La Legende des Siecles --Le brodequin!
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
« On avait des fourneaux pour le soufre et la poix, On pouvait mordre avec ses dents le roc farouche, Se défendre, hurler, lutter, s'emplir la bouche De feu, de plomb fondu, d'huile, et les leur cracher A la figure avec les éclats du rocher! Non! on a dit: Entrez, et, par la porte ouverte, Ils sont entrés! la vie à la mort s'est offerte! On a livré la place, on n'a point combattu! Voilà la chose; elle est toute simple; ils n'ont eu Affaire qu'à ce vieux misérable imbécile! Égorger un enfant, ce n'est pas difficile. Tout à l'heure, j'étais tranquille, ayant peu vu Qu'on tuât des enfants, et je disais: Pourvu Qu'Isora vive, eh bien! après cela, qu'importe? Mais l'enfant! O mon Dieu! c'est donc vrai qu'elle est morte! Penser que nous étions là tous deux hier encor! Elle allait et venait dans un gai rayon d'or; Cela jouait toujours, pauvre mouche éphémère! C'était la petite âme errante de sa mère! Le soir, elle posait son doux front sur mon sein, Et dormait...Ah! brigand! assassin! assassin! Il se dressait, et tout tremblait dans le repaire, Tant c'était la douleur d'un lion et d'un père, Le deuil, l'horreur, et tant ce sanglot rugissait! Et moi qui, ce matin, lui nouais son corset! Je disais: Fais-toi belle, enfant! Je parais l'ange Pour le spectre.Oh! ris donc là-bas, femme de fange! Riez tous! Idiot, en effet, moi qui crois Qu'on peut se confier aux paroles des rois Et qu'un hôte n'est pas une bête féroce! Le roi, les chevaliers, l'évêque avec sa crosse, Ils sont venus, j'ai dit: Entrez; c'étaient des loups! Est-ce qu'ils ont marché sur elle avec des clous Qu'elle est toute meurtrie? Est-ce qu'ils l'ont battue? Et voilà maintenant nos filles qu'on nous tue Pour voler un vieux casque en vieil or de ducat! Je voudrais que quelqu'un d'honnête m'expliquât Cet évènement-ci, voilà ma fille morte! Dire qu'un empereur vient avec une escorte, Et que des gens nommés Farnèse, Spinola, Malaspina, Cibo, font de ces choses-là, Et qu'on se met à cent, à mille, avec ce prêtre, Ces femmes, pour venir prendre un enfant en traître, Et que l'enfant est là, mort, et que c'est un jeu; C'est à se demander s'il est encore un Dieu, Et si, demain, après de si lâches désastres, Quelqu'un osera faire encor lever les astres! M'avoir assassiné ce petit être-là! Mais c'est affreux d'avoir à se mettre cela La Legende des Siecles LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 84. »
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