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La vie d'Ernest Psichari En 1908, il nous revint plein d'enthousiasme.

Publié le 12/04/2014

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La vie d'Ernest Psichari En 1908, il nous revint plein d'enthousiasme. Et il semblait nous dire, ce marechal des logis, que nous avions connu etudiant en Sorbonne: "Je ne suis plus un jeune bourgeois, occupe des travaux de mon etat; je suis un homme en qui ne demeurent plus que des sentiments frustes et primitifs." Et nous qui le regardions faire, comme nous enviions deja sa destinee! Psichari entra alors a l'ecole de Versailles, d'ou il sortit sous-lieutenant en septembre 1909. C'est comme officier qu'il partit, cette fois, pour la Mauritanie: il y devait rester jusqu'en decembre 1912. Voila le moment ou nous avons entrepris de raconter sa vie.] [Note 2: Lettre a M. Henry Bordeaux, a propos de la Maison.] [Note 3: Lettre a Agathon; Cf. Les Jeunes Gens d'Aujourd'hui (1913). A propos de ce livre, Psichari nous ecrivait: "Il me semble que tous les traits que vous notez doivent nous mener, un jour, a de la gloire guerriere et, pour tout dire, a une revanche dont nous ne devons jamais detourner nos regards." Et, dans la reponse que nous citons, relevons encore ces propos: "Ce serait singulierement rabaisser la foi patriotique que de la croire fonction de la barbarie et de l'inculture; ce serait aussi vouloir nous ramener au point de l'Allemagne actuelle ou tout est sacrifie aux entreprises de la vie pratique.--Quoi que nous fassions, nous mettrons toujours l'intelligence au-dessus de tout... Cela est necessaire, quand on songe a la haute mission de la race francaise, a la grande election qui domine toute son histoire..."] [Note 4: En voici le temoignage. Des 1912, nous avions note ce reveil de l'heroisme et, invoquant deja l'exemple d'un Psichari, nous ecrivions: "... L'intellectualisme orgueilleux ou se refugierent nos aines devait les conduire soit au pessimisme, soit au scepticisme. Ils devaient pratiquement aboutir a l'anarchie ideologique, a toutes les confusions morales. L'affaire Dreyfus, voila le bilan de cette generation, et c'est en reflechissant sur le passe qui trouve la son symbole qu'ils ont fait l'aveu de leur desarroi. Parmi la decomposition dreyfusienne, ils ont vu avec effroi que le pacifisme, l'internationalisme etaient la consequence de leurs doctrines et avec une simplicite douloureuse, malgre l'apparente victoire ils nous disent: "Instruisez-vous par notre defaite. Tout notre role aura ete de vous montrer le danger et de vous avertir."[d] [Note d: Charles Peguy.] "Et, o miracle, c'est de ce milieu de l'Affaire que nous vient aujourd'hui la parole la plus hardie qu'ait prononcee jeune homme de notre age. C'est d'une famille ou l'intelligence semblait devoir s'epuiser apres avoir donne ses fleurs les plus rares que part le conseil de vertu et de renouvellement. La lampe d'heroisme qu'on croyait vacillante, c'est le petit-fils de Renan, Ernest Psichari, sous-lieutenant d'artillerie coloniale a Moudjeria (Mauritanie), qui la passe a notre generation. "Je voudrais que l'on meditat sur l'aventure de ce garcon de vingt-cinq ans qui, abandonnant ses etudes de Sorbonne, partit a deux reprises pour mener une action francaise dans la brousse africaine, pour donner a la France un empire dont M. de Mun a dit "que nulle abdication n'empechera jamais qu'il n'ait ete par elle, et par elle seule, arrache a la barbarie". Mais je me contenterai de citer quelques pages que le brigadier Psichari redigeait en 1908, au retour de la mission qu'il fit au sud du Tchad, sous les ordres du commandant Lenfant. Ce sont la des paroles qu'il faut que l'on connaisse. Puissent-elles determiner des vocations heroiques! Ecoutez, des l'abord, ce qu'il dit de l'Afrique: NOTES ET DOCUMENTS 15 La vie d'Ernest Psichari "Nous y venons pour faire un peu de bien a ces terres maudites. Mais nous y venons aussi pour nous faire du bien a nous-memes. L'Afrique est un des derniers refuges de l'energie nationale, un des derniers endroits ou nos meilleurs sentiments peuvent encore s'affirmer, ou les dernieres consciences fortes ont l'espoir de trouver un champ a leur activite tendue." Ce noble pays revela a ce soldat francais les vertus de la guerre: "Nous reviendrons, dit-il, a l'opinion du peuple qui est la guerre. De l'extreme barbarie, nous sommes passes a l'extreme civilisation... Mais qui sait si, par un retour frequent dans l'histoire humaine, nous ne reviendrons pas au point d'ou nous sommes partis? ... Il vient une heure ou la violence n'est plus de l'injustice, mais le jeu naturel d'une ame forte et trempee comme un acier. Il vient une heure ou la bonte meme cesse d'etre feconde et devient amollissante et lache. Alors la guerre n'est plus qu'un indicible poeme de sang et de beaute."[e] [Note e: Psichari avait rectifie l'exces d'un tel "bellicisme". Mais que ces paroles furent exaltantes pour ceux qui avaient, comme nous, grandi dans l'enseignement pacifiste et humanitaire!.] Et voici ce que lut au fond de lui-meme ce fils d'intellectuels: "Dans ma patrie, on aime la guerre et secretement on la desire. Nous avons toujours fait la guerre. Non pour conquerir une province. Non pour exterminer une nation. Non pour regler un conflit d'interets. Ces causes existaient assurement, mais elles etaient peu de chose. En verite, nous faisions la guerre pour la guerre, sans nulle autre idee, pour l'amour de l'art... Nous la faisions par un naturel besoin de nous depenser et de nous imposer, parce que c'etait notre loi, notre raison secrete, notre foi." "Cette foi, ce gout francais de l'heroisme, cet elan qui traverse les pages africaines de Psichari, je l'ai retrouve, cet ete, dans l'ame de maints jeunes hommes; j'ai vu dans leurs yeux briller un secret desir..." Nous devions, deux annees encore, attendre l'evenement qui emploierait cette passion ...] 5. Charles Peguy, dans l'epitre votive qui termine son Victor Marie, comte Hugo, nous montre Psichari dans une teriba de cent metres carres, au milieu du desert, avec ses livres. Sa bibliotheque de campagne, a ce qu'il nous assure, ne comprenait que: les Pensees de Pascal, les Sermons de Bossuet, le Reglement d'artillerie de montagne, la Table de logarithmes de Dupuy, et un exemplaire de Servitude et grandeur militaires auquel Psichari tenait, "parce qu'il composait l'unique bagage litteraire du sous-lieutenant de cavalerie Violet qui sut si bien mourir a Ksar-Teuchane, en Adrar"; plus, cinq petits livres qui n'etaient autres que des cahiers de Peguy lui-meme. Et, dans ce meme morceau, Peguy cite cette belle lettre de Psichari, datee de Moudjeria: "Voici une terre qui est parfaitement romantique et triplement romantique: par sa nature, son aspect physique, par le caractere de ses habitants et par l'action que nous y exercons encore. Histoire de brigands, assassinats, combats epiques, pillages, sombres intrigues, tout cela fleurit ici comme dans son terrain naturel. Et tout conspire a cette impression. Les aspects du pays, qui ne sont guere jolis, ont cependant une beaute qui leur vient d'un tragique puissant, une beaute sans grace, mais bizarre et monstrueuse comme un decor du second Faust. "Des plaines sans eau de l'Agan, ecrasees de soleil, du montueux Tagant et de ses cirques de rochers noirs, des dunes sans fin de l'Aouker, du noir Assaba, toute vie s'est retiree aujourd'hui et il reste un rude squelette mineral ou errent de pauvres tentes en poil de chameau et des troupeaux nomades. Les Maures de ces contrees desolees sont parmi les plus rudes guerriers qui soient au monde. Ils nous l'ont fait sentir plus d'une fois, et nous le feront encore sentir, vraisemblablement. Cette noble et antique race qui se rattache a l'Orient mystique (il y a ici des "Chiites" que les guerres du premier siecle de l'Islam avaient pourtant rejetes et confines en Perse sur les bords de l'Euphrate) et qui se ramifie vers l'est jusqu'au dela de Tombouctou (les Kounta du Tagant s'echelonnent ainsi jusqu'au nord de la boucle du Niger), presente un echantillon d'humanite extremement evolue et ou pourtant la simplicite des moeurs est restee grande, ou l'ardeur du sang primitif est restee vierge. Ces gens d'esprit tres cultive generalement, retors en politique, habiles dans la discussion, et qui, en religion, vont jusqu'au mysticisme le plus ardent (Cheickh el Ghaswani devore en ce moment un traite de NOTES ET DOCUMENTS 16

« “Nous y venons pour faire un peu de bien a ces terres maudites.

Mais nous y venons aussi pour nous faire du bien a nous-memes.

L'Afrique est un des derniers refuges de l'energie nationale, un des derniers endroits ou nos meilleurs sentiments peuvent encore s'affirmer, ou les dernieres consciences fortes ont l'espoir de trouver un champ a leur activite tendue.” Ce noble pays revela a ce soldat francais les vertus de la guerre: “Nous reviendrons, dit-il, a l'opinion du peuple qui est la guerre.

De l'extreme barbarie, nous sommes passes a l'extreme civilisation...

Mais qui sait si, par un retour frequent dans l'histoire humaine, nous ne reviendrons pas au point d'ou nous sommes partis? ...

Il vient une heure ou la violence n'est plus de l'injustice, mais le jeu naturel d'une ame forte et trempee comme un acier.

Il vient une heure ou la bonte meme cesse d'etre feconde et devient amollissante et lache.

Alors la guerre n'est plus qu'un indicible poeme de sang et de beaute.”[e] [Note e: Psichari avait rectifie l'exces d'un tel “bellicisme”.

Mais que ces paroles furent exaltantes pour ceux qui avaient, comme nous, grandi dans l'enseignement pacifiste et humanitaire!.] Et voici ce que lut au fond de lui-meme ce fils d'intellectuels: “Dans ma patrie, on aime la guerre et secretement on la desire.

Nous avons toujours fait la guerre.

Non pour conquerir une province.

Non pour exterminer une nation.

Non pour regler un conflit d'interets.

Ces causes existaient assurement, mais elles etaient peu de chose.

En verite, nous faisions la guerre pour la guerre, sans nulle autre idee, pour l'amour de l'art...

Nous la faisions par un naturel besoin de nous depenser et de nous imposer, parce que c'etait notre loi, notre raison secrete, notre foi.” “Cette foi, ce gout francais de l'heroisme, cet elan qui traverse les pages africaines de Psichari, je l'ai retrouve, cet ete, dans l'ame de maints jeunes hommes; j'ai vu dans leurs yeux briller un secret desir...” Nous devions, deux annees encore, attendre l'evenement qui emploierait cette passion ...] 5.

Charles Peguy, dans l'epitre votive qui termine son Victor Marie, comte Hugo, nous montre Psichari dans une teriba de cent metres carres, au milieu du desert, avec ses livres.

Sa bibliotheque de campagne, a ce qu'il nous assure, ne comprenait que: les Pensees de Pascal, les Sermons de Bossuet, le Reglement d'artillerie de montagne, la Table de logarithmes de Dupuy, et un exemplaire de Servitude et grandeur militaires auquel Psichari tenait, “parce qu'il composait l'unique bagage litteraire du sous-lieutenant de cavalerie Violet qui sut si bien mourir a Ksar-Teuchane, en Adrar”; plus, cinq petits livres qui n'etaient autres que des cahiers de Peguy lui-meme. Et, dans ce meme morceau, Peguy cite cette belle lettre de Psichari, datee de Moudjeria: “Voici une terre qui est parfaitement romantique et triplement romantique: par sa nature, son aspect physique, par le caractere de ses habitants et par l'action que nous y exercons encore.

Histoire de brigands, assassinats, combats epiques, pillages, sombres intrigues, tout cela fleurit ici comme dans son terrain naturel.

Et tout conspire a cette impression.

Les aspects du pays, qui ne sont guere jolis, ont cependant une beaute qui leur vient d'un tragique puissant, une beaute sans grace, mais bizarre et monstrueuse comme un decor du second Faust.

“Des plaines sans eau de l'Agan, ecrasees de soleil, du montueux Tagant et de ses cirques de rochers noirs, des dunes sans fin de l'Aouker, du noir Assaba, toute vie s'est retiree aujourd'hui et il reste un rude squelette mineral ou errent de pauvres tentes en poil de chameau et des troupeaux nomades.

Les Maures de ces contrees desolees sont parmi les plus rudes guerriers qui soient au monde.

Ils nous l'ont fait sentir plus d'une fois, et nous le feront encore sentir, vraisemblablement.

Cette noble et antique race qui se rattache a l'Orient mystique (il y a ici des “Chiites” que les guerres du premier siecle de l'Islam avaient pourtant rejetes et confines en Perse sur les bords de l'Euphrate) et qui se ramifie vers l'est jusqu'au dela de Tombouctou (les Kounta du Tagant s'echelonnent ainsi jusqu'au nord de la boucle du Niger), presente un echantillon d'humanite extremement evolue et ou pourtant la simplicite des moeurs est restee grande, ou l'ardeur du sang primitif est restee vierge.

Ces gens d'esprit tres cultive generalement, retors en politique, habiles dans la discussion, et qui, en religion, vont jusqu'au mysticisme le plus ardent (Cheickh el Ghaswani devore en ce moment un traite de La vie d'Ernest Psichari NOTES ET DOCUMENTS 16. »

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