La Matutina courait.
Publié le 30/10/2013
Extrait du document
«
Il
ya, au milieu delamer, àmoitié chemin entrePortland etl'archipel delaManche, unebouée, quiestlàpour avertir.
Cette bouée estamarrée avecdeschaînes auxbas−fonds etflotte àfleur d'eau.
Surcette bouée estfixé untréteau defer,
et latraverse decetréteau estsuspendue unecloche.
Danslegros temps, lamer, secouée, secouelabouée, etlacloche
sonne.
Cettecloche, vousl'entendez.
Le docteur laissapasser unredoublement delabise, attendit queleson delacloche eûtrepris ledessus, etpoursuivit:
Entendre celtecloche danslatempête, quandlenoroit souffle, c'estêtreperdu.
Pourquoi? levoici.
Sivous entendez le
bruit decette cloche, c'estquelevent vous l'apporte.
Orlevent vient del'ouest etles brisants d'Aurigny sontàl'est.
Vous
ne pouvez entendre lacloche queparce quevous êtesentre labouée etles brisants.
C'estsurces brisants quelevent
vous pousse.
Vousêtesdumauvais côtédelabouée.
Sivous étiez dubon, vous seriez aularge, enhaute mer,enroute
sûre, etvous n'entendriez paslacloche.
Levent n'enporterait paslebruit versvous.
Vouspasseriez, prèsdelabouée
sans savoir qu'elle estlà.Nous avons dévié.
Cette cloche, c'estlenaufrage quisonne letocsin.
Maintenant, avisez!
La cloche, pendant queledocteur parlait,apaisée parune baisse debrise, sonnait lentement, uncoup après l'autre, etce
tintement intermittent semblaitprendreactedesparoles duvieillard.
Oneût ditleglas del'abîme.
Tous écoutaient, haletants,tantôtcettevoix,tantôt cettecloche.
X.
LA GRANDE SAUVAGE.
C'ESTLATEMPÊTE
Cependant
lepatron avaitsaisisonporte−voix.
Cargate
todo,hombres !
Débordez lesécoutes, halezlescale−bas, affalezlesitaques etles cagues desbasses voiles!
mordons àl'ouest! reprenons delamer! lecap surlabouée! lecap surlacloche! ilya du large là−bas.
Tout n'est pasdésespéré.
Essayez, ditledocteur.
Disons ici,enpassant, quecette bouée àsonnerie, sortedeclocher delamer, aété supprimée en1802.
Detrès vieux
navigateurs sesouviennent encoredel'avoir entendue.
Elleavertissait, maisunpeu tard.
L'ordre dupatron futobéi.
Lelanguedocien fitun troisième matelot.Tousaidèrent.
Onfitmieux quecarguer, onferla; on
sangla touslesrabans, onnoua lescargue−points, lescargue−fonds etles cargue−boulines; onmit des pataras surles
estropes quipurent ainsiservir dehaubans detravers; onjumela lemât; oncloua lesmantelets desabord, cequi estune
façon demurer lenavire.
Lamanoeuvre, quoiqueexécutée enpantenne, n'enfutpas moins correcte.
L'ourquefut
ramenée àla simplification dedétresse.
Maisàmesure quelebâtiment, serranttout,s'amoindrissait, lebouleversement
de l'air etde l'eau croissait surlui.Lahauteur desX.LA GRANDE SAUVAGE.
C'ESTLATEMPÊTE
61
L'homme QuiRit
houles atteignait presqueladimension polaire.
L'ouragan, commeunbourreau pressé,semit àécarteler lenavire.
Cefut, enun clin d'oeil, unarrachement effroyable,
les huniers déralingués, lebordage rasé,lesdogues d'amures déboîtés,leshaubans saccagés, lemât brisé, toutlefracas
du désastre volantenéclats.
Lesgros cables cédèrent, bienqu'ils eussent quatrebrasses d'étalingure.
La tension magnétique propreauxorages deneige aidait àla rupture descordages.
Ilscassaient autantsousl'effluve que
sous levent.
Diverses chaînessortiesdeleurs poulies nemanoeuvraient plus.Al'avant, lesjoues, etàl'arrière, les
hanches, ployaient sousdespressions àoutrance.
Unelame emporta laboussole avecl'habitacle.
Uneautre lame
emporta lecanot, amarré enporte−manteau aubeaupré, selonlabizarre coutume asturienne.
Uneautre lameemporta
la vergue civadière.
Uneautre lameemporta laNotre−Dame deproue etlacage àfeu.
Il ne restait quelegouvernail.
On suppléa aufanal manquant aumoyen d'unegrosse grenade brûlotpleine d'étoupe flambante etde goudron allumé,
qu'on suspendit àl'étrave.
Le mât, cassé endeux, touthérissé dehaillons frissonnants, decordes, demoufles etde vergues, encombrait lepont.
En
tombant, ilavait brisé unpan delamuraille detribord.
Le patron, toujours àla barre, cria:
Tant quenous pouvons gouverner, rienn'est perdu.
Lesoeuvres vivestiennent bon.Deshaches! deshaches!
Le mât àla mer! dégagez lepont.
Équipage etpassagers avaientlafièvre desbatailles suprêmes.
Cefut l'affaire dequelques coupsdecognée.
On poussa lemât par−dessus lebord.
Lepont futdébarrassé.
Maintenant, repritlepatron, prenezunedrisse etamarrez−moi àla barre.
On lelia au timon.
Pendant qu'onl'attachait, ilriait.
Ilcria àla mer:
Beugle, lavieille! beugle! j'enaivu de pires aucap Machichaco.
Et quand ilfut garrotté, ilempoigna letimon àdeux poings aveccette joieétrange quedonne ledanger.
Tout estbien, camarades! ViveNotre−Dame deBuglose! Gouvernons àl'ouest!
Une lame detravers, colossale, vint,ets'abattit surl'arrière.
Ilya toujours danslestempêtes unesorte devague tigre,.
»
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