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La présence de Thomas Mann

Publié le 30/11/2011

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Thomas Mann est mort en 1955; il était né en 1875. Ces deux anniversaires coïncident avec la publication en français de deux de ses écrits : un inédit, Considérations d'un apolitique, chez Grasset, et une réédition attendue, Le Docteur Faustus, chez Albin-Michel. Le premier ouvrage a été pu:blié après la Grande guerre, mais date du temps du conflit, le second parut immédiatement après la chute du nazisme dans une Allemagne aux trois quarts détruite, malade, où l'écrivain, réfugié aux EtatsUnis après la venue au pouvoir de Hitler, était allé demander la liberté. On voit l'intérêt de cette confrontation. Elle donne le visage de l'écrivain à deux moments essentiels de sa vie et, plus encore, à deux moments de la vie de son pays.

« à la loi du mâle et des enfants.

Justement, il s'agit de cela dans ce gros livre en trois pa.r­ ties qui compte six cent cinquante pages, mais l'héroïne de Sigrid Undset trouve sa libération véritable avec l'homme qu'elle aime et avec ses enfants.

Et pourtant, on ne niera .pas que l'au­ teur ait été une féministe de la première heure.

On pourrait dire que le monde & changé; mais ce n' est pas vrai puisque les lectrices ont voté en majorité pour ce livre.

C 'est donc qu'elles s'y reconnaissent toujours, ou mieux, qu'il leur paraît l'exemple même d'une âuthentique libé­ ration, et non discours de suffragette.

Chri stine Lavransdatter est le double de Si­ grid Undset; on peut parler, à propos de cette œuvre, d'une autobiographie romanesque.

Dan s une NorVège médiévale où se mêlent encore les feux de la sorcellerie et les aspirations du christianisme, Christine vit une passion dé­ vorante pour un homme auquel elle restera tou­ jours attachée, avec une fièvre amoureuse que rien ne dément, même les doutes, même les secrets désespoirs , même les pauvretés de la nature humaine.

Elle veut constituer un cou­ ple avec son mari, être la femme d'un homme, et c'est cette existence partagée, dans une so­ ciété dure, encore barbare dont elle subit par­ fois les obs .essions ou les croyances, qui la mène à la délivrance, au dépouillement total.

Quand son mari meurt, elle va soigner les pestiférés.

Ce n'est pas un roman historique, bien que le cadre historique en constitue un élémenl important; Sigrid Undset était la fille d'un ar­ chéologue et elle connaissait parfaitement le Moyen Age scandinave.

Aussi ne cherche-t- .elle nullement à faire de la couleur locale, mais il fallait cet univers-1à pour donner une signi­ fication au drame de son personnag .e.

Elle-même, après tout, au xx• siècle, a pu éprouver, dans une société policée ce que Christine a ressenti en son temps.

Sigrid Undset n'était pas femme à lâchetés.

Convertie au catholiscisme, elle eut la volonté de vi·vre loin de son mari , qui était un divorcé.

Elle savait pourtant qu'elle formait un couple avec lui, mais elle ne trichait pas avec elle-même.

C'est bien ce qui fait de son héroïne un être de feu et de son amour un ·perpétuel renouvellement.

YOUGOSLAVIE Le petit monde de Karleja Karleja est à peu près inconnu en France, sinon de quelques rares spécialistes.

Cet écri­ vain yougoslave, né en 1893, composa, en 1936 un recueil pour lequel il avait utilisé sa lan­ gue natale , un idiome croate rejeté depuis le XIX' siècle par ceux de ses compatriotes qui voulaient obtenir l'unité linguisUque du pays, seul moyen, selon eux, d'aboutir 'à son unité politique.

Karléja, au contraire, a découvert dans la confrontation de la langue populaire et de la langue littéraire l'occasion d'nu dis­ cours truculent, farceur même, violent et d'une richesse culturelle étourdissante.

Il en est sorti une œuvr.!, révolutionnaire à plus d'un titre , qui mêle la légende et la réalité, l'histoire et les considérations philosophiques, le folkore et la poés i e, le rire et la mort : L es ba.llades de Petritsa Kerempu que l'UNESCO vient d'éditer dans la collection des œuvres représentatives, avec les Publications orientalistes de France (traduction du croate kaïkavien par Janine Ma­ till on).

Kerernpuh est un conteur, un chanteur populaire, mémoire collective du peuple croate , un provocateur et un vengeür, souriant et heu­ reux .

Avec nn goût de larmes et de sang dans la bouche.

D'autres œuvres de l'écrivain ont été publiée s chez différents éditeurs, en traduction , mais personne n'avait encvrc osé prendre la res­ ponsabilité de ce fleuve poétique.

Voilà qui est fait et bien fait.

CHILI Pablo Neruda au temps des pionniers Les éditions Gallimard publient un nouveau volume de l'œuvre de Neruda, ses mémoires : J'avoue que j'az 1 vécu, traduit de }'.espagnol par Paul Couffon.

Le livre a le souffle de tout ce qui a été écrit par cet homme, non seulement parce qu'il y parle en poète de son pays, de la monta­ gne et de la pluie , des Indiens et des pêcheurs du Pacifique, mais parce qu'il a justement ap­ pris de sa terre, belle et rude, violente aussi, la valeur des mots et le sens secret ou sacré de la parole.

Et la parole, chez lui, est tumultueuse, comme le fut sa vie.

L'écrivain fut aussi un voyageur impétinent quand le monde n'avait pas encore le goût unique du tourisme indus­ tl"id, il montait · à cheval, traversait les forêts à pied, faisait l'ascension des Andes à cheval , dormait dans des wagons incroyables, s'embar­ quait sur des bateaux incertains et découvrait l'image de la beauté partout où elle était.

Am­ •bassadeur, il ignorait volontiers les ambassades pour aller regarder vivre les hommes.

Ainsi connut-il Rome et Madrid, Paris et Mexico, Oulan-Bator et Pékin, Moscou, Singapour et la Nouvelle--Delhi.

Tou •jours errant, il n'oubliait jamais le Chili, y revenait régulièrement pour y retrouver son vent, sa pluie et ses montagnes.

La guerre d'Espagne le porta au communisme .

Il devait militer jusqu'à la fin de ses jours, avec l'ardeur qu'il mettait en tout.

Il est mort le 29 septembre 1973 d'un cancer, dans le désar­ roi du putsch militaire où il venait de perdre son ami Allende et au cours duquel ses mai­ sons, avec tout ce qu'il y avait accumulé, étaient livrées à la foule des pillards.. »

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