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Le chant de la danse Un soir Zarathoustra traversa la forêt avec ses disciples ; et voici qu'en cherchant une fontaine il parvint sur une verte prairie, bordée d'arbres et de buissons silencieux : et dans cette clairière des jeunes filles dansaient entre elles.

Publié le 30/10/2013

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Le chant de la danse Un soir Zarathoustra traversa la forêt avec ses disciples ; et voici qu'en cherchant une fontaine il parvint sur une verte prairie, bordée d'arbres et de buissons silencieux : et dans cette clairière des jeunes filles dansaient entre elles. Dès qu'elles eurent reconnu Zarathoustra, elles cessèrent leurs danses ; mais Zarathoustra s'approcha d'elles avec un geste amical et dit ces paroles : « Ne cessez pas vos danses, charmantes jeunes filles ! Ce n'est point un trouble-fête au mauvais oeil qui est venu parmi vous, ce n'est point un ennemi des jeunes filles ! Je suis l'avocat de Dieu devant le Diable : or le Diable c'est l'esprit de la lourdeur. Comment serais-je l'ennemi de votre grâce légère ? L'ennemi de la danse divine, ou encore des pieds mignons aux fines chevilles ? Il est vrai que je suis une forêt pleine de ténèbres et de grands arbres sombres ; mais qui ne craint pas mes ténèbres trouvera sous mes cyprès des sentiers fleuris de roses. Il trouvera bien aussi le petit dieu que les jeunes filles préfèrent : il repose près de la fontaine, en silence et les yeux clos. En vérité, il s'est endormi en plein jour, le fainéant ! A-t-il voulu prendre trop de papillons ? Ne soyez pas fâchées contre moi, belles danseuses, si je corrige un peu le petit dieu ! il se mettra peut-être à crier et à pleurer, - mais il prête à rire, même quand il pleure ! Et c'est les yeux pleins de larmes qu'il doit vous demander une danse ; et moi-même j'accompagnerai sa danse d'une chanson : Un air de danse et une satire sur l'esprit de la lourdeur, sur ce démon très haut et tout puissant, dont ils disent qu'il est le « maître du monde «. - Et voici la chanson que chanta Zarathoustra, tandis que Cupidon et les jeunes filles dansaient ensemble : Un jour j'ai contemplé tes yeux, ô vie ! Et il me semblait tomber dans un abîme insondable ! Mais tu m'as retiré avec des hameçons dorés ; tu avais un rire moqueur quand je te nommais insondable. « Ainsi parlent tous les poissons, disais-tu ; ce qu'ils ne peuvent sonder est insondable. Mais je ne suis que variable et sauvage et femme en toute chose, je ne suis pas une femme vertueuse : Quoique je sois pour vous autres hommes « l'infinie « ou « la fidèle «, « l'éternelle «, « la mystérieuse «. Mais, vous autres hommes, vous nous prêtez toujours vos propres vertus, hélas ! vertueux que vous êtes ! « C'est ainsi qu'elle riait, la décevante, mais je me défie toujours d'elle et de son rire, quand elle dit du mal d'elle-même. Et comme je parlais un jour en tête-à-tête à ma sagesse sauvage, elle me dit avec colère : « Tu veux, tu désires, tu aimes la vie et voilà pourquoi tu la loues ! « Peu s'en fallut que je ne lui fisse une dure réponse et ne dise la vérité à la querelleuse ; et l'on ne répond jamais plus durement que quand on dit « ses vérités « à sa sagesse. Car s'est sur ce pied-là que nous sommes tous les trois. Je n'aime du fond du coeur que la vie - et, en vérité, je ne l'aime jamais tant que quand je la déteste ! Mais si je suis porté vers la sagesse et souvent trop porté vers elle, c'est parce qu'elle me rappelle trop la vie ! Elle a ses yeux, son rire et même son hameçon doré ; qu'y puis-je si elles se ressemblent tellement toutes deux ? Et comme un jour la vie me demandait : « Qui est-ce donc, la sagesse ? « J'ai répondu avec empressement : « Hélas oui ! la sagesse ! On la convoite avec ardeur et l'on ne peut se rassasier d'elle, on cherche à voir sous son voile, on allonge les doigts vers elle à travers les mailles de son réseau. Est-elle belle ? Que sais-je ! Mais les plus vieilles carpes mordent encore à ses appâts. Elle est variable et entêtée ; je l'ai souvent vue se mordre les lèvres et de son peigne emmêler ses cheveux. Peut-être est-elle mauvaise et perfide et femme en toutes choses ; mais lorsqu'elle parle mal d'elle-même, c'est alors qu'elle séduit le plus. « Quand j'eus parlé ainsi à la vie, elle eut un méchant sourire et ferma les yeux. « De qui parles-tu donc ? dit-elle, peut-être de moi ? Et quand même tu aurais raison - vient-on vous dire en face de pareilles choses ! Mais maintenant parle donc de ta propre sagesse ! « Hélas ! Tu rouvris alors les yeux, ô vie bien-aimée ! Et il me semblait que je retombais dans l'abîme insondable. - Ainsi chantait Zarathoustra. Mais lorsque la danse fut finie, les jeunes filles s'étant éloignées, il devint triste. « Le soleil est caché depuis longtemps, dit-il enfin ; la prairie est humide, un souffle frais vient de la forêt. Il y a quelque chose d'inconnu autour de moi qui me jette un regard pensif. Comment ! Tu vis encore, Zarathoustra ? Pourquoi ? À quoi bon ? De quoi ? Où vas-tu ? Où ? Comment ? N'est-ce pas folie que de vivre encore ? - Hélas ! Mes amis, c'est le soir qui s'interroge en moi. Pardonnez-moi ma tristesse ! Le soir est venu : pardonnez-moi que le soir soit venu ! « Ainsi parlait Zarathoustra. Le chant du tombeau « Là-bas est l'île des tombeaux, l'île silencieuse, là-bas sont aussi les tombeaux de ma jeunesse. C'est là-bas que je vais porter une couronne d'immortelles de la vie. « Ayant ainsi décidé dans mon coeur - je traversai la mer. - Vous, images et visions de ma jeunesse ! Ô regards d'amour, moments divins ! Comme vous vous êtes vite évanouis ! Aujourd'hui je songe à vous comme je songe aux morts que j'aimais. C'est de vous, mes morts préférés, que me vient un doux parfum qui soulage le coeur et fait couler les larmes. En vérité, il ébranle et soulage le coeur de celui qui navigue seul. Je suis toujours le plus riche et le plus enviable - moi le solitaire. Car je vous ai possédés et vous me possédez encore : dites-moi pour qui donc sont tombées de l'arbre de telles pommes d'or ? Je suis toujours l'héritier et le terrain de votre amour, je m'épanouis, en mémoire de vous, en une floraison de vertus sauvages et multicolores, ô mes bien-aimés ! Hélas ! Nous étions faits pour demeurer ensemble, étranges et délicieuses merveilles ; et vous ne vous êtes pas approchées de moi en de mon désir, comme des oiseaux timides - mais confiantes en celui qui avait confiance ! Oui, créés pour la fidélité, ainsi que moi, et pour la tendre éternité : faut-il maintenant que je vous dénomme d'après votre infidélité, ô regards et moments divins : je n'ai pas encore appris à vous donner un autre nom. En vérité, vous êtes morts trop vite pour moi, fugitifs. Pourtant vous ne m'avez pas fui et je ne vous ai pas fui ; nous ne sommes pas coupables les uns envers les autres de notre infidélité. On vous a étranglés pour me tuer, oiseaux de mes espoirs ! Oui, c'est vers vous, mes bienaimés, que toujours la méchanceté décocha ses flèches - pour atteindre mon coeur ! Et elle a touché juste ! car vous avez toujours été ce qui m'était le plus cher, mon bien, ma possession : c'est pourquoi vous avez dû mourir jeunes et périr trop tôt ! C'est vers ce que j'avais de plus vulnérable que l'on a lancé la flèche : vers vous dont la peau est pareille à un duvet, et plus encore au sourire qui meurt d'un regard ! Mais je veux tenir ce langage à mes ennemis : qu'est-ce que tuer un homme à côté de ce que vous m'avez fait ? Le mal que vous m'avez fait est plus grand qu'un assassinat ; vous m'avez pris l'irréparable : - c'est ainsi que je vous parle, mes ennemis ! N'avez vous point tué les visions de ma jeunesse et mes plus chers miracles ! Vous m'avez pris mes compagnons de jeu, les esprits bienheureux ! En leur mémoire j'apporte cette couronne et cette malédiction. Cette malédiction contre vous, mes ennemis ! Car vous avez raccourci mon éternité, comme une voix se brise dans la nuit glacée ! Je n'ai fait que l'entrevoir comme le regard d'un oeil divin, - comme un clin d'oeil ! Ainsi à l'heure favorable, ma pureté me dit un jour : « Pour moi, tous les êtres doivent être divins. « Alors vous m'avez assailli de fantômes impurs ; hélas ! Où donc s'est enfuie cette heure favorable ! « Tous les jours doivent être sacrés pour moi « - ainsi me parla un jour la sagesse de ma jeunesse : en vérité, c'est la parole d'une sagesse joyeuse ! Mais alors vous, mes ennemis, vous m'avez dérobé mes nuits pour les transformer en insomnies pleines de tourments : hélas ! où donc a fui cette sagesse joyeuse ? Autrefois je demandais des présages heureux : alors vous avez fait passer sur mon chemin un monstrueux, un néfaste hibou. Hélas ! Où donc s'est alors enfui mon tendre désir ? Un jour, j'ai fait voeu de renoncer à tous les dégoûts, alors vous avez transformé tout ce qui
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« on allonge lesdoigts verselleàtravers lesmailles deson réseau. Est-elle belle ?Quesais-je ! Maislesplus vieilles carpesmordent encoreàses appâts. Elle estvariable etentêtée ; jel’ai souvent vuesemordre leslèvres etde son peigne emmêler ses cheveux. Peut-être est-ellemauvaise etperfide etfemme entoutes choses ; maislorsqu’elle parlemal d’elle-même, c’estalors qu’elle séduitleplus. » Quand j’eusparlé ainsiàla vie, elle eutunméchant sourireetferma lesyeux.

« Dequiparles-tu donc ? dit-elle, peut-être demoi ? Et quand même tuaurais raison –vient-on vousdireenface depareilles choses !Mais maintenant parledoncdetapropre sagesse ! » Hélas ! Turouvris alorslesyeux, ôvie bien-aimée ! Etilme semblait quejeretombais dans l’abîme insondable.

– Ainsi chantait Zarathoustra.

Maislorsque ladanse futfinie, lesjeunes filless’étant éloignées, il devint triste. « Le soleil estcaché depuis longtemps, dit-ilenfin ; laprairie esthumide, unsouffle fraisvient de laforêt. Il ya quelque chosed’inconnu autourdemoi quime jette unregard pensif.

Comment ! Tuvis encore, Zarathoustra ? Pourquoi ? Àquoi bon ? Dequoi ? Oùvas-tu ? Où ?Comment ? N’est-cepasfolie quedevivre encore ? – Hélas ! Mesamis, c’estlesoir quis’interroge enmoi.

Pardonnez-moi matristesse ! Le soir estvenu : pardonnez-moi quelesoir soitvenu ! » Ainsi parlait Zarathoustra.. »

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