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La machine est-elle éducative ?

Publié le 25/04/2011

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   Après avoir, selon votre préférence, résumé ou analysé le texte suivant, vous choisirez dans celui-ci un thème qui vous paraît important et vous le commenterez librement.    L'homme cultivé n'est pas spécialiste, il n'est pas nécessairement l'homme le plus instruit, mais celui qui, curieux des choses et des hommes, tâche de connaître les proportions qui les relient. Dans une certaine mesure cela s'enseigne, mais l'assimilation reste personnelle. Dans une certaine mesure c'est affaire de lecture, car c'est par la lecture qu'on prend contact avec l'expérience accumulée des civilisations, avec les monuments que celles-ci ont dressés sur la route multiséculaire de l'histoire. Mais on peut concevoir une culture fondée moins sur les livres que sur l'observation de la vie. C'est à cet égard qu'il y a indéniablement une culture paysanne, une culture artisanale. Le paysan, vieux collaborateur des saisons, les a observées, de même que le sol qu'il cultive : il a appris à mesurer ce qu'on peut en tirer et les limites de la quantité de richesses que l'on est en droit d'en extraire; il a appris aussi que la vie ne saurait être viagère, qu'elle comporte une succession de générations et qu'on ne saurait revendiquer à l'avance et prématurément accaparer ce qui appartient à l'avenir. L'artisan, lui, connaît sa matière, et son outil; il fait plus que les connaître techniquement, il les connaît humainement, au point d'étendre à la matière une sensibilité dont l'homme n'a pas le monopole : « Ne faites pas souffrir le métal «, disait un métallurgiste à ses élèves. Nous avons connu, dans les fermes et dans les ateliers, des hommes de métier que leur métier avait conduits à pareille sagesse : c'étaient authentiquement des hommes cultivés.    ... Si l'outil éduquait l'ouvrier et la culture diversifiée des champs le paysan, il est optimiste d'espérer que la chaîne d'assemblage soit également éducative. Le métier, dans son sens noble, reste source de culture, mais non le travail de ces demi-qualifiés dont le plafond restera nécessairement bas. Or ce serait une erreur que de se prêter à un optimisme injustifié : c'est à une minorité seulement que l'industrie demande aujourd'hui les connaissances évoluées relevant du métier. Peut-être dans l'avenir en sera-t-il autrement, quand l'automatisme mécanique se sera chargé de toutes les fonctions ne demandant que des réactions d'intelligence élémentaire, mais dans la période où nous sommes, un travail authentiquement éducatif ne peut être le fait de tous.    C'est ici qu'il faut éviter les malentendus. Si l'on admet honnêtement que la machine n'est pas une éducatrice, c'est par d'autres moyens qu'il y a lieu de donner à tous cette possibilité de culture à laquelle chaque être humain a droit. Le danger serait de croire, comme c'est largement le cas, que la technique, par les instruments merveilleux qu'elle met entre nos mains, est elle-même une culture. Beaucoup de gens croient être cultivés parce qu'ils ont une radio, une télévision, parce que leur pensée ou ce qui leur en tient lieu se transmet avec une rapidité fulgurante par le télégraphe ou le téléphone, parce qu'ils sont mis au courant immédiatement de ce qui se passe dans le monde entier par des journaux massifs... Le moyen est devenu le but et l'on croit que la technique se suffit à elle-même, qu'elle est elle-même devenue tout le progrès.    André Siegfried, Aspects du vingtième siècle

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