
complices.
Ilsavaient continué àmarcher lentement danslecorridor, maisO’Brien s’arrêta.
Aveccette curieuse,
désarmante amitiéqu’ils’arrangeait pourmettre danssongeste, iléquilibra seslunettes surson nez.
Puis il
poursuivit : — Ce quejevoulais surtout vousdire,c’estque,dans votre article, vousavezemployé deuxmots quisont
périmés.
Maisilsne lesont quedepuis peu.Avez-vous vuladixième éditiondudictionnaire novlangue ?
— Non, répondit Winston.
Jene pensais pasqu’elle eûtdéjà paru.
Nousnousservons encore,au
Département desArchives, delaneuvième édition.
— La dixième éditionneparaîtra pasavant quelques mois,jecrois.
Maisquelques exemplaires ontdéjà été
mis encirculation.
J’enaimoi-même un.Peut-être vousintéresserait-il delevoir ?
— Très certainement, réponditWinstonquicomprit immédiatement àquoi tendait O’Brien.
— Quelques-unes desnouvelles trouvailles sonttrèsingénieuses.
Laréduction dunombre deverbes.
C’est
cette partie quivous plaira, jepense.
Voyons, vousl’enverrai-je parunmessager ? Maisj’oublie invariablement,
je crois, toutes leschoses decegenre.
Peut-être pourriez-vous passeràmon appartement ? Quandcelavous
conviendra.
Attendez.Laissez-moi vousdonner monadresse.
Ils étaient debout devantuntélécran.
D’ungeste désinvolte, O’Brienfouillasespoches eten sortit unpetit
carnet couvert decuir etun crayon àencre enor.
Immédiatement sousletélécran, dansuneposture telleque
n’importe qui,àl’autre boutdel’instrument, pouvaitlirecequ’il écrivait, ilgriffonna uneadresse, déchirala
page etlatendit àWinston.
— Je suisd’habitude chezmoidans lasoirée, dit-il.Sijen’y étais pas,mon domestique vousremettrait le
dictionnaire.
Ilpartit, laissant Winston aveclebout depapier entrelesmains.
Iln’était pasbesoin, cettefois,delecacher.
Néanmoins, Winstonétudiasoigneusement cequi yétait écrit et,quelques heuresplustard, lejeta, avec untas
d’autres papiers,dansletrou demémoire.
Ils nes’étaient parléquependant deuxminutes auplus.
L’épisode nepouvait avoirqu’une signification.
Il
n’avait étémachiné quepour faireconnaître àWinston l’adresse d’O’Brien.
C’étaitnécessaire, cariln’était
jamais possible, sion nelelui demandait directement, dedécouvrir oùvivait quelqu’un.
Iln’y avait, encette
matière, defild’Ariane d’aucune sorte.
— Si jamais vousvouliez mevoir, c’estlàque vous metrouveriez.
Voilà ceque luiavait ditO’Brien.
Peut-être mêmeyaurait-il unmessage cachéquelque partdans le
dictionnaire.
Mais,entout cas,unechose étaitcertaine.
Laconspiration dontilavait rêvéexistait etilen avait
atteint lapointe extérieure.
Il savait quetôtoutard ilobéirait auxordres d’O’Brien.
Peut-êtreserait-celelendemain, peut-êtreserait-ce
après unlong délai, ill’ignorait.
Cequi arrivait n’étaitquelerésultat d’unprocessus quiavait commencé depuis.
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