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  LA SECRÉTAIRE   Cent ans ne sont rien !

Publié le 15/12/2013

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  LA SECRÉTAIRE   Cent ans ne sont rien ! Ça vous fait de l'impression parce que vous voyez les choses de trop près. Moi, e vois les ensembles, vous comprenez. Dans un fichier de trois cent soixante-douze mille noms, qu'est-ce u'un homme, je vous le demande un peu, même s'il est centenaire ! Et puis nous nous rattrapons sur ceux ui n'ont pas dépassé vingt ans. Cela fait une moyenne. On raye un peu plus vite, voilà tout ! Ainsi...   Elle raye dans son carnet. Un cri sur la mer et le bruit d'une chute à l'eau.   LA SECRÉTAIRE   Oh ! Je l'ai fait sans y penser ! Tiens, c'est le batelier ! Un hasard !   Diego s'est levé et la regarde avec dégoût et effroi.   DIEGO   Le coeur me vient à la bouche tant vous me répugnez !   LA SECRÉTAIRE   Je fais un métier ingrat, je le sais. On s'y fatigue et puis il faut s'appliquer. Au début, par exemple, je tâtonnais un peu. Maintenant, j'ai la main sûre.   Elle s'approche de Diego.   DIEGO   Ne m'approchez pas.   LA SECRÉTAIRE   Il n'y aura bientôt plus d'erreurs. Un secret. Une machine perfectionnée. Vous verrez.   Elle s'est approchée de lui, Phrase après phrase, jusqu'à le toucher. Il la prend soudain au collet, tremblant de fureur.   DIEGO   Finissez, finissez donc votre sale comédie ! Qu'est-ce que vous attendez ? Faites votre travail et ne vous amusez pas de moi qui suis plus grand que vous. Tuez-moi donc, c'est la seule façon, je vous le jure, e sauver ce beau système qui ne laisse rien au hasard. Ah ! Vous ne tenez compte que des ensembles ! ent mille hommes, voilà qui devient intéressant. C'est une statistique et les statistiques sont muettes ! n en fait des courbes et des graphiques, hein ! On travaille sur les générations, c'est plus facile ! Et le ravail peut se faire dans le silence et dans l'odeur tranquille de l'encre. Mais je vous en préviens, un omme seul, c'est plus gênant, ça crie sa joie ou son agonie. Et moi vivant, je continuerai à déranger votre bel ordre par le hasard des cris. Je vous refuse, je vous refuse de tout mon être !   LA SECRÉTAIRE   Mon chéri !   DIEGO   Taisez-vous ! Je suis d'une race qui honorait la mort autant que la vie. Mais vos maîtres sont venus : ivre et mourir sont deux déshonneurs...   LA SECRÉTAIRE   Il est vrai...   DIEGO (il la secoue.)   Il est vrai que vous mentez et que vous mentirez désormais, jusqu'à la fin des temps ! Oui ! J'ai bien compris votre système. Vous leur avez donné la douleur de la faim et des séparations pour les distraire de leur révolte. Vous les épuisez, vous dévorez leur temps et leurs forces pour qu'ils n'aient ni le loisir ni l'élan de la fureur ! Ils piétinent, soyez contents ! Ils sont seuls malgré leur masse, comme je suis seul aussi. Chacun de nous est seul à cause de la lâcheté des autres. Mais moi qui suis asservi comme eux, humilié avec eux, je vous annonce pourtant que vous n'êtes rien et que cette puissance déployée à perte de vue, jusqu'à en obscurcir le ciel, n'est qu'une ombre jetée sur la terre, et qu'en une seconde un vent furieux va dissiper. Vous avez cru que tout pouvait se mettre en chiffres et en formules ! Mais dans votre belle nomenclature, vous avez oublié la rose sauvage, les signes dans le ciel, les visages d'été, la grande voix de la mer, les instants du déchirement et la colère des hommes ! (Elle rit.) Ne riez pas. Ne riez pas, imbécile. Vous êtes perdus, je vous le dis. Au sein de vos plus apparentes victoires, vous voilà déjà vaincus, arce qu'il y a dans l'homme - regardez-moi - une force que vous ne réduirez pas, une folie claire, mêlée e peur et de courage, ignorante et victorieuse à tout jamais. C'est cette force qui va se lever et vous saurez alors que votre gloire était fumée.   Elle rit.   DIEGO   Ne riez pas ! Ne riez donc pas !     Elle rit. Il la gifle et dans le même temps, les hommes du choeur arrachent leurs bâillons et poussent un long cri de joie. Mais dans l'élan, Diego a écrasé sa marque. Il y porte la main et la contemple ensuite.   LA SECRÉTAIRE   Magnifique !   DIEGO   Qu'est-ce que c'est ?   LA SECRÉTAIRE   Vous êtes magnifique dans la colère ! Vous me plaisez encore plus.

«   LA SECRÉTAIRE  Je fais unmétier ingrat,jelesais.

Ons'y fatigue etpuis ilfaut s'appliquer.

Audébut, parexemple, je tâtonnais unpeu.

Maintenant, j'ailamain sûre.   Elles'approche deDiego.   DIEGO  Ne m'approchez pas.   LA SECRÉTAIRE  Il n'y aura bientôt plusd'erreurs.

Unsecret.

Unemachine perfectionnée.

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