Devoir de Philosophie

Jacques LACARRIÈRE, La vie nomade ou sédentaire. (Chemin faisant.)

Publié le 22/03/2011

Extrait du document

 

Nomade ou sédentaire : je crois qu'une grande part de l'histoire du monde tient à elle seule dans ces deux mots. Comme si, telles ces étoiles doubles, ces systèmes astraux comportant deux soleils gravitant l'un autour de l'autre, ils étaient voués tour à tour à s'opposer ou à se compléter. Le nomade a toujours constitué la part la plus archaïque de nous-même. Il fut l'état premier de l'homme, contraint de vivre de cueillette, de changer de territoire de chasse, de suivre le gibier dont il vivait. Avec la domestication le nomadisme se mua en activité pastorale ou semi-pastorale et le pasteur devint non seulement l'errant des steppes ou des alpages mais le guide, le meneur, le porteur de nouveaux messages. Car, des herbes aux étoiles, rien de ce monde ne pouvait lui être étranger. ... Ce monde de l'errance n'est jamais mort ni en nous ni autour de nous. Qu'il y ait ou non un but et des repères précis — dans les pèlerinages ou les déplacements des compagnons — ou des repères imprécis — chez les missionnaires, les frères j prêcheurs, les métiers ambulants d'autrefois — il n'a cessé au cours des siècles de fasciner ou d'horrifier, d'inspirer la crainte j ou l'admiration. L'histoire fondamentale des rapports très complexes entretenus entre les sédentaires et les nomades, cette histoire reste encore à faire. On l'a entreprise pour des époques et des lieux limités mais jamais dans une perspective d'ensemble qui en dégagerait les axes, les courants, les jalons. Car tour à tour chassé, repoussé, excommunié, ou, au contraire, fêté, -recherché, imploré, l'Errant apportait avec lui, selon les mentalités, les besoins des différentes communautés, un monde de damnation ou un monde de salut. Les routes, les chemins, les sentiers parcourant la France ont ouvert les portes de l'Enfer ou celles du Paradis. Ils furent sur notre terre comme les infrastructures de l'amour ou de la haine, les voies qui amenaient le frère ou l'ennemi. Et aujourd'hui rien de cela n'est mort. Notre société hyper-urbanisée semble consacrer à jamais la victoire des sédentaires. Elle recèle pourtant plus que jamais ces ferments qui nous portent à bouger, à partir, à nous jeter avec fureur vers les loisirs, organisés ou non. Peu importent les motivations. On ne part plus sur les routes pour prêcher ni faire son salut, pour conquérir quelque Graal1 au cœur des châteaux forts. Mais l'image n'est pas morte — bien qu'elle soit caricaturale aujourd'hui — des paradis promis et trouvés par le départ et par l'errance. Cette quête fiévreuse du loisir — Graal de notre époque — a pris fatalement des formes organisées et moins chevaleresques qu'autrefois, des formes saisonnières aussi, retrouvant par moments l'ampleur des vieilles migrations. C'est pourquoi on accepte très bien les vacanciers, les campeurs, voire les randonneurs, moins bien le vagabond, le solitaire marchant pour son plaisir en dehors des sentiers battus. 1) Résumer le texte en une dizaine de lignes. 2) Expliquer les mots et expressions en italiques :  — la part la plus archaïque de nous-même — un monde de damnation ou un monde de salut — les infrastructures. 3) Quels sont, à votre avis, les « ferments qui nous portent à bouger, à partir, à nous jeter avec fureur vers les loisirs organisés ou non « ?   

Liens utiles