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La Legende des Siecles --Le brodequin!

Publié le 12/04/2014

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La Legende des Siecles --Le brodequin! A toi, bourreau! dit le roi d'Arle. Le bourreau vient, la foule effarée écoutait. On entend l'os crier, mais la bouche se tait. Toujours prêt à frapper le prisonnier en traître, Le coupe-tête jette un coup d'oeil à son maître. --Attends que je te fasse un signe, dit Ratbert. Et, reprenant: --Voyons, toi chevalier haubert, Hais cadet, toi marquis, mais bâtard, si tu donnes Ces quelques diamants de plus à mes couronnes, Si tu veux me livrer ce trésor, je te fais Prince, et j'ai dans mes ports dix galères de Fez Dont je te fais présent avec cinq cents esclaves. Le vieillard semble sourd et muet. --Tu me braves! Eh bien! tu vas pleurer, dit le fauve empereur. XIV RATBERT REND L'ENFANT À L'AÏEUL Et voici qu'on entend comme un souffle d'horreur Frémir, même en cette ombre et même en cette horde. Une civière passe, il y pend une corde; Un linceul la recouvre; on la pose à l'écart; On voit deux pieds d'enfants qui sortent du brancard. Fabrice, comme au vent se renverse un grand arbre, Tremble, et l'homme de chair sous cette homme de marbre Reparaît; et Ratbert fait lever le drap noir. C'est elle! Isora! pâle, inexprimable à voir, Étranglée; et sa main crispée, et cela navre, Tient encore un hochet; pauvre petit cadavre! L'aïeul tressaille avec la force d'un géant; Formidable, il arrache au brodequin béant Son pied dont le bourreau vient de briser le pouce; Les bras toujours liés, de l'épaule il repousse Tout ce tas de démons, et va jusqu'à l'enfant, Et sur ses deux genoux tombe, et son coeur se fend. Il crie en se roulant sur la petite morte: --Tuée! ils l'ont tuée! et la place était forte, Le pont avait sa chaîne et la herse ses poids, LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 83 La Legende des Siecles On avait des fourneaux pour le soufre et la poix, On pouvait mordre avec ses dents le roc farouche, Se défendre, hurler, lutter, s'emplir la bouche De feu, de plomb fondu, d'huile, et les leur cracher A la figure avec les éclats du rocher! Non! on a dit: Entrez, et, par la porte ouverte, Ils sont entrés! la vie à la mort s'est offerte! On a livré la place, on n'a point combattu! Voilà la chose; elle est toute simple; ils n'ont eu Affaire qu'à ce vieux misérable imbécile! Égorger un enfant, ce n'est pas difficile. Tout à l'heure, j'étais tranquille, ayant peu vu Qu'on tuât des enfants, et je disais: Pourvu Qu'Isora vive, eh bien! après cela, qu'importe?-- Mais l'enfant! O mon Dieu! c'est donc vrai qu'elle est morte! Penser que nous étions là tous deux hier encor! Elle allait et venait dans un gai rayon d'or; Cela jouait toujours, pauvre mouche éphémère! C'était la petite âme errante de sa mère! Le soir, elle posait son doux front sur mon sein, Et dormait...--Ah! brigand! assassin! assassin! Il se dressait, et tout tremblait dans le repaire, Tant c'était la douleur d'un lion et d'un père, Le deuil, l'horreur, et tant ce sanglot rugissait! --Et moi qui, ce matin, lui nouais son corset! Je disais: Fais-toi belle, enfant! Je parais l'ange Pour le spectre.--Oh! ris donc là-bas, femme de fange! Riez tous! Idiot, en effet, moi qui crois Qu'on peut se confier aux paroles des rois Et qu'un hôte n'est pas une bête féroce! Le roi, les chevaliers, l'évêque avec sa crosse, Ils sont venus, j'ai dit: Entrez; c'étaient des loups! Est-ce qu'ils ont marché sur elle avec des clous Qu'elle est toute meurtrie? Est-ce qu'ils l'ont battue? Et voilà maintenant nos filles qu'on nous tue Pour voler un vieux casque en vieil or de ducat! Je voudrais que quelqu'un d'honnête m'expliquât Cet évènement-ci, voilà ma fille morte! Dire qu'un empereur vient avec une escorte, Et que des gens nommés Farnèse, Spinola, Malaspina, Cibo, font de ces choses-là, Et qu'on se met à cent, à mille, avec ce prêtre, Ces femmes, pour venir prendre un enfant en traître, Et que l'enfant est là, mort, et que c'est un jeu; C'est à se demander s'il est encore un Dieu, Et si, demain, après de si lâches désastres, Quelqu'un osera faire encor lever les astres! M'avoir assassiné ce petit être-là! Mais c'est affreux d'avoir à se mettre cela LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 84

« On avait des fourneaux pour le soufre et la poix, On pouvait mordre avec ses dents le roc farouche, Se défendre, hurler, lutter, s'emplir la bouche De feu, de plomb fondu, d'huile, et les leur cracher A la figure avec les éclats du rocher! Non! on a dit: Entrez, et, par la porte ouverte, Ils sont entrés! la vie à la mort s'est offerte! On a livré la place, on n'a point combattu! Voilà la chose; elle est toute simple; ils n'ont eu Affaire qu'à ce vieux misérable imbécile! Égorger un enfant, ce n'est pas difficile. Tout à l'heure, j'étais tranquille, ayant peu vu Qu'on tuât des enfants, et je disais: Pourvu Qu'Isora vive, eh bien! après cela, qu'importe?— Mais l'enfant! O mon Dieu! c'est donc vrai qu'elle est morte! Penser que nous étions là tous deux hier encor! Elle allait et venait dans un gai rayon d'or; Cela jouait toujours, pauvre mouche éphémère! C'était la petite âme errante de sa mère! Le soir, elle posait son doux front sur mon sein, Et dormait...—Ah! brigand! assassin! assassin! Il se dressait, et tout tremblait dans le repaire, Tant c'était la douleur d'un lion et d'un père, Le deuil, l'horreur, et tant ce sanglot rugissait! —Et moi qui, ce matin, lui nouais son corset! Je disais: Fais-toi belle, enfant! Je parais l'ange Pour le spectre.—Oh! ris donc là-bas, femme de fange! Riez tous! Idiot, en effet, moi qui crois Qu'on peut se confier aux paroles des rois Et qu'un hôte n'est pas une bête féroce! Le roi, les chevaliers, l'évêque avec sa crosse, Ils sont venus, j'ai dit: Entrez; c'étaient des loups! Est-ce qu'ils ont marché sur elle avec des clous Qu'elle est toute meurtrie? Est-ce qu'ils l'ont battue? Et voilà maintenant nos filles qu'on nous tue Pour voler un vieux casque en vieil or de ducat! Je voudrais que quelqu'un d'honnête m'expliquât Cet évènement-ci, voilà ma fille morte! Dire qu'un empereur vient avec une escorte, Et que des gens nommés Farnèse, Spinola, Malaspina, Cibo, font de ces choses-là, Et qu'on se met à cent, à mille, avec ce prêtre, Ces femmes, pour venir prendre un enfant en traître, Et que l'enfant est là, mort, et que c'est un jeu; C'est à se demander s'il est encore un Dieu, Et si, demain, après de si lâches désastres, Quelqu'un osera faire encor lever les astres! M'avoir assassiné ce petit être-là! Mais c'est affreux d'avoir à se mettre cela La Legende des Siecles LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 84. »

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