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Hubert Beuve-mery (fondateur du journal Le Monde)

Publié le 31/03/2011

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Problèmes économiques et financiers de l'information.    A moins qu'elle ne soit entre les mains de l'État, toute entreprise d'information est soumise aux lois habituelles du commerce. En bonne théorie, tout article mis en vente devrait être, comme on disait autrefois, « loyal et marchand «. A plus forte raison quand se trouvent en jeu des valeurs politiques, sociales, religieuses, artistiques ou autres, qui, elles, ne relèvent pas du commerce. D'où une tension, voire un conflit toujours possibles entre l'intérêt commercial proprement dit et le respect dû à ces valeurs. Tension ou conflit d'autant plus aigus que le financement est plus difficile. Partout les journaux sont vendus à des tarifs très inférieurs au simple prix de revient. A quoi il convient d'ajouter que les imprimeurs de presse sont généralement organisés en corporations assez puissantes pour déterminer elles-mêmes le montant des salaires, fixer les normes de production, poser des conditions draconiennes à l'emploi de matériels nouveaux à très haut rendement. Souvent, enfin, le coût de la distribution atteint un pourcentage plus ou moins prohibitif. D'où peut donc provenir le complément de ressources indispensables? S'il s'agit de dons réputés gratuits, il y a tout lieu de craindre que la pureté de l'information n'ait à en souffrir. Le seul concours avouable est dès lors celui de la publicité, plus indispensable encore aux entreprises de radio et de télévision, dont elle peut être l'unique source de revenus. Déjà apparaissent un peu partout des journaux distribués gratuitement qui, eux aussi, n'entendent être financés que par la publicité.    La publicité est une ressource saine dans la mesure où elle est aussi une information vraie et que l'annonceur paie le service rendu par le « support « selon un barème établi à l'avance par catégories d'annonces. Il en est ainsi normalement pour les petites annonces, les articles de magasins et même la publicité dite de notoriété qui tend à mieux faire connaître une firme dont les produits ne sont cependant pas de consommation courante. Les abus peuvent être nombreux : publicité déguisée, fictive ou mensongère, publicité politique qui relève alors de la propagande et devrait être présentée comme telle, publicité obsessionnelle qui tend à restreindre ou à supprimer la liberté de choix, ou scandaleuse qui ne recule devant aucun moyen pour retenir l'attention.    Quoi qu'il en soit, la publicité en régime libéral tend à devenir la principale, voire l'unique ressource des entreprises d'information. Il arrive que la liberté de celles-ci s'en trouve gravement compromise. On a vu s'exercer des chantages, se nouer des coalitions pour priver tel ou tel journal de publicité et l'obliger ainsi à capituler. Compte tenu du développement de la publicité, le fait est aujourd'hui assez rare et le danger plus subtil. Il est normal que les annonceurs et plus encore les grandes agences qui centralisent la distribution utilisent un double critère de qualité et de quantité, la qualité n'étant ici qu'un aspect de la quantité, c'est-à-dire le pourcentage plus ou moins grand d'hommes ou de femmes considérés comme des acheteurs possibles ou probables. L'inconvénient est qu'une entreprise d'information est pratiquement condamnée si elle ne répond pas suffisamment à ce double critère : c'est de plus en plus le cas des quotidiens dits d'opinion ou représentant un parti politique. Bien qu'ils comptent, les uns et les autres, plusieurs millions d'électeurs, ni les démocrates-chrétiens, ni les radicaux, ni les socialistes ne sont en mesure, aujourd'hui en France de faire vivre un quotidien à diffusion nationale. Quant aux entreprises prospères, elles ne peuvent ignorer que toute diminution de leur clientèle (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs) entraînera également une baisse souvent disproportionnée des recettes de publicité. D'où, pour ne mécontenter personne, le refus possible d'aborder au fond les problèmes les plus graves, ceux qui divisent profondément l'opinion, et la tentation, au contraire, pour certains de séduire le plus grand nombre par la futilité, la démagogie, voire la complaisance plus ou moins poussée pour le crime, l'érotisme, la drogue et telle ou telle forme de dépravation.    Hubert Beuve-mery (fondateur du journal Le Monde).    Grand Larousse Encyclopédique, Édition Prestige, Tome onzième, 1970.  1. Vous ferez de ce texte, en respectant son mouvement, un résumé en 185 mots. Une marge de 10 % en plus ou en moins est admise. Vous indiquerez sur votre copie le nombre de mots que vous aurez utilisés.  2. Vous expliquerez le sens dans le texte des mots et expressions suivantes :    — publicité obsessionnelle ;    — telle ou telle forme de dépravation.  3. Est-il, à votre avis, possible et souhaitable que les journaux abordent les problèmes fondamentaux ?

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