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  Il y a du vrai dans ce que tu dis.

Publié le 15/12/2013

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  Il y a du vrai dans ce que tu dis. J'ai joué.   LE JEUNE SCIPION, même jeu.   Quel coeur ignoble et ensanglanté tu dois avoir. Oh ! comme tant de mal et de haine doivent te orturer !       CALIGULA, doucement.   Tais-toi, maintenant.   LE JEUNE SCIPION   Comme je te plains et comme je te hais !   CALIGULA, avec colère.   Tais-toi.   LE JEUNE SCIPION   Et quelle immonde solitude doit être la tienne !   CALIGULA, éclatant, se jette sur lui et le prend au collet ; il le secoue.   La solitude ! Tu la connais, toi, la solitude ? Celle des poètes et des impuissants. La solitude ? Mais laquelle ? Ah ! tu ne sais pas que seul, on ne l'est jamais ! Et que partout le même poids d'avenir et de passé nous accompagne ! Les êtres qu'on a tués sont avec nous. Et pour ceux-là, ce serait encore facile. Mais ceux qu'on a aimés, ceux qu'on n'a pas aimés et qui vous ont aimé, les regrets, le désir, l'amertume et la douceur, les putains et la clique des dieux. (Il le lâche et recule vers sa place.) Seul ! ah ! si du moins, au lieu de cette solitude empoisonnée de présences qui est la mienne, je pouvais goûter la vraie, le silence et le tremblement d'un arbre ! (Assis, avec une soudaine lassitude.) La solitude ! Mais non, Scipion. Elle est peuplée de grincements de dents et tout entière retentissante de bruits et de clameurs perdues. Et près es femmes que je caresse, quand la nuit se referme sur nous et que je crois, éloigné de ma chair enfin ontentée, saisir un peu de moi, entre la vie et la mort, ma solitude entière s'emplit de l'aigre odeur du laisir aux aisselles de la femme qui sombre encore à mes côtés.   Il a l'air exténué. Long silence. Le jeune Scipion passe derrière Caligula et s'approche, hésitant. Il tend une main vers Caligula et la pose sur son épaule. Caligula, sans se retourner, la couvre d'une des siennes.   LE JEUNE SCIPION   Tous les hommes ont une douceur dans la vie. Cela les aide à continuer. C'est vers elle qu'ils se retournent quand ils se sentent trop usés.   CALIGULA   C'est vrai, Scipion.     LE JEUNE SCIPION   N'y a-t-il donc rien dans la tienne qui soit semblable, l'approche des larmes, un refuge silencieux ?   CALIGULA   Si, pourtant.   LE JEUNE SCIPION   Et quoi donc ?   CALIGULA, lentement.   Le mépris.   Rideau.       CALIGULA (1944)   Acte troisième       SCÈNE PREMIÈRE   Avant le lever du rideau, bruit de cymbales et de caisse. Le rideau s'ouvre sur une sorte de parade foraine. Au centre, une tenture devant laquelle, sur une petite estrade, se trouvent Hélicon et Caesonia. Les cymbalistes de chaque côté. Assis sur des sièges, tournant le dos aux spectateurs, quelques patriciens et le jeune Scipion.   HÉLICON, récitant sur le ton de la parade   Approchez ! Approchez ! (Cymbales.) Une fois de plus, les dieux sont descendus sur terre. Caïus, César t dieu, surnommé Caligula, leur a prêté sa forme tout humaine. Approchez, grossiers mortels, le miracle acré s'opère devant vos yeux. Par une faveur particulière au règne béni de Caligula, les secrets divins ont offerts à tous les yeux.   Cymbales.   CAESONIA   Approchez, Messieurs ! Adorez et donnez votre obole. Le mystère céleste est mis aujourd'hui à la ortée de toutes les bourses.   Cymbales.     HÉLICON   L'Olympe et ses coulisses, ses intrigues, ses pantoufles et ses larmes. Approchez ! Approchez   Toute la vérité sur vos dieux ! Cymbales.   CAESONIA   Adorez et donnez votre obole. Approchez, Messieurs. La représentation va commencer.   Cymbales. Mouvements d'esclaves qui apportent divers objets sur l'estrade.   HÉLICON   Une reconstitution impressionnante de vérité, une réalisation sans précédent. Les décors majestueux de la puissance divine ramenés sur terre, une attraction sensationnelle et démesurée, la foudre (les esclaves allument des feux grégeois), le tonnerre (on roule un tonneau plein de cailloux), le destin luimême dans sa marche triomphale. Approchez et contemplez !   Il tire la tenture et Caligula costumé en Vénus grotesque apparaît sur un piédestal.   CALIGULA, aimable.   Aujourd'hui, je suis Vénus.   CESONIA   L'adoration commence. Prosternez-vous (tous, sauf Scipion, se prosternent) et répétez après moi la prière sacrée à Caligula-Vénus :   « Déesse des douleurs et de la danse... »

«       CALIGULA,doucement .   Tais-toi, maintenant.   LEJEUNE SCIPION   Comme jete plains etcomme jete hais !   CALIGULA,avec colère .   Tais-toi.   LEJEUNE SCIPION   Et quelle immonde solitudedoitêtre latienne !   CALIGULA,éclatant, se jette surlui et leprend aucollet ; ille secoue .   La solitude ! Tulaconnais, toi,lasolitude ? Celledespoètes etdes impuissants.

Lasolitude ? Mais laquelle ? Ah !tune sais pasque seul, onne l’est jamais ! Etque partout lemême poidsd'avenir etde passé nousaccompagne ! Lesêtres qu'onatués sontavec nous.

Etpour ceux-là, ceserait encore facile. Mais ceux qu'on aaimés, ceuxqu'on n'apas aimés etqui vous ontaimé, lesregrets, ledésir, l'amertume et la douceur, lesputains etlaclique desdieux.

( Il le lâche etrecule verssaplace .) Seul ! ah !sidu moins, au lieu decette solitude empoisonnée deprésences quiest lamienne, jepouvais goûterlavraie, lesilence et le tremblement d'unarbre ! ( Assis, avecunesoudaine lassitude.) La solitude ! Maisnon,Scipion.

Elleest peuplée degrincements dedents ettout entière retentissante debruits etde clameurs perdues.Etprès des femmes quejecaresse, quandlanuit sereferme surnous etque jecrois, éloigné dema chair enfin contentée, saisirunpeu demoi, entre lavie etlamort, masolitude entières'emplit del'aigre odeurdu plaisir auxaisselles delafemme quisombre encoreàmes côtés.   Ilal'air exténué.

Longsilence. Le jeune Scipion passederrière Caligulaets'approche, hésitant.Iltend unemain vers Caligula etlapose surson épaule.

Caligula, sansseretourner, lacouvre d'unedessiennes.  LE JEUNE SCIPION. »

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