Devoir de Philosophie

Han d'Islande --Et si votre courtoisie n'aime pas la chère de saint Usulph, [Footnote: Patron des pêcheurs.

Publié le 12/04/2014

Extrait du document

Han d'Islande --Et si votre courtoisie n'aime pas la chère de saint Usulph, [Footnote: Patron des pêcheurs.] reprit l'homme, qu'elle veuille bien prendre patience un moment, je lui réponds qu'elle mangera un quartier de chevreuil merveilleux ou au moins une aile de faisan royal. Nous attendons le retour du plus fin chasseur qui soit dans les trois provinces. N'est-il pas vrai, ma bonne Maase? Maase, nom que le pêcheur donnait à sa femme, est un mot norvégien qui signifie mouette. La femme n'en parut nullement choquée, soit que ce fût son nom véritable, soit que ce fût un surnom de tendresse. --Le meilleur chasseur! je le crois, certes, répondit-elle avec emphase. C'est mon frère, le fameux Kennybol! Dieu bénisse ses courses! Il est venu passer quelques jours avec nous, et vous pourrez, seigneur étranger, boire dans la même tasse que lui quelques coups de cette bonne bière. C'est un voyageur comme vous. --Grand merci, ma brave hôtesse, dit Ordener en souriant; mais je serai forcé de me contenter de votre appétissant stock-fish et d'un morceau de ce rindebrod. Je n'aurai pas le loisir d'attendre votre frère, le fameux chasseur. Il faut que je reparte sur-le-champ. La bonne Maase, à la fois contrariée du prompt départ de l'étranger et flattée des éloges qu'il donnait à son stock-fish et à son frère, s'écria: --Vous êtes bien bon, seigneur. Mais comment! vous allez nous quitter si tôt? --Il le faut. --Vous hasarder clans ces montagnes à cette heure et par un temps semblable? --C'est pour une affaire importante. Ces réponses du jeune homme piquaient la curiosité native de ses hôtes autant qu'elles excitaient leur étonnement. Le pêcheur se leva et dit: --Vous êtes chez Christophe Buldus Braall, pêcheur, du hameau de Surb. La femme ajouta: --Maase Kennybol est sa femme et sa servante. Quand les paysans norvégiens voulaient demander poliment son nom à un étranger, leur usage était de lui dire le leur. Ordener répondit: --Et moi, je suis un voyageur qui n'est sûr ni du nom qu'il porte, ni du chemin qu'il suit. Cette réponse singulière ne parut pas satisfaire le pêcheur Braall. --Par la couronne de Gormon le Vieux, dit-il, je croyais qu'il n'y avait en ce moment en Norvège qu'un seul homme qui ne fût pas sûr de son nom. C'est le noble baron de Thorvick, qui va s'appeler maintenant, assure-t-on, le comte de Danneskiold, à cause de son glorieux mariage avec la fille du chancelier. C'est du moins, ma bonne Maase, la plus fraîche nouvelle que j'aie apportée de Drontheim.--Je vous félicite, seigneur étranger, de cette conformité avec le fils du vice-roi, le grand comte Guldenlew. XXVIII 142 Han d'Islande --Puisque votre courtoisie, ajouta la femme avec un visage enflammé de curiosité, paraît ne pouvoir rien nous dire de ce qui lui touche, ne pourrait-elle pas nous apprendre quelque chose de ce qui se passe en ce moment; par exemple, de ce fameux mariage dont mon seigneur et mari a recueilli la nouvelle? --Oui, reprit celui-ci d'un air important, c'est ce qu'il y a de plus nouveau. Avant un mois, le fils du vice-roi épouse la fille du grand-chancelier. --J'en doute, dit Ordener. --Vous en doutez, seigneur! Je puis vous affirmer, moi, que la chose est sûre. Je la tiens de bonne source. Celui qui m'en a fait part l'a appris du seigneur Poël, le domestique favori du noble baron de Thorvick, c'est-à-dire du noble comte de Danneskiold. Est-ce qu'un orage aurait troublé l'eau, depuis six jours? Cette grande union serait-elle rompue? --Je le crois, répondit le jeune homme en souriant. --S'il en est ainsi, seigneur, j'avais tort. Il ne faut pas allumer le feu pour frire le poisson avant que le filet ne se soit refermé sur lui. Mais cette rupture est-elle certaine? de qui en tenez-vous la nouvelle? --De personne, dit Ordener. C'est moi qui arrange cela ainsi dans ma tête. À ces mots naïfs, le pêcheur ne put s'empêcher de déroger à la courtoisie norvégienne par un long éclat de rire. --Mille pardons, seigneur. Mais il est aisé de voir que vous êtes en effet un voyageur, et sans doute un étranger. Vous imaginez-vous donc que les événements suivront vos caprices, et que le temps se rembrunira ou s'éclaircira selon votre volonté? Ici, le pêcheur, versé dans les affaires nationales, comme tous les pasyans norvégiens, se mit à expliquer à Ordener pour quelles raisons ce mariage ne pouvait manquer; il était nécessaire aux intérêts de la famille d'Ahlefeld; le vice-roi ne pouvait le refuser au roi, qui le désirait; on affirmait en outre qu'une passion véritable unissait les deux futurs époux. En un mot, le pêcheur Braall ne doutait pas que cette alliance n'eût lieu; il eût voulu être aussi sûr de tuer, le lendemain, le maudit chien de mer qui infestait l'étang de Master-Bick. Ordener se sentait peu disposé à soutenir une conversation politique avec un aussi rude homme d'état, quand la survenue d'un nouveau personnage vint le tirer d'embarras. --C'est lui, c'est mon frère! s'écria la vieille Maase. Et il ne fallait rien moins que l'arrivée d'un frère pour l'arracher de l'admiration contemplative avec laquelle elle écoutait les longues paroles de son mari. Celui-ci, pendant que les deux enfants se jetaient bruyamment au cou de leur oncle, lui tendit la main gravement. --Sois le bienvenu, mon frère. Puis, se tournant vers Ordener: --Seigneur, c'est notre frère, le renommé chasseur Kennybol, des montagnes de Kole. XXVIII 143

« —Puisque votre courtoisie, ajouta la femme avec un visage enflammé de curiosité, paraît ne pouvoir rien nous dire de ce qui lui touche, ne pourrait-elle pas nous apprendre quelque chose de ce qui se passe en ce moment; par exemple, de ce fameux mariage dont mon seigneur et mari a recueilli la nouvelle? —Oui, reprit celui-ci d'un air important, c'est ce qu'il y a de plus nouveau.

Avant un mois, le fils du vice-roi épouse la fille du grand-chancelier. —J'en doute, dit Ordener. —Vous en doutez, seigneur! Je puis vous affirmer, moi, que la chose est sûre.

Je la tiens de bonne source. Celui qui m'en a fait part l'a appris du seigneur Poël, le domestique favori du noble baron de Thorvick, c'est-à-dire du noble comte de Danneskiold.

Est-ce qu'un orage aurait troublé l'eau, depuis six jours? Cette grande union serait-elle rompue? —Je le crois, répondit le jeune homme en souriant. —S'il en est ainsi, seigneur, j'avais tort.

Il ne faut pas allumer le feu pour frire le poisson avant que le filet ne se soit refermé sur lui.

Mais cette rupture est-elle certaine? de qui en tenez-vous la nouvelle? —De personne, dit Ordener.

C'est moi qui arrange cela ainsi dans ma tête. À ces mots naïfs, le pêcheur ne put s'empêcher de déroger à la courtoisie norvégienne par un long éclat de rire. —Mille pardons, seigneur.

Mais il est aisé de voir que vous êtes en effet un voyageur, et sans doute un étranger.

Vous imaginez-vous donc que les événements suivront vos caprices, et que le temps se rembrunira ou s'éclaircira selon votre volonté? Ici, le pêcheur, versé dans les affaires nationales, comme tous les pasyans norvégiens, se mit à expliquer à Ordener pour quelles raisons ce mariage ne pouvait manquer; il était nécessaire aux intérêts de la famille d'Ahlefeld; le vice-roi ne pouvait le refuser au roi, qui le désirait; on affirmait en outre qu'une passion véritable unissait les deux futurs époux.

En un mot, le pêcheur Braall ne doutait pas que cette alliance n'eût lieu; il eût voulu être aussi sûr de tuer, le lendemain, le maudit chien de mer qui infestait l'étang de Master-Bick. Ordener se sentait peu disposé à soutenir une conversation politique avec un aussi rude homme d'état, quand la survenue d'un nouveau personnage vint le tirer d'embarras. —C'est lui, c'est mon frère! s'écria la vieille Maase. Et il ne fallait rien moins que l'arrivée d'un frère pour l'arracher de l'admiration contemplative avec laquelle elle écoutait les longues paroles de son mari. Celui-ci, pendant que les deux enfants se jetaient bruyamment au cou de leur oncle, lui tendit la main gravement. —Sois le bienvenu, mon frère. Puis, se tournant vers Ordener: —Seigneur, c'est notre frère, le renommé chasseur Kennybol, des montagnes de Kole.

Han d'Islande XXVIII 143. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles