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La Terre plus, car elle se doutait de la scene qui l'attendait.

Publié le 11/04/2014

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La Terre plus, car elle se doutait de la scene qui l'attendait. La nuit tombait deja, et Buteau, furieux, sortait a chaque minute dans la cour, allait jusqu'a la route, guetter si cette garce-la, enfin, revenait du male. Il jurait tout haut, lachait des ordures, sans voir le pere Fouan, qui s'etait assis sur le banc de pierre, apres la querelle, se calmant, respirant la douceur tiede, qui faisait de ce novembre ensoleille un mois de printemps. Un bruit de sabots monta de la pente, Francoise parut, pliee en deux, les epaules chargees d'un enorme paquet d'herbes, qu'elle avait noue dans une vieille toile. Elle soufflait, elle suait, a moitie cachee sous le tas. --Ah! nom de Dieu de trainee! cria Buteau, si tu crois que tu vas te foutre de moi a te faire raboter depuis deux heures par ton galant, lorsqu'il y a de la besogne ici! Et il la culbuta dans le paquet d'herbe qui etait tombe, il se rua sur elle, juste au moment ou Lise, a son tour, sortait de la maison pour l'engueuler. --Eh! Marie-dort-en-chiant, arrive donc, que je te colle mon pied dans le derriere!... Tu n'as pas honte! Mais Buteau, deja, avait empoigne la fille sous la jupe, a pleine main. Son enragement tournait toujours en un coup brusque de desir. Tandis qu'il la troussait sur l'herbe, il grognait, etrangle, la face bleuie et gonflee de sang. --Sacree cateau, faut cette fois que j'y passe a mon tour.... Quand le tonnerre de Dieu y serait, je vas y passer apres l'autre! Alors, une lutte furieuse s'engagea. Le pere Fouan distinguait mal, dans la nuit. Mais il vit pourtant Lise, debout, qui regardait et laissait faire; pendant que son homme, vautre, jete de cote a chaque seconde, s'epuisait en vain, se satisfaisait quand meme, au petit bonheur, n'importe ou. Quand ce fut fini, Francoise, d'une derniere secousse, put se degager, ralante, begayante. --Cochon! cochon? cochon!... Tu n'as pas pu, ca ne compte pas.... Je m'en fiche, de ca! jamais tu n'y arriveras, jamais! Elle triomphait, elle avait pris une poignee d'herbe, et elle s'en essuyait la jambe, dans un tremblement de tout son corps, comme si elle se fut contentee elle-meme un peu, a cette obstination de refus. D'un geste de bravade, elle jeta la poignee d'herbe aux pieds de sa soeur. --Tiens! c'est a toi.... Ce n'est pas ta faute, si je te le rends! Lise, d'une gifle, lui fermait la bouche, lorsque le pere Fouan, qui avait quitte le banc de pierre, revolte, intervint en brandissant sa canne. --Bougres de saligots, tous les deux! voulez-vous bien la laisser tranquille!... En v'la assez, hein? Des lumieres paraissaient chez les voisins, on commencait a s'inquieter de cette tuerie, et Buteau se hata de pousser son pere et la petite au fond de la cuisine, ou une chandelle eclairait Laure et Jules terrifies, refugies dans un coin. Lise rentra aussi, saisie et muette depuis que le vieux etait sorti de l'ombre. Il continuait, s'adressant a elle: --Toi, c'est trop degoutant et trop bete.... Tu regardais, je t'ai vue. Buteau, de toute sa force, allongea un coup de poing au bord de la table. II 169 La Terre --Silence! c'est fini... Je cogne sur le premier qui continue. --Et si je veux continuer, moi! demanda Fouan, la voix tremblante, est-ce que tu cogneras? --Sur vous comme sur les autres.... Vous m'embetez! Francoise, bravement, s'etait mise entre eux. --Je vous en prie, mon oncle, ne vous en melez point.... Vous avez bien vu que je suis assez grande fille pour me defendre. Mais le vieux l'ecarta. --Laisse, ca ne te regarde plus.... C'est mon affaire. Et, levant sa canne: --Ah! tu cognerais, bandit!... Faudrait voir si ce n'est pas a moi de te corriger. D'une main prompte, Buteau lui arracha le baton, qu'il envoya sous l'armoire; et, goguenard, les yeux mauvais, il se planta, lui parla dans le visage. --Voulez-vous me foutre la paix, hein? Si vous croyez que je vas tolerer vos airs, ah! non! Regardez-moi donc, pour voir comment je m'appelle! Tous les deux, face a face, se turent un instant, terribles, cherchant a se dompter du regard. Le fils, depuis le partage des biens, s'etait elargi, carre sur les jambes, avec ses machoires qui avancaient davantage, dans sa tete de dogue, au crane resserre et fuyant; tandis que le pere, extermine par ses soixante ans de travail, seche encore, la taille cassee, n'avait garde de son visage reduit que le nez immense. --Comment tu t'appelles? reprit Fouan, je le sais trop, je t'ai fait. Buteau ricana. --Fallait pas me faire.... Ah! mais, oui! ca y est, chacun son tour. Je suis de votre sang, je n'aime pas qu'on me taquine.... Et encore un coup, foutez-moi la paix, ou ca tournera mal! --Pour toi, bien sur.... Jamais je n'ai parle ainsi a mon pere. --Oh! la, la, en voila une raide!... Votre pere, vous l'auriez creve, s'il n'etait pas mort! --Sale cochon, tu mens!... Et, nom de Dieu de nom de Dieu! tu vas ravaler ca tout de suite. Francoise, une seconde fois, tenta de s'interposer. Lise elle-meme fit un effort, effrayee, desesperee de ce nouveau tracas. Mais les deux hommes les bousculerent, pour se rapprocher et se souffler leur violence avec leur haleine, sang contre sang, dans ce heurt de la brutale autorite que le pere avait leguee au fils. Fouan voulut se grandir, en essayant de retrouver son ancienne toute-puissance de chef de famille. Pendant un demi-siecle, on avait tremble sous lui, la femme, les enfants, les betes, lorsqu'il detenait la fortune avec le pouvoir. II 170

« —Silence! c'est fini...

Je cogne sur le premier qui continue. —Et si je veux continuer, moi! demanda Fouan, la voix tremblante, est-ce que tu cogneras? —Sur vous comme sur les autres....

Vous m'embetez! Francoise, bravement, s'etait mise entre eux. —Je vous en prie, mon oncle, ne vous en melez point....

Vous avez bien vu que je suis assez grande fille pour me defendre. Mais le vieux l'ecarta. —Laisse, ca ne te regarde plus....

C'est mon affaire. Et, levant sa canne: —Ah! tu cognerais, bandit!...

Faudrait voir si ce n'est pas a moi de te corriger. D'une main prompte, Buteau lui arracha le baton, qu'il envoya sous l'armoire; et, goguenard, les yeux mauvais, il se planta, lui parla dans le visage. —Voulez-vous me foutre la paix, hein? Si vous croyez que je vas tolerer vos airs, ah! non! Regardez-moi donc, pour voir comment je m'appelle! Tous les deux, face a face, se turent un instant, terribles, cherchant a se dompter du regard.

Le fils, depuis le partage des biens, s'etait elargi, carre sur les jambes, avec ses machoires qui avancaient davantage, dans sa tete de dogue, au crane resserre et fuyant; tandis que le pere, extermine par ses soixante ans de travail, seche encore, la taille cassee, n'avait garde de son visage reduit que le nez immense. —Comment tu t'appelles? reprit Fouan, je le sais trop, je t'ai fait. Buteau ricana. —Fallait pas me faire....

Ah! mais, oui! ca y est, chacun son tour.

Je suis de votre sang, je n'aime pas qu'on me taquine....

Et encore un coup, foutez-moi la paix, ou ca tournera mal! —Pour toi, bien sur....

Jamais je n'ai parle ainsi a mon pere. —Oh! la, la, en voila une raide!...

Votre pere, vous l'auriez creve, s'il n'etait pas mort! —Sale cochon, tu mens!...

Et, nom de Dieu de nom de Dieu! tu vas ravaler ca tout de suite. Francoise, une seconde fois, tenta de s'interposer.

Lise elle-meme fit un effort, effrayee, desesperee de ce nouveau tracas.

Mais les deux hommes les bousculerent, pour se rapprocher et se souffler leur violence avec leur haleine, sang contre sang, dans ce heurt de la brutale autorite que le pere avait leguee au fils. Fouan voulut se grandir, en essayant de retrouver son ancienne toute-puissance de chef de famille.

Pendant un demi-siecle, on avait tremble sous lui, la femme, les enfants, les betes, lorsqu'il detenait la fortune avec le pouvoir.

La Terre II 170. »

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