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La « librairie » de Montaigne

Publié le 26/05/2011

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montaigne

Ce fragment est tiré du chapitre ru du livre III des Essais, chapitre intitulé : De trois commerces. Montaigne vient de parler du commerce des hommes, et il ajoute : Le commerce des livres est bien plus sûr et plus à nous.... Éloge des livres, services qu'ils rendent à l'esprit.... De là Montaigne passe à la description de sa bibliothèque. Cette bibliothèque est située dans une tour de son château, à l'angle ouest de la façade méridionale. Chez moi, je me détourne un peu plus souvent à ma librairie, d'où, tout d'une main, je commande à mon ménage. Je suis sur l'entrée et vois sous moi mon jardin, ma basse-cour, ma cour, et dans la plupart des membres de ma maison. Là je feuillette à cette heure un livre, à cette heure un autre, sans ordre et sans dessein, à pièces décousues. Tantôt je rêve, tantôt j'enregistre et dicte, en me promenant, mes songes que voici. Elle est au troisième étage d'une tour : le premier, c'est ma chapelle ; le second, une chambre et sa suite, où je me couche souvent, pour être seul; au-dessus, elle a une grande garde-robe : c'était, au temps passé, le lieu le plus inutile de ma maison. Je passe là et la plupart des jours de ma vie, et la plupart des heures du jour : je n'y suis jamais la nuit. A sa suite est un cabinet assez poli, capable à recevoir du feu pour l'hiver, très plaisamment percé : et, si je ne craignais non plus le soin que la dépense, le soin qui me chasse de toute besogne, j'y pourrais facilement coudre à chaque côté une galerie de cent pas de long et douze de large, un plain pied, ayant trouvé tous les murs montés, pour autre usage, à la hauteur qu'il me faut. Tout lieu retiré requiert un promenoir ; mes pensées dorment, si je les assis; mon esprit ne va pas seul, comme si les jambes l'agitent ; ceux qui étudient sans livre en sont tous là. La figure en est ronde, et n'a de plat que ce qu'il faut à ma table et à mon siège; et vient m'offrant, en se courbant, d'une vue, tous mes livres, rangés sur des pupitres à cinq degrés tout à l'environ. Elle a trois vues  de riche et libre prospect, et seize pas de vide en diamètre. En hiver j'y suis moins continuellement ; car ma maison est juchée sur un tertre, comme dit son nom, et n'a point de pièce plus éventée que celle-ci, qui me plaît d'être un peu pénible et à l'écart, tant pour le fruit de l'exercice, que pour reculer de moi la presse. C'est là mon siège ; j'essaye à m'en rendre la domination pure, et à soustraire ce seul coin à la communauté et conjugale, et filiale, et civile; partout ailleras je n'ai qu'aune autorité verbale, en essence confuse. Misérable à mon gré, qui n'a chez soi, où être à soi ; où se faire particulièrement la cour, où se cacher!

(Liv. III, chap. III, De trois commerces.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Nature du morceau : une description. Description de la bibliothèque de Montaigne. — Faites ressortir la précision avec laquelle l'auteur décrit sa bibliothèque (situation de la pièce, — le cabinet qui lui est contigu, — la galerie qui pourrait y être adjointe, —le rangement des livres, — le diamètre de la tour, — les vues sur l'extérieur...); Quel avantage a surtout pour Montaigne la situation de cette pièce? (pièce isolée, loin du bruit, et où nul ne vient le déranger; insister sur la réflexion dé la fin du morceau); Montaigne passe-t-il beaucoup de temps dans sa bibliothèque? (dire pourquoi il y séjourne moins longtemps en hiver); Qu'y fait-il? S'y astreint-il à un travail suivi?  Quel ouvrage y a-t-il écrit?

II. — Le plan du morceau. — Bien que le morceau ne soit pas divisé en alinéas, ne présente-t-il pas quelques parties distinctes? Indiquez-les : a) Montaigne dans sa bibliothèque; b) Description de la bibliothèque; c) Avantage particulier qu'elle offre à Montaigne); Montaigne, dans sa bibliothèque, est-il absorbé entièrement par l'étude? (Voir les deux premières phrases); Il parle, dans un endroit, de « ceux qui étudient sans livre « : Dites quel peut être l'objet de leurs études, et comment ils étudient; Quelle serait, pour Montaigne, l'utilité d'un « promenoir « contigu à sa bibliothèque?

III. — Le style; — les expressions. — Le style de Montaigne, a-t-on dit, est vif et imagé; faites ressortir ces deux qualités en étudiant particulièrement la troisième partie du morceau. (Remarquer l'expression finale : où se cacher, nettement détachée et si expressive); Relevez, dans le morceau, un certain nombre d'expressions imagées (mes pensées dorment si je les assis...; ma maison est juchée sur un tertre...) ; Que faut-il entendre par l'expression : mes songes? (j'enregistre et dicte mes songes); — Que veut dire Montaigne par ces mots : où se taire particulièrement la cour? Quel est le sens de juchée? (maison juchée); faites connaître la signification ordinaire de ce mot.

IV. — La grammaire. — Indiquez quelques mots de la même famille que librairie (de liber, livre); Quelle est la composition du mot prospect? (pro, en avant ; spicere, voir), citez un dérivé de ce mot ; Distinguez les propositions contenues dans la dernière phrase (Misérable à mon gré...); Quel caractère présente la proposition principale? Nature et fonction de chacun des mots suivants : qui n'a chez soi.

Rédaction. — Description d'une bibliothèque que vous connaissez. livres les plus intéressants que vous en avez lus. Plaisir que vous avez pris à cette lecture.   

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