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« Je n'ai rien à tirer d'une conspiration... - Si, peut-être !

Publié le 01/11/2013

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« Je n'ai rien à tirer d'une conspiration... - Si, peut-être ! - Et comment ? - En la dénonçant ! - Voyons, expliquez-vous ! - Écoutez donc «, reprit Sarcany. Et il fit au banquier le récit de ce qui s'était passé au vieux cimetière de Trieste, comment il avait pu s'emparer d'un pigeon voyageur, la manière dont un billet chiffré - il en avait gardé le fac-similé, - était tombé entre ses mains, de quelle façon il avait reconnu la maison du destinataire de ce billet. Il ajouta que depuis cinq jours, Zirone et lui s'étaient mis à épier tout ce qui se passait, sinon à l'intérieur, du moins à l'extérieur de cette maison. Quelques personnes s'y réunissaient le soir, toujours les mêmes, et n'y entraient pas sans grandes précautions. D'autres pigeons en étaient partis, d'autres y étaient arrivés, les uns allant vers le nord, les autres en venant. La porte de cette demeure était gardée par un vieux domestique, qui ne l'ouvrait pas volontiers et en surveillait soigneusement l'approche. Sarcany et son compagnon avaient même dû agir avec une certaine circonspection pour ne pas éveiller l'attention de cet homme. Et encore craignaient-ils d'avoir provoqué ses soupçons depuis quelques jours. Silas Toronthal commençait à écouter plus attentivement le récit que lui faisait Sarcany. Il se demandait ce qu'il pouvait y avoir de vrai dans tout cela, son ancien courtier étant sujet à caution, et, en fin de compte, de quelle façon celui-ci entendait qu'il pût s'intéresser à cette affaire pour en retirer un gain quelconque. Lorsque le récit eut été achevé, lorsque Sarcany eut une dernière fois affirmé qu'il s'agissait là d'une conspiration contre l'État, dont il serait avantageux d'utiliser les secrets, le banquier se contenta de poser les questions suivantes : « Où est cette maison ? - Au numéro 89 de l'avenue d'Acquedotto. - Et à qui appartient-elle ? - À un seigneur hongrois. - Comment se nomme ce seigneur ? - Le comte Ladislas Zathmar. - Et quelles sont les personnes qui le visitent ? - Deux principalement, toutes deux d'origine hongroise. - L'une est ?... - Un professeur de cette ville, qui s'appelle Étienne Bathory. - Et l'autre ? - Le comte Mathias Sandorf ! « À ce nom, Silas Toronthal fit un léger mouvement de surprise, qui n'échappa point à Sarcany. Quant à ces trois noms qu'il venait de prononcer, il lui avait été facile de les connaître, en suivant Étienne Bathory, lorsqu'il revenait à sa maison de la Corsia Stadion, et le comte Sandorf, lorsqu'il rentrait à l'hôtel Delorme. « Vous le voyez, Silas Toronthal, reprit Sarcany, voilà des noms que je n'ai pas hésité à vous livrer. Vous reconnaîtrez donc que je ne cherche pas à jouer au plus fin avec vous ! - Tout cela est bien vague ! répondit le banquier, qui voulait évidemment en savoir davantage avant de s'engager. - Vague ? dit Sarcany. - Eh ! sans doute ! Vous n'avez pas même un commencement de preuve matérielle ! - Et ceci ? « La copie du billet était alors entre les mains de Silas Toronthal. Le banquier l'examinait, non sans curiosité. Mais ces mots cryptographiés ne pouvaient lui présenter aucun sens, et rien ne prouvait qu'ils eussent cette importance que Sarcany prétendait leur attribuer. Si cette affaire était de nature à l'intéresser, cela tenait, surtout, à ce qu'elle se rapportait au comte Sandorf, son client, dont la situation vis-à-vis de lui ne laissait pas de l'inquiéter, au cas où il exigerait un remboursement immédiat des fonds déposés dans sa maison. « Eh bien, dit-il enfin, mon opinion est que c'est toujours de plus en plus vague ! - Rien ne me paraît plus net, au contraire, répondit Sarcany, que l'attitude du banquier ne démontait nullement. - Avez-vous pu déchiffrer ce billet ? - Non, Silas Toronthal, mais je saurai le déchiffrer, quand le temps en sera venu ! - Et comment ? - J'ai été mêlé déjà à des affaires de ce genre, comme à bien d'autres, répondit Sarcany, et je ne suis pas sans avoir eu entre les mains, bon nombre de dépêches chiffrées. Or, de l'examen approfondi de celle-ci, il résulte pour moi que sa clef ne repose ni sur un nombre, ni sur un alphabet conventionnel, qui attribuerait à chacune des lettres une autre signification que sa signification réelle. Oui ! dans ce billet un s est un s, un p est un p, mais ces lettres ont été disposées dans un ordre, qui ne peut être reconstitué qu'au moyen d'une grille ! « On sait que Sarcany ne se trompait pas. C'était le système qui avait été employé pour cette correspondance. On sait aussi qu'elle n'en était que plus indéchiffrable. « Soit, dit le banquier, je ne le nie pas, vous pouvez avoir raison ; mais, sans la grille, il est impossible de lire le billet. - Évidemment. - Et comment vous procurerez-vous cette grille ? - Je ne le sais pas encore, répondit Sarcany, mais, soyez-en sûr, je me la procurerai ! - Vraiment ! Eh bien, à votre place, Sarcany, je ne me donnerais pas tant de peine ! - Je me donnerai la peine qu'il faudra. - À quoi bon ? Je me contenterais d'aller dire à la police de Trieste ce que je soupçonne, en lui portant ce billet. - Je le dirai, Silas Toronthal, mais non sur de simples présomptions, répondit froidement Sarcany. Ce que je veux, avant de parler, ce sont des preuves matérielles et, par conséquent, indiscutables ! J'entends devenir maître de cette conspiration, oui ! maître absolu, pour en tirer tous les avantages que je vous offre de partager ! Eh ! qui sait même, s'il ne sera pas plus profitable de se ranger du côté des conspirateurs, au lieu de prendre parti contre eux ! « Un tel langage ne pouvait étonner Silas Toronthal. Il savait de quoi Sarcany, intelligent et pervers, était capable. Mais si cet homme n'hésitait pas à parler de la sorte devant le banquier de Trieste, c'est qu'il savait, à son tour, qu'on pouvait tout proposer à Silas Toronthal, dont l'élastique conscience s'accommodait de n'importe quelles affaires. D'ailleurs, on ne saurait trop le répéter, Sarcany le connaissait de longue date, et il avait, en outre, des raisons de croire que la situation de la maison de banque était embarrassée depuis quelque temps. Or, le secret de cette conspiration, surpris, livré, utilisé, ne pouvait-il lui permettre de relever ses affaires ? C'est là-dessus que tablait Sarcany. De son côté, Silas Toronthal, en ce moment, cherchait à jouer serré avec son ancien courtier de la Tripolitaine. Qu'il y eût en germe quelque conspiration contre le gouvernement autrichien, dont Sarcany avait découvert les auteurs, il n'était pas éloigné de l'admettre. Cette maison de Ladislas Zathmar, dans laquelle se tenaient de secrets conciliabules, cette correspondance chiffrée, la somme énorme déposée chez lui par le comte Sandorf et qui devait toujours être tenue à sa disposition, tout cela commençait à lui paraître fort suspect. Très probablement, Sarcany avait vu juste en ces circonstances. Mais le banquier, désireux d'en apprendre davantage, de connaître le fond de son jeu, ne voulait pas encore se rendre. Aussi, se contentat-il de répondre d'un air indifférent :

« prouvait qu’ilseussent cetteimportance queSarcany prétendait leurattribuer.

Sicette affaire était denature àl’intéresser, celatenait, surtout, àce qu’elle serapportait aucomte Sandorf, son client, dontlasituation vis-à-visdeluine laissait pasdel’inquiéter, aucas oùilexigerait un remboursement immédiatdesfonds déposés danssamaison. « Eh bien, dit-ilenfin, monopinion estque c’est toujours deplus enplus vague ! – Rien neme paraît plusnet,aucontraire, réponditSarcany,quel’attitude dubanquier ne démontait nullement. – Avez-vous pudéchiffrer cebillet ? – Non, SilasToronthal, maisjesaurai ledéchiffrer, quandletemps ensera venu ! – Et comment ? – J’ai étémêlé déjààdes affaires decegenre, comme àbien d’autres, réponditSarcany,etje ne suis passans avoir euentre lesmains, bonnombre dedépêches chiffrées.Or,del’examen approfondi decelle-ci, ilrésulte pourmoiquesaclef nerepose nisur unnombre, nisur un alphabet conventionnel, quiattribuerait àchacune deslettres uneautre signification quesa signification réelle.Oui !danscebillet un s est un s , un p est un p , mais ceslettres ontété disposées dansunordre, quinepeut êtrereconstitué qu’aumoyen d’unegrille ! » On sait que Sarcany nesetrompait pas.C’était lesystème quiavait étéemployé pourcette correspondance.

Onsait aussi qu’elle n’enétait queplus indéchiffrable. « Soit, ditlebanquier, jene lenie pas, vous pouvez avoirraison ; mais,sanslagrille, ilest impossible delire lebillet. – Évidemment. – Et comment vousprocurerez-vous cettegrille ? – Je nelesais pasencore, répondit Sarcany,mais,soyez-en sûr,jeme laprocurerai ! – Vraiment ! Ehbien, àvotre place, Sarcany, jene me donnerais pastant depeine ! – Je medonnerai lapeine qu’ilfaudra. – À quoi bon ? Jeme contenterais d’allerdireàla police deTrieste ceque jesoupçonne, enlui portant cebillet. – Je ledirai, SilasToronthal, maisnonsurdesimples présomptions, réponditfroidement Sarcany.

Ceque jeveux, avant deparler, cesont despreuves matérielles et,par conséquent, indiscutables ! J’entendsdevenirmaîtredecette conspiration, oui !maître absolu, pourentirer tous lesavantages quejevous offre departager ! Eh !quisait même, s’ilnesera pasplus profitable deseranger ducôté desconspirateurs, aulieu deprendre particontre eux ! » Un tellangage nepouvait étonner SilasToronthal.

Ilsavait dequoi Sarcany, intelligent et pervers, étaitcapable.

Maissicet homme n’hésitait pasàparler delasorte devant lebanquier de Trieste, c’estqu’ilsavait, àson tour, qu’on pouvait toutproposer àSilas Toronthal, dont l’élastique conscience s’accommodait den’importe quellesaffaires.

D’ailleurs, onnesaurait trop lerépéter, Sarcanyleconnaissait delongue date,etilavait, enoutre, desraisons decroire que lasituation delamaison debanque étaitembarrassée depuisquelque temps.Or,lesecret de cette conspiration, surpris,livré,utilisé, nepouvait-il luipermettre derelever sesaffaires ? C’est là-dessus quetablait Sarcany. De son côté, SilasToronthal, encemoment, cherchait àjouer serréavecsonancien courtier de la Tripolitaine.

Qu’ilyeût engerme quelque conspiration contrelegouvernement autrichien, dont Sarcany avaitdécouvert lesauteurs, iln’était paséloigné del’admettre.

Cettemaison de Ladislas Zathmar, danslaquelle setenaient desecrets conciliabules, cettecorrespondance chiffrée, lasomme énorme déposée chezluipar lecomte Sandorf etqui devait toujours être tenue àsa disposition, toutcelacommençait àlui paraître fortsuspect.

Trèsprobablement, Sarcany avaitvujuste ences circonstances.

Maislebanquier, désireuxd’enapprendre davantage, deconnaître lefond deson jeu, nevoulait pasencore serendre.

Aussi,secontenta- t-il derépondre d’unairindifférent :. »

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