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Le Creusot sous le Second Empire

Publié le 01/03/2012

Extrait du document

Louis Reybaud, Le Fer et la houille, Etude sur le régime des manufactures, Paris, Lévy, 1874

« Le Creusot, quand on le parcourt dans les jours ouvrables, ne donne qu’une faible idée du nombre

d’habitants qu’il contient. Dès le matin le vide s’y est fait : les ateliers se sont remplis au préjudice des maisons. Deux fois par jour, cette marée monte et descend, marquant ces retours périodiques par le bruit quand elle passe, par le silence quand elle s’est écoulée. Le tiers du Creusot figure dans ce défilé, la partie active et virile ; les vieillards, les femmes et les enfants restent seuls en permanence au logis. (…) La ville ne s’anime guère que les jours fériés, et c’est alors qu’elle se

montre non seulement dans toute son importance, mais dans tous ses atours. L’homme a fait ses grandes ablutions et revêtu sa redingote de drap ; la femme a endossé son châle et s’est coiffée du bonnet à rubans, les marmots ont leurs meilleures blouses. On voit alors la population autrement que sous la couche de suie qui la couvre dans la semaine. (…)

Il est de tradition au Creusot que, dans la période du début, cette population n’était pas ce qu’elle est devenue sous l’action du temps et d’une culture intelligente. Les manouvriers venus du Morvan n’avaient ni des corps bien robustes ni l’esprit bien ouvert. Il a fallu les soumettre à une sorte d’entraînement pour éveiller leurs facultés et développer leurs forces. Pour les facultés, on a eu l’école, pour les forces le régime alimentaire. C’est ainsi que la seconde génération, aujourd’hui à l’oeuvre, est déjà toute autre que celle qui l’a précédée et sera à son tour dépassée par la génération qui, encore sur les bancs, aura plus tard à donner sa mesure. En ceci comme en tout le reste, l’usine a fait acte d’autorité ; elle s’est emparée du gouvernement des familles comme elle s’emparait du gouvernement de la commune, en usant de l’influence la plus naturelle du monde, un salaire toujours croissant. C’est la seule violence qu’elle ait exercée. Un meilleur salaire permettait à l’ouvrier de mieux garnir sa table et de payer les frais d’école pour son enfant. Tout cela était fait d’instinct, par la force des choses, et dans ce sens le mouvement des salaires se lie d’une manière étroite à l’avancement du Creusot. «.

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