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Gabriel Vous en doutez?

Publié le 11/04/2014

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Gabriel Vous en doutez? LE PRÉCEPTEUR. Hélas! je vous rencontre en masque, courant le carnaval, comme si vous pouviez prendre quelque amusement... ASTOLPHE. Vous autres instituteurs d'enfants, vous commencez toujours par le blâme avant de réfléchir. Ne vous serait-il pas plus naturel de penser que j'ai pris un masque et que je cours toute la ville pour chercher plus à l'aise sans qu'on se défie de moi? Le carnaval fut toujours une circonstance favorable aux amants, aux jaloux et aux voleurs. LE PRÉCEPTEUR. Ouvrez-moi votre âme tout entière, seigneur Astolphe; Gabrielle vous est-elle aussi chère que dans les premiers temps de votre union? ASTOLPHE. Mon Dieu! qu'ai-je donc fait pour qu'on en doute? Vous voulez donc ajouter à mes chagrins? LE PRÉCEPTEUR. Dieu m'en préserve! mais il m'a semblé, dans nos fréquents entretiens, qu'il se mêlait à votre affection pour elle des pensées d'une autre nature. ASTOLPHE. Lesquelles, selon vous? LE PRÉCEPTEUR. Ne vous irritez pas contre moi: je suis résolu à tout faire pour vous, vous le savez; mais je ne puis vous prêter mon ministère ecclésiastique et légal sans être bien certain que Gabrielle n'aura point à s'en repentir. Vous voulez engager votre cousine à contracter avec vous, en secret, un mariage légitime: c'est une résolution que, dans mes idées religieuses, je ne puis qu'approuver; mais, comme je dois songer à tout et envisager les choses sous leurs divers aspects, je m'étonne un peu que, ne croyant pas à la sainteté de l'église catholique, vous ayez songé à provoquer cet engagement, auquel Gabrielle, dites-vous, n'a jamais songé, et auquel vous me chargez de la faire consentir. ASTOLPHE. Vous savez que je suis sincère, monsieur l'abbé Chiavari; je ne puis vous cacher la vérité, puisque vous me la demandez. Je suis horriblement jaloux. J'ai été injuste, emporté, j'ai fait souffrir Gabrielle, et vous avez reçu ma confession entière à cet égard. Elle m'a quitté pour me punir d'un soupçon outrageant. Elle m'a pardonné pourtant, et elle m'aime toujours, puisqu'elle a employé mystérieusement plusieurs moyens ingénieux pour me conserver l'espoir et la confiance. Ce billet que j'ai reçu encore la semaine dernière, et qui ne contenait que ce mot: «Espère!» était bien de sa main, l'encre était encore fraîche. Gabrielle est donc ici! Oh! oui, j'espère! je la retrouverai bientôt, et je lui ferai oublier tous mes torts. Mais l'homme est faible, vous le savez; je pourrai SCÈNE III. 89 Gabriel avoir de nouveaux torts par la suite, et je ne veux pas que Gabrielle puisse me quitter si aisément. Ces épreuves sont trop cruelles, et je sens qu'un peu d'autorité, légitimée par un serment solennel de sa part, me mettrait à l'abri de ses réactions d'indépendance et de fierté. LE PRÉCEPTEUR. Ainsi, vous voulez être le maître? Si j'avais un conseil à vous donner, je vous dissuaderais. Je connais Gabriel: on a voulu que j'en fisse un homme; je n'ai que trop bien réussi. Jamais il ne souffrira un maître; et ce que vous n'obtiendrez pas par la persuasion, vous ne l'obtiendrez jamais. Il était temps que mon préceptorat finit. Croyez-moi, n'essayez pas de le ressusciter, et surtout ne vous en chargez pas. Gabriel fuirait encore ce qu'il a déjà fait avec vous et avec moi; il ne vous ôterait ni son affection ni son estime, mais il partirait un beau matin, comme un aigle brise la cage à moineaux où on l'a enfermé. ASTOLPHE. Quoique Gabrielle ne soit guère plus dévote que moi, un serment serait pour elle un lien invincible. LE PRÉCEPTEUR. Il ne vous en a donc jamais fait aucun? ASTOLPHE. Elle m'a juré fidélité à la face du ciel. LE PRÉCEPTEUR. S'il a fait ce serment, il l'a tenu, et il le tiendra toujours. ASTOLPHE. Mais elle ne m'a pas juré obéissance. LE PRÉCEPTEUR. S'il ne l'a pas voulu, il ne le voudra pas, il ne le voudra jamais. ASTOLPHE. Il le faudra bien pourtant; je l'y contraindrai. LE PRÉCEPTEUR. Je ne le crois pas. [Illustration: Elle jette la bourse au mendiant... (Page 39.)] ASTOLPHE. Vous oubliez que j'en ai tous les moyens. Son secret est en ma puissance. SCÈNE III. 90

« avoir de nouveaux torts par la suite, et je ne veux pas que Gabrielle puisse me quitter si aisément.

Ces épreuves sont trop cruelles, et je sens qu'un peu d'autorité, légitimée par un serment solennel de sa part, me mettrait à l'abri de ses réactions d'indépendance et de fierté. LE PRÉCEPTEUR. Ainsi, vous voulez être le maître? Si j'avais un conseil à vous donner, je vous dissuaderais.

Je connais Gabriel: on a voulu que j'en fisse un homme; je n'ai que trop bien réussi.

Jamais il ne souffrira un maître; et ce que vous n'obtiendrez pas par la persuasion, vous ne l'obtiendrez jamais.

Il était temps que mon préceptorat finit. Croyez-moi, n'essayez pas de le ressusciter, et surtout ne vous en chargez pas.

Gabriel fuirait encore ce qu'il a déjà fait avec vous et avec moi; il ne vous ôterait ni son affection ni son estime, mais il partirait un beau matin, comme un aigle brise la cage à moineaux où on l'a enfermé. ASTOLPHE. Quoique Gabrielle ne soit guère plus dévote que moi, un serment serait pour elle un lien invincible. LE PRÉCEPTEUR. Il ne vous en a donc jamais fait aucun? ASTOLPHE. Elle m'a juré fidélité à la face du ciel. LE PRÉCEPTEUR. S'il a fait ce serment, il l'a tenu, et il le tiendra toujours. ASTOLPHE. Mais elle ne m'a pas juré obéissance. LE PRÉCEPTEUR. S'il ne l'a pas voulu, il ne le voudra pas, il ne le voudra jamais. ASTOLPHE. Il le faudra bien pourtant; je l'y contraindrai. LE PRÉCEPTEUR. Je ne le crois pas. [Illustration: Elle jette la bourse au mendiant...

(Page 39.)] ASTOLPHE. Vous oubliez que j'en ai tous les moyens.

Son secret est en ma puissance.

Gabriel SCÈNE III.

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