Devoir de Philosophie

La Legende des Siecles Le drapeau de l'empire, arboré sur ce bruit, Gonfle son aigle immense au souffle de la nuit.

Publié le 12/04/2014

Extrait du document

La Legende des Siecles Le drapeau de l'empire, arboré sur ce bruit, Gonfle son aigle immense au souffle de la nuit. Tout un cortège étrange est là; femmes et prêtres; Prélats parmi les ducs, moines parmi les reîtres; Les crosses et les croix d'évêques, au milieu Des piques et des dards, mêlent aux meurtres Dieu, Les mitres figurant de plus gros fers de lance. Un tourbillon d'horreur, de nuit, de violence, Semble emplir tous ces coeurs; que disent-ils entre eux, Ces hommes? En voyant ces convives affreux, On doute si l'aspect humain est véritable; Un sein charmant se dresse au-dessus de la table, On redoute au-dessous quelque corps tortueux; C'est un de ces banquets du monde monstrueux Qui règne et vit depuis les Héliogabales; Le luth lascif s'accouple aux féroces cymbales; Le cynique baiser cherche à se prodiguer; Il semble qu'on pourrait à peine distinguer De ces hommes les loups, les chiennes de ces femmes; A travers l'ombre, on voit toutes les soifs infâmes, Le désir, l'instinct vil, l'ivresse aux cris hagards, Flamboyer dans l'étoile horrible des regards. Quelque chose de rouge entre les dalles fume; Mais, si tiède que soit cette douteuse écume, Assez de barils sont éventrés et crevés Pour que ce soit du vin qui court sur les pavés. Est-ce une vaste noce? est-ce un deuil morne et triste? On ne sait pas à quel dénoûment on assiste, Si c'est quelque affreux monde à la terre étranger, Si l'on voit des vivants ou des larves manger, Et si ce qui dans l'ombre indistincte surnage Est la fin d'un festin ou la fin d'un carnage. Par moments, le tambour, le cistre, le clairon, Font ces rages de bruit qui rendaient fou Néron. Ce tumulte rugit, chante, boit, mange, râle, Sur un trône est assis Ratbert, content et pâle. C'est, parmi le butin, les chants, les arcs de fleurs, Dans un antre de rois un Louvre de voleurs. ***** Les grands brasiers, ouvrant leur gouffre d'étincelles, Font resplendir les ors d'un chaos de vaisselles; On ébrèche aux moutons, aux lièvres montagnards, Aux faisans, les couteaux tout à l'heure poignards; Sixte Malaspina, derrière le roi, songe; LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 79 La Legende des Siecles Toute lèvre se rue à l'ivresse et s'y plonge; On achève un mourant en perçant un tonneau; L'oeil croit, parmi les os de chevreuil et d'agneau, Aux tremblantes clartés que les flambeaux prolongent, Voir des profils humains dans ce que les chiens rongent; Des chanteurs grecs, portant des images d'étain Sur leurs chapes, selon l'usage byzantin, Chantent Ratbert, césar, roi, vainqueur, dieu, génie; On entend sous les bancs des soupirs d'agonie; Une odeur de tuerie et de cadavres frais Se mêle au vague encens brûlant dans les coffrets Et les boîtes d'argent sur des trépieds de nacre, Les pages, les valets, encor chauds du massacre, Servent dans le banquet leur empereur ravi Et sombre, après l'avoir dans le meurtre servi; Sur le bord des plats d'or on voit des mains sanglantes, Ratbert s'accoude avec des poses indolentes; Au-dessus du festin, dans le ciel blanc du soir, De partout, des hanaps, du buffet, du dressoir, Des plateaux où les paons ouvrent leurs larges queues, Des écuelles où brûle un philtre aux lueurs bleues, Des verres, d'hypocras et de vils écumants, Des bouches des buveurs, des bouches des amants, S'élève une vapeur gaie, ardente, enflammée, Et les âmes des morts sont dans cette fumée. XI TOUTES LES FAIMS SATISFAITES C'est que les noirs oiseaux de l'ombre ont eu raison, C'est que l'orfraie a bien flairé la trahison, C'est qu'un fourbe a surpris le vaillant sans défense, C'est qu'on vient d'écraser la vieillesse et l'enfance. En vain quelques soldats fidèles ont voulu Résister, à l'abri d'un créneau vermoulu; Tous sont morts; et de sang les dalles sont trempées, Et la hache, l'estoc, les masses, les épées N'ont fait grâce à pas un, sur l'ordre que donna Le roi d'Arle au prévôt Sixte Malaspina. Et, quant aux plus mutins, c'est ainsi que les nomme L'aventurier royal fait empereur par Rome, Trente sur les crochets et douze sur le pal Expirent au-dessus du porche principal. Tandis qu'en joyeux chants les vainqueurs se répandent, Auprès de ces poteaux et de ces croix où pendent Ceux que Malaspina vient de supplicier, Corbeaux, hiboux, milans, tout l'essaim carnassier, Venus des monts, des bois, des cavernes, des havres, S'abattent par volée, et font sur les cadavres LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 80

« Toute lèvre se rue à l'ivresse et s'y plonge; On achève un mourant en perçant un tonneau; L'oeil croit, parmi les os de chevreuil et d'agneau, Aux tremblantes clartés que les flambeaux prolongent, Voir des profils humains dans ce que les chiens rongent; Des chanteurs grecs, portant des images d'étain Sur leurs chapes, selon l'usage byzantin, Chantent Ratbert, césar, roi, vainqueur, dieu, génie; On entend sous les bancs des soupirs d'agonie; Une odeur de tuerie et de cadavres frais Se mêle au vague encens brûlant dans les coffrets Et les boîtes d'argent sur des trépieds de nacre, Les pages, les valets, encor chauds du massacre, Servent dans le banquet leur empereur ravi Et sombre, après l'avoir dans le meurtre servi; Sur le bord des plats d'or on voit des mains sanglantes, Ratbert s'accoude avec des poses indolentes; Au-dessus du festin, dans le ciel blanc du soir, De partout, des hanaps, du buffet, du dressoir, Des plateaux où les paons ouvrent leurs larges queues, Des écuelles où brûle un philtre aux lueurs bleues, Des verres, d'hypocras et de vils écumants, Des bouches des buveurs, des bouches des amants, S'élève une vapeur gaie, ardente, enflammée, Et les âmes des morts sont dans cette fumée. XI TOUTES LES FAIMS SATISFAITES C'est que les noirs oiseaux de l'ombre ont eu raison, C'est que l'orfraie a bien flairé la trahison, C'est qu'un fourbe a surpris le vaillant sans défense, C'est qu'on vient d'écraser la vieillesse et l'enfance. En vain quelques soldats fidèles ont voulu Résister, à l'abri d'un créneau vermoulu; Tous sont morts; et de sang les dalles sont trempées, Et la hache, l'estoc, les masses, les épées N'ont fait grâce à pas un, sur l'ordre que donna Le roi d'Arle au prévôt Sixte Malaspina. Et, quant aux plus mutins, c'est ainsi que les nomme L'aventurier royal fait empereur par Rome, Trente sur les crochets et douze sur le pal Expirent au-dessus du porche principal. Tandis qu'en joyeux chants les vainqueurs se répandent, Auprès de ces poteaux et de ces croix où pendent Ceux que Malaspina vient de supplicier, Corbeaux, hiboux, milans, tout l'essaim carnassier, Venus des monts, des bois, des cavernes, des havres, S'abattent par volée, et font sur les cadavres La Legende des Siecles LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 80. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles